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le père michel.

cher homme, rien qu’à me savoir là, l’attendant l’œil au guet, et d’aussi loin qu’il m’entrevit, il cria joyeusement :

— Ah ! M. Henri, quelle bonne pêche nous allons faire, aujourd’hui !

À ces mots, je sautai de joie — car la bise avait cédé sous les chaudes effluves de mon soleil de mai : j’étais redevenu enfant, — content de la permission que ma mère m’avait donnée de grand matin, j’allongeai bravement mon petit pas ; derrière les immenses enjambées du père Michel qui, comme d’habitude, marchait en sauvage, effleurant si légèrement le sol, qu’une feuille morte n’aurait pas craqueté au contact de son pied.

Nous descendîmes la route du manoir, qui court vers la grève et, à mesure que nous cheminions, il m’expliquait de sa voix, cassée mais sympathique, comment il avait laissé un lambeau de sa vie à presque tous les endroits de la côte de Beaumont.

C’étaient, comme toujours, de terribles histoires de sauvetages opérés sur les immenses et terribles battures qui font face au trou Saint-Patrice, puis des pêches incroyables accomplies à l’époque des grandes marées ; tout cela pour finir par de curieuses trouvailles faites sur le plein.

Tant qu’il parla mes frêles jambes d’enfant firent leur tantinet de chemin, et cela sans se morfondre ni s’endormir. Elles ne demandaient pas mieux que de continuer avec le récit attachant ; mais arri-