Page:Farrere - Mademoiselle Dax.djvu/106

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Tout de suite après il entra dans une colère furieuse, m’injuria grossièrement et refusa. Je m’y attendais, bien entendu.

— Alors, qu’avez-vous fait ?

— Alors… je savais qu’il avait une maîtresse… oh ! comme tous les hommes ! et vous pensez si cela m’était égal !… Mais il y avait là une arme pour moi. Je me fis espionne, – quoiqu’il en coûtât terriblement à mon orgueil ! – et je surpris un jour le flagrant délit. Menacé d’un procès de divorce, M. Terrien céda. Il avait une peur enfantine de ce que le monde appelle scandale. Sous condition expresse que le mot séparation ne serait même pas prononcé, il consentit à vivre séparé de moi pour toujours, et à me donner Gilbert. Il ne l’aimait d’ailleurs pas, à cause de sa jambe trop courte. Dans toute l’affaire, ma grande chance fut que j’étais assez riche pour vivre indépendante et pour élever mon fils sans rien mendier à personne. – Petite Alice, mon fils est un homme, aujourd’hui. Il y a quatorze ans que nous vivons ensemble, lui et moi, libres. Eh bien ! durant ces quatorze années, pas une heure, pas une minute, je n’ai regretté ma chaîne d’autrefois, ni le jour courageux où je l’ai cassée !

Il y eut un très long silence. Mademoiselle Dax agitait des bribes de pensées, sans parvenir à les coordonner en pensées entières. Elle parla enfin, laborieusement :

— Tout de même, s’il n’avait pas voulu, votre mari ?… s’il n’avait pas voulu vous laisser aller ?… vous n’auriez pas divorcé, n’est-ce pas ?… Vous le menaciez, mais seulement pour lui faire peur.