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opinion, et leur parla avec une si grande force, qu'il perdit entièrement connaissance au milieu de l’entretien, tant était vive l'ardeur de sa conviction, qui lui faisait oublier ses souffrances corporelles !

Tandis que Pascal abrégeait dans des luttes glorieuses ses jours languissants, une humble fille souffrait pour la même cause dans l’obscurité d’une cellule, et lui sacrifiait sa vie.

Appelée avec les autres religieuses de Port-Royal à signer le formulaire, et placée ainsi entre la nécessité de désobéir à ses supérieurs ou de renier la doctrine jusque-là professée à Port-Royal, Jacqueline Pascal ressentit si profondément la violence morale qui lui était faite, qu’elle en devint malade et mourut : personnification héroïque et naïve de l’intelligence et de la conscience souffrant sous une oppression brutale le martyre le plus cruel qu’il leur soit donné de subir en ce monde !

Après avoir contemplé Pascal dans l’activité de ses travaux polémiques, nous le retrouvons de plus en plus épuisé par la souffrance, redoublant ses austérités, gardant la flamme de l’esprit jusque dans les dernières ruines de son existence, et se peignant lui-même dans l’expressive image du Roseau pensant.

Nous avons vu comment Pascal était arrivé au dogmatisme religieux. Désabusé des sciences mathématiques, dans lesquelles il ne voyait plus qu’un essai et non l'emploi de sa force[1], ayant puisé par avance dans de nombreuses lectures, et surtout dans celle de Montaigne, la méfiance des systèmes que peut enfanter l’esprit humain, méfiance portée

  1. Lettre de Pascal à Fermât, tom. IV, pag. 392.