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jansénistes ont professé, dans la pratique et dans la spéculation, une morale en bien des points dure et excessive, et qui semble, comme celle des stoïciens, beaucoup mieux appropriée à la solitude qu’à la société. Les âmes ardentes s’y complaisent aisément. La jeunesse surtout, dans les troubles de son intelligence et dans les orages de son cœur, a quelquefois besoin de cette sainte exagération du devoir : emportée par la vivacité de l’âge, et obligée de choisir entre deux écueils, heureuse quand elle se jette dans l’extrême du bien, et qu’il lui est donné de dissiper noblement l’excès de son âme dans la poursuite d’une infinie perfection !

Mais cette morale dépasse les forces ordinaires de l’humanité, et il a été facile à Voltaire, qui n’en comprenait pas le côté sublime et nécessaire d’exhaler contre les superstitions de Port-Royal et de Pascal l’humeur moqueuse de son esprit. Voltaire, en poursuivant d’un commentaire railleur et satirique ce qu’il appelle le fanatisme et la folie de Pascal, est tombé à son tour dans l’injustice, et pour ainsi dire dans la superstition du bon sens. Il s’est manqué à lui-même en oubliant le respect que le génie doit au génie.

En lisant quelques-unes de ces épigrammes brutales ou légères si lestement jetées çà et là, ne semble-t-il pas voir un enfant qui, passant sur les ruines d’un temple, et oublieux des belles proportions du monument, s’amuse à tracer sur le marbre antique une image capricieuse ou une inscription frivole. Ces traits s’effacent bien vite et le monument demeure. Ainsi la gloire de Pascal est restée intacte sous la main malicieuse de Voltaire.

O Pascal ! vous qui avez souffert pour la vérité et la sainteté, qui avez éprouvé les gémissements du doute, qui avez