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religion l’ont fait avant lui et après lui, appelle le scepticisme à son aide pour confondre la raison humaine dans le dédale de ses propres systèmes. Les Essais de Montaigne, cet arsenal de toutes les incertitudes, lui étaient familiers, et il y puise une partie des armes qu’il emploie pour combattre l’incrédulité.

Mais le scepticisme devient quelquefois un dangereux auxiliaire : il ressemble à ces troupes indisciplinées qui se retournent contre le drapeau qu’elles ont servi, et portent le ravage indistinctement dans les deux camps. Ce doute, que Pascal invoquait contre l’orgueil et l’incrédulité humaine, se dressait quelquefois contre lui-même, et le pressait dans ses redoutables étreintes.

Des profondeurs de cette pensée mélancolique d’où jaillissent tant de lumières sublimes, s’échappent par intervalles des éclairs qui laissent voir des angoisses infinies. Oh ! que nous sommes loin de ce scepticisme épicurien, content de lui-même, où Montaigne, qui ne se donne pas même la peine d’être incrédule, se complaît comme dans son élément naturel, et qu’il regarde comme le plus doux oreiller pour une tête bien faite ! Tandis que l’indolent philosophe rêve et s’endort au bruit confus des opinions contraires, les incertitudes de la raison humaine tourmentent Pascal comme des apparitions importunes, et le tiennent agité dans l’insomnie perpétuelle de sa pensée.

Aussi les parties de son œuvre qui sont plus particulièrement consacrées à développer les preuves de la religion, perdent beaucoup de leur puissance de démonstration, rapprochées de ces interrogations parfois accablantes que Pascal s’adresse à lui-même, et qui viennent sous sa plume ardente comme une sorte de défi jeté à l’humanité.