Page:Farrere - Mademoiselle Dax.djvu/138

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— Oui… Vous figurez-vous avoir goûté là dedans, en compagnie d’un partenaire de hasard, l’ivresse sacrée, sublime et terrible que connurent Juliette et Roméo ?

— Je me le figure en effet.

— Allez, vous êtes bête comme Mercutio !…

— Comme Mercutio ?… Ce n’est déjà pas trop… il y a même de quoi être fière… Mais ne m’injuriez pas, et plaidez votre cause. Dites un peu ce qu’ils faisaient ensemble, Roméo et Juliette… oui, quoi ? quelle sorte d’horreurs délectables, que nous n’ayons pas pu faire aussi bien qu’eux, mon partenaire de hasard et moi.

— Zut ! taisez-vous, vous révoltez ma pudeur… Ce que vous n’avez pas pu faire ? Vous n’avez pas pu sangloter de tendresse aux bras l’un de l’autre, ni chercher désespérément, au plus profond de vos bouches, vos âmes ! Vous n’avez pas pu, à l’étreinte de vos deux chairs, ajouter l’étreinte plus étroite de vos deux pensées !… Vous n’avez pas pu mêler vos cris pareils, et redoubler votre délice par la vision céleste du délice de l’être adoré… Taisez-vous ! vous en savez moins long que mademoiselle Dax. Vous vous êtes accouplée, vous n’avez pas aimé…

Elle ne répliquait plus. Une curiosité passait dans son regard toujours attaché sur Fougères.

Mademoiselle Dax, soudain, se leva.

— Minuit ! oh ! il est trop tard…