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Page:Fargue - Le Piéton de Paris, 1939.djvu/206

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Rivoli, Coco Chanel, qui est une reine aussi, et qui reçoit assurément plus de visites qu’un auteur dramatique. Pour la moustache, c’est celle du maréchal Pétain qui assure le service de la célébrité. Quant au « paille », j’ai bien cru remarquer que le maharadjah de Kapurthala en portait un, mais, comme dit l’autre : « Allez vous y retrouver ! Il y a au moins deux Kapurthala par hôtel en ce moment ! »

Plus que ses égaux en luxe, et sans doute par les vapeurs de snobisme qu’il dégage, le Meurice a la spécialité d’attirer les grands originaux, du moins ceux qui ont assez d’argent vrai pour avoir des idées fausses, depuis l’Anglais qui ne voyage qu’avec une boussole de façon à pouvoir toujours dormir la tête orientée vers le Nord, jusqu’à cet Américain qui, lorsqu’il vient à Paris, tient absolument à voir la Tour Eiffel de sa fenêtre. Un jour, dans l’impossibilité de le satisfaire, un maître d’hôtel suggéra à ce maniaque de se faire construire une Tour Eiffel portative et extensible, qu’il pourrait à volonté transporter de Continent à Continent et installer dans les chambres, les bars ou les jardins. L’Américain écouta la chose le plus sérieusement du monde. Et il est fort possible que nous lisions un jour dans les journaux l’information suivante : « Un original déclare à la douane maritime une Tour Eiffel en réduction. »

— Si encore, me confiait un barman, nous n’avions affaire qu’aux maniaques doux, qu’aux fantaisistes solitaires qui se contentent de fétiches