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BOULEVARD SAINT-GERMAIN

J’habite moi aussi l’hôtel, tout comme un maharadjah, un soyeux lyonnais ou un diplomate, et mon hôtel s’appelle Palace : Il fait le coin du Boulevard Saint-Germain et de la rue du Four, un des endroits de Paris les plus chargés de sens et de culture. J’ai pour voisins immédiats l’Encyclopédie française de Monzie, de Febvre et d’Abraham, et quelques tramways qui font du footing tous les jours en agitant leur sonnette. Devant la porte, la station du métro Mabillon me fait constamment la blague d’être un jardin. Je sors, et, tout de suite, les cafés succèdent aux librairies et les librairies aux cafés. À gauche, Saint-Germain-des-Prés dresse sa tour de froc et d’épée, son armure grise et sentimentale, si parfaitement reposante, dans un ciel clair. Vers la droite, le boulevard file vers les Universités. C’est un des plus beaux décors que j’aie connus dans mes voyages.

Fondé en 1926, le Palace-Hôtel est ouvert à une clientèle qui choisit le quartier Saint-Germain-des-Prés pour des raisons précises, et ne saurait descendre ailleurs : Bourgeois cossus dont la vie est à cheval sur le sixième arrondissement et quelque ville de province ou de l’étranger, intellectuels avides de ce calme très particulier qui naît du voisinage des maisons d’édition, des Fa-