Page:Farrere - Mademoiselle Dax.djvu/34

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et ça va s’accentuer, mon vieux. Les Russes reçoivent pile sur pile, ce n’est pas de quoi avancer la paix.

— Je sais, – dit Dax. – Trente-six vingt.

— Trente-six vingt ! vous êtes malade ! je me tue à vous dire qu’elle ne vaudra pas trente-cinq, votre Canton, d’ici à huit jours. Vendez donc, sacré tonnerre ! Tenez, trente-six cinq, ça va ? Il y a d’autre soie sur le marché, vous savez ?

— Je sais, – redit Dax. – Trente-six vingt.

Il ne lâchait pas d’un cran, têtu comme un mulet, froid comme une borne. L’acheteur au contraire, s’emportait, abattait des coups de poing sur la soie.

— Mais, bon Dieu, vous dites toujours la même chose ! Quoi, pour seize malheureuses balles, vous allez perdre un client…

À court de souffle, il s’arrêta pour suffoquer. Et ce fut l’instant malencontreux que saisit une voix timide pour murmurer, derrière M. Dax :

— Bonsoir, p’pa !

M. Dax, flegmatique en face de son client, le fut moins à l’égard de sa fille, et la reçut sans douceur.

— Toi ? qu’est-ce que tu viens faire ici ?

Et, sans attendre la réponse :

— Va-t’en. Va au bureau. J’ai à faire.

Humiliée et docile, mademoiselle Dax recula jusqu’à la porte et se tint coite.

… L’abbé Buire avait beau prêcher, c’était dur d’être ainsi rudoyée devant tout le monde… À vingt ans, on n’est plus une petite fille…

… Bien triste, ce bureau… tellement sombre que,