Aller au contenu

Page:Fargèze - Mémoires amoureux, 1980.djvu/72

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
69

CHAPITRE SIXIÈME

Chez le marchand de bois.
Les deux Mme Boulard. La pension Dumesnil.
Germaine et Claire.

Il m’allait être donné de connaître une autre Mme Boulard. Celle qui m’initiait au travail qu’on attendait de moi se montrait aimable, mais réservée. Et cela me fit plaisir. Elle m’expliqua le commerce de la maison, me révéla le mécanisme des livres de caisse. Elle me mit sous les yeux la liste des principaux clients. J’y vis le nom de mon père, et comme, en souriant, je relevais la tête vers elle, elle me dit : « Il paraît que vous lui ressemblez beaucoup. » Assise auprès de moi, contre moi, elle évitait que nos mains se touchassent. Un moment, une dentelle de sa manche droite ayant accroché le bouton de ma veste, elle devint rouge, opéra le décrochage sans prononcer un mot.

À la fin de cette première journée, j’étais assez au courant pour me tirer d’affaire, ce qui n’offrait rien de bien épineux. J’avais refusé l’invitation à déjeuner de M. Boulard ; je refusai, le soir, l’invitation à dîner de tous les Boulard, auxquels se joignit, sautillante, la petite bonne. J’éprouvais le besoin de me recueillir, sans compter que je préférais m’asseoir à la table de la pension Dumesnil, le repas que j’y avais pris à midi m’ayant amusé par la nouveauté du milieu. C’était à deux minutes de là. Désolé de ne pouvoir me garder, M. Boulard m’y accompagna, et il ne me quitta qu’après avoir obtenu de M. Dumesnil qu’il vidât avec nous sa plus poussiéreuse bouteille.