Page:Fargue - Le Piéton de Paris, 1939.djvu/175

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siennes. Il y a des états d’âme découpés, des cauchemars avec cour et jardin, des démangeaisons comiques, et des lots de roustissures dues à une poignée de galopins dépourvus de la moindre brindille de culture, de la plus petite épingle de grammaire, et qui font du roman, et on les édite, et qui font du théâtre, disait Jules Renard, comme ils font des chèques. Ils écrivent, et on les joue.

Je ne tiens pas à faire ici un examen approfondi des romans ou des pièces, ni à les vider de leur contenu. Je ne prétendrait pas qu’un tel a du génie, tel autre de l’habileté, un troisième des poches pleines de ficelles. Mais du temps de Flers et de Caillavet, quand la qualité était la qualité, une fête de Paris une fête de Paris, un juif un juif, c’était autre chose. Je veux dire que c’était plus parisien, et tous mes contemporains me comprendront.

Trop de gens aujourd’hui ont « voulu » Paris, le cinéma s’y est mis, nous avons vu se ruer des troupes de Sarrasins à l’assaut de ce qui était autrefois réservé à quelques-uns. Ils sont bien libres. Toutefois, quand je lis dans la chronique : « Mme de Saint-Chouette vient de donner une soirée très parisienne en son hôtel, ou le comte Le Truc du Machin a convié quelques amis à se réunir pour un bridge », je rigole. Tout cela est très exact, les Saint-Chouette et les Trucmuche du Machin sont gens vivants et dépensant, mais ils sont d’un Paris aussi factice que les images cinématographiques. Ce sont des fantômes.