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chiste a été véhiculée par un tas d’individus qui sont plus près de la bourgeoisie que de l’anarchisme. Nous n’avons pas su réagir à temps contre un tel état de choses et il est difficile aujourd’hui de remédier au mal qui a été fait.

L’étiquette, à nos yeux, a une importance capitale pour un mouvement, car elle symbolise une idée, une action, des aspirations et un idéal. Il serait donc utile qu’à la faveur d’un travail organisé, suivi, sérieux, les anarchistes s’imposassent par leur droiture, leur sincérité, leur abnégation et inspirassent une confiance méritée à tous ceux qui, de nos jours encore, ont été et sont toujours trompés par les étiquettes qui ne cachent que le mensonge et l’indélicatesse.

Lorsque les travailleurs des villes et des champs sauront ce qu’est l’anarchisme et qui sont les anarchistes, l’étiquette ne les effrayera plus, notre parole sera écoutée et propagée, et nous récolterons abondamment le fruit de notre travail.


ÉTUDE. Pour arriver à connaître un objet, il faut y mettre de l’application : on appelle étude cette application de l’esprit à un objet (science, lettre, art). « Faire ses études » se dit communément dans le sens de « recevoir de l’enseignement », mais il est évident qu’on peut avoir reçu beaucoup d’enseignement et avoir peu étudié, c’est-à-dire appliqué son esprit.

Il fut un heureux temps où le génie semblait suppléer à tout ; quelques notions d’un art ou d’une science, alliées à une forte originalité, suffisaient à faire découvrir des horizons merveilleux. Pourtant, si l’on vit surgir, du sein de l’Europe christianisée, une Renaissance du sentiment et de la pensée antiques, c’est que l’imprimerie venait de mettre chacun en état d’étudier.

Le terrain conquis par l’étude est actuellement vertigineux. A l’infini, il s’étend devant nos regards ; personne ne peut plus se vanter de l’avoir tout parcouru. Chacun se voit obligé de se borner à en étudier un champ relativement très restreint : c’est l’ère des spécialistes. Des intelligences de premier ordre sont même absorbées, leur vie durant, par le travail d’emmagasinement, de classement de tous les lambeaux de vérité, butin journalier d’une armée de chercheurs. Dans les arts comme dans les sciences, dans les sciences appliquées aussi bien que spéculatives, longuement il faut préparer et documenter le moindre sujet avant que d’agir, si tant est que c’est la réalisation d’une œuvre de valeur qu’on ambitionne, et non le triste succès qu’accordent les foules aux hâbleurs qui pullulent.

Dans la lutte pour la vie, les connaissances acquises jouent un rôle prépondérant. Lutter, c’est comprendre son adversaire — personne ou milieu —, deviner ses actions futures en suivant ses raisonnements : plus on est instruit, plus on est à même de lutter… C’est ce qui semble asseoir sur le roc l’injustice dans la société, où tout favorise les études des uns et empêche ou entrave celles des autres. Quelle différence, en effet, entre le jeune bourgeois, bien nourri, bien vêtu, encouragé moralement et matériellement, pour qui on aplanit tous les obstacles, et le jeune pauvre pour qui ni lui-même, ni les autres, parents et instituteurs, n’osent avoir de l’ambition ! Il sait, chacun sait, ce que l’avenir lui réserve : travail, résignation. Même ses études primaires sont bâclées, car ce n’est pas dans les quartiers populeux ou les villages misérables qu’on envoie les bons instituteurs, le meilleur matériel d’enseignement. Le fils d’ouvriers, ni les siens, n’en souffrent guère d’ailleurs ; ils ne sont pas en état d’évaluer ce dont la Société les prive : sauf hasard, ils ne s’en indignent jamais.

Mais ce hasard se produit parfois ; il arrive qu’un enfant veut savoir, et c’est le drame. La vie l’étreint,

l’empêche de retourner sur ses pas ; elle dit : « Sers ! » et le voilà machine à tuer… ; elle dit : « Travaille ! » et il courbe l’échine. S’il résiste, elle le bouscule ; s’il acquiert un peu de savoir et se révolte, elle lui vole son pain. Il lui faut une énergie inouïe pour se procurer, en cours de route, ce que le bourgeois savait à l’heure du départ. Telles sont les études de certains prolétaires-exceptions…

Il est pourtant indispensable que le prolétaire étudie, s’il veut « parvenir », quel que soit le sens que son déterminisme accorde à ce mot. Mais, d’autre part, trop de bonne volonté, trop d’enthousiasme et d’énergie se perdent dans une lutte inégale avec des ennemis plus instruits, à qui l’érudition permet facilement de dénaturer et ridiculiser les arguments. La collaboration et l’entraide pourraient grandement faciliter la tâche aux autodidactes. Et pourquoi ne pas retirer de l’enseignement officiel ce qu’il peut nous donner ? Partout, il y a des cours d’adultes ; beaucoup pourraient profiter de l’enseignement professionnel ; bien souvent, les Facultés ont des cours gratuits ouverts au public. Les « exceptions » doivent cesser de l’être —nombre de militants, dans nos milieux, sont de ces prolétaires-exceptions — mais des difficultés insurmontables les ont arrêtées en chemin. Tâchons donc de faciliter et d’organiser les études des nôtres, en attendant que soit résolu le problème de l’École anarchiste.


ÉTYMOLOGIE n. f. (du grec etymos, vrai, et logos, discours). Origine d’un mot. L’étymologie est une science qui s’occupe a rechercher les dérivations des mots par rapport a leur racine. C’est une science très ancienne, puisque Platon, Aristote en Grèce, César et Cicéron chez les Romains, se livrèrent avec plus ou moins de succès a des recherches étymologiques.

« Les étymologies, dit Dumarsais, servent à faire entendre la force des mots et à les retenir par la liaison qui se trouve entre le mot primitif et le mot dérive ; de plus, elles donnent de la justesse dans le choix de l’expression. »


EUNUQUE n. m. (du grec euné, lit, et ekhein, garder). Qui a la garde du lit. Un eunuque est un homme qui a subi la castration des parties sexuelles et qui en Orient était préposé à la surveillance et à la garde des femmes des harems.

Les mœurs barbares, inhumaines, qui consistaient à se mutiler pour obtenir une dignité ou simplement un emploi tendent à disparaître et l’on peut dire que dans les pays civilisés on ne fait plus d’eunuques. La Turquie qui était, en Europe, l’unique pays où la polygamie était officiellement, légalement autorisée, entre dans le modernisme et avec la fin des harems et l’émancipation de la femme disparaît cet être incomplet : l’eunuque.

Le christianisme eut également ses eunuques, et à l’origine, des hommes se mutilaient volontairement par un raffinement d’ascétisme, mais ces pratiques furent condamnées par le concile de Nicée.

D’autre part, en Italie, la castration des parties sexuelles fut longtemps pratiquée afin de conserver aux hommes une voix de soprano, et de leur permettre de chanter dans les églises où les femmes n’étaient pas admises. C’est ainsi que l’on obtint les fameux Chœurs de la Chapelle Sixtine.

L’eunuque se distingue par la mollesse de ses chairs, ses traits et ses formes qui se rapprochent de ceux de la femme.


EUPHONIE n. f. (du grec eu, bien, et phoné, voix). Facilité de prononciation. Assemblage harmonieux de voyelles et de consonnes permettant de rendre une