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Page:Fargèze - Mémoires amoureux, 1980.djvu/67

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prouesse et, tout bouffonnant, il accourait aux nouvelles.

— Alors, c’est vrai ? Vous avez fait prendre à l’ami Balthasar un bain forcé ? Voyons, racontez-moi ça, monsieur Félicien.

Je n’étais guère en goût de le satisfaire, et me tournant vers mon oncle je lui demandai pourquoi Balthasar partait, et s’il abandonnait le service. « Il le faut bien ! me répondit-il, en se levant pour saluer le marchand de bois. Même si tu as tort, tu es mon neveu, et je ne peux pas te mettre à la porte. » À quoi je répliquai tout net que j’avais incontestablement tort, et que si quelqu’un devait s’en aller, c’était moi. « Je veux retourner à Saint-Brice, ajoutai-je. Il faut que vous gardiez Balthasar. » Mais M. Boulard intervint, sans donner le temps à mon oncle de placer un mot :

— Si c’est comme ça, monsieur Félicien, vous entrerez chez moi, et tout s’arrangera du coup. Voilà longtemps que j’ai besoin de quelqu’un comme vous pour mes écritures. Ne dites pas non. C’est entendu.

Je ne sus dire ni non ni oui, tant j’étais peu préparé à cette proposition qui, en effet, pouvait arranger les choses. Quant à mon oncle, il ne dissimula pas le réconfort qu’elle lui apportait. Je dois avouer que je n’étais pas pour lui d’une utilité telle que mon départ eût pu le gêner. La tenue de ses livres et sa correspondance ne représentaient même pas un travail de deux heures par jour. Cependant il se contenta de remercier le marchand de bois, dit qu’il réfléchirait et lui donnerait réponse. Je remerciai, moi aussi, sans accepter ni refuser, mais déjà m’apparaissaient les avantages d’un emploi qui me vaudrait de résider à la ville, et j’aurais voulu dire oui pour qu’il n’y eût pas à revenir sur ce sujet.

— Bon, bon, ça va bien ! Pour les conditions, on s’entendrait toujours. Et puis, vous pourriez prendre pension à la maison, et même il y aurait peut-être moyen de vous donner une chambre…

La pension et une chambre chez M. Boulard ! J’évoquai Mme Boulard et ses inquiétants patinages, et cela me rendit perplexe. Le marchand de bois s’en alla sur ma