Page:Faugere - Eloge de Pascal - A 10644.pdf/27

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 23 )

française, plus qu’un plaidoyer en faveur de la religion, de la morale et du bon sens ; elles sont un monument élevé à la liberté de conscience.

La condamnation des Lettres provinciales par le saint-siége ne put faire fléchir la conviction de Pascal, et jusqu’à son dernier jour il parla de cet ouvrage comme d’un devoir accompli. Ce grand esprit, qui a dit tant de mal de la raison humaine, n’était-il pas l’éloquent défenseur de la raison, quand il disait avec une sorte de fierté triste et résignée : « J’ai craint que je n’eusse mal écrit, me voyant condamné ; mais l’exemple de tant de pieux écrits me fait croire au contraire. Il n’est plus permis de bien écrire. — Toute l’inquisition est corrompue ou ignorante. Il est meilleur d’obéir à Dieu qu’aux hommes.— Si mes Lettres sont condamnées à Rome, ce que j’y condamne est condamné dans le ciel. L’Inquisition et la Société (des jésuites) sont les deux fléaux de la vérité. »

Le sentiment énergique de la dignité morale et des droits de la pensée humaine se confondait dans la conscience de Pascal avec un attachement toujours subsistant, toujours invincible pour ce qui lui paraissait être la vérité. Après l’avoir défendue sans crainte contre une société remuante qui avait pour elle le roi, le pape, l’inquisition et la Bastille, il la soutint sans faiblesse contre ses amis de Port-Royal. Lorsque ceux-ci, fléchissant à l’aspect des persécutions que leur préparait le crédit de leurs ennemis, furent d’avis de signer un formulaire qui impliquait la rétractation de leur doctrine, Pascal protesta contre leur condescendance. Un jour qu’il conférait sur ce sujet avec Nicole et Arnauld, il éprouva une telle douleur de ne pouvoir les ramener à son

4.