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à ses désirs, à ses doutes, à ses grandeurs, à ses misères et à ses contradictions. Telle est, en effet, l’éternelle supériorité de la religion chrétienne sur toutes les philosophies, sur toutes les croyances qui se sont propagées dans le monde.

On ne trouve point, dans le Génie du christianisme, la profondeur continue de Pascal ; et cependant, nous n’hésitons pas à le dire, cet ouvrage a beaucoup plus servi la cause de la religion que le livre des Pensées. Où chercher la cause de cette plus grande influence, si ce n’est que M. de Châteaubriand s’adresse davantage à l’imagination et au sentiment, et s’accommode mieux par cela même aux proportions ordinaires de l’humanité ?

Le cœur de l’homme est ainsi fait, qu’il ne suffit pas de lui démontrer, à l’aide du calcul des probabilités, qu’il y a par delà ce monde un Dieu, et par delà cette vie une âme immortelle ; de lui dire que, si ce n’est pas chose certaine que la religion existe, il n’est pas certain non plus qu’elle n’existe pas[1], et qu’entre ces deux incertitudes il est plus sage de croire que de ne pas croire. Qu’importent ces calculs, si celui qui nous parle, pour nous conduire à la foi, n’a pas dans sa voix, dans son accent, dans sa parole, cette inspiration involontaire, inimitable, qui naît de la conviction et qui la propage ? Oh ! que ce grand génie devait souffrir, lorsque, descendant des régions abstraites où le raisonnement soutenait son espérance, il ne retrouvait pas en lui-même cet enthousiasme paisible de la foi, objet de ses désirs ! « Oh ! qu’heureux sont ceux, disait-il, qui, avec une liberté entière et une pente invincible de leur volonté, aiment par-

  1. Voy. Œuvres de Pascal, tom. II, pag. 410.
5.