Aller au contenu

Page:Fargue - Le Piéton de Paris, 1939.djvu/23

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

demeure le grand 106, qui rougit dans le dos de l’hôpital Lariboisière. Cette maison est tellement ancienne, tellement évidente pour les voyageurs du métro comme pour ceux du taxi qu’on se demande si elle n’est pas la maison de famille de l’arrondissement…

C’est d’elle que partent les légendes de la Chapelle. Les Parisiens de Saint-Philippe-du-Roule ou de la rue de Varenne y logent sans doute tous les dieux pervers des boulevards extérieurs, et ne connaissent de cette province que l’auberge d’amour dont rêvent les soldats et les sans-logis…

Le dimanche, des paquets d’ouvriers étrangers rôdent sous l’immense baldaquin du métro, s’arrêtent et se groupent autour des tapis des lutteurs, et parfois se sautent à la gorge pour une affaire d’apéritif ou de femme. Ces luttes sont courtes et muettes, car, depuis quelques mois, le refus possible du permis de travail ou de la carte d’identité a remplacé la fatalité et même la peur du gendarme dans l’imagination de ceux qui ont l’ardeur facile.

À la Chapelle, le dimanche est véritablement un dimanche, et la métamorphose du quartier est complète. Les grandes voitures, conduites par des industriels à moustache en patte de lapin, tournent autour de l’Étoile ou quittent Paris. Les boutiques sont fermées, hormis quelques charcuteries dont les patrons songent aux dîners froids de leurs coadministrés. Par grappes, par pelotons, les familles de fleuristes, de crémiers, de