Page:Farrere - Mademoiselle Dax.djvu/252

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des toilettes et des visages. Fougères, patient, attendit l’entr’acte, et reporta son regard sur la scène.

La scène, à cet instant, n’avait point d’acteurs. Les violons reprenaient en sourdine la chanson de la vendange, cependant que les harpes préludaient au motif pur et grave du clair de lune. Dans le décor bleuâtre du jardin du bourgmestre, Werther et Charlotte, au bras l’un de l’autre, n’étaient pas encore revenus.

Fougères osa troubler le silence attentif de son compagnon :

— Quelles pensées, monsieur, vous inspire cette musique ?

— Celle-ci, monsieur : que le vin est bon conseiller, et l’amour conseiller néfaste. Et vous en verrez la preuve au cinquième acte : car, tandis que le jeune Werther, serviteur d’Eros, agonisera, la tête fendue, les vendangeurs, serviteurs du dieu de la vigne, chanteront joyeusement des cantiques sonores. Quod erat, monsieur, demonstrandum ! Et fuyons les créatures de l’autre sexe !…

L’homme sentencieux s’interrompit, car Charlotte et Werther venaient d’apparaître. Des rayons de lune tombaient des frises, et la tête blonde de l’actrice, et la tête brune de l’acteur en étaient auréolées d’une gloire rêveuse. Le duo romantique monta dans le silence. Et Fougères, conquis peu à peu par le symbole éternel qu’enferme toute parole d’amour, écouta, muet. Les phrases succédèrent aux phrases. Puis sur l’adieu désespéré du héros à l’héroïne, le rideau s’abaissa. Alors, tout d’un coup, les lampes électriques