masculin. C’est exact encore. Mais leurs auteurs ne sont qu’une infime minorité dans l’espèce humaine. L’immense majorité est représentée par des ouvriers, des artisans, des comptables, aux professions à peu près équivalentes pour les deux sexes. Au manuel qui sollicite une carte syndicale, on ne réclame pas le brevet d’une invention. Au citoyen qui se présente à la mairie, pour avoir sa carte d’électeur, on ne demande ni un certificat médical d’aptitude, ni même la preuve qu’il sait lire. Pourquoi donc des travailleuses habiles, des institutrices, des doctoresses, des poétesses, des artistes de talent seraient-elles tenues à l’écart, alors qu’est reconnu digne de prendre part, à la gérance des affaires publiques, n’importe quel crétin illettré, pourvu que l’état-civil ait témoigné qu’à son bas-ventre était appendu le douteux ornement d’un pénis, alourdi de testicules ?
Pourquoi faut-il que le langage populaire ait fait de ces objets l’emblème du courage civique, dans le même temps que la discrète entrée des paradis charnels ne demeurait prise que pour emblème de la stupidité ?
Pour ce qui est de la thèse de l’incapacité des femmes à régir quoi que ce soit, et se suffire à elle-mêmes, l’expérience de la grande guerre en a fait bonne justice. Pendant que des millions d’hommes étaient mobilisés, des millions de femmes qui, pourtant, n’avaient, en très grande partie, fait aucun apprentissage sérieux de leurs nouvelles fonctions, étaient appelées à les remplacer à l’usine, au bureau, à l’atelier, aux champs, dans les hôpitaux, à la direction de quantité d’entreprises industrielles et commerciales. Or, elles surent fort bien s’adapter à ces exigences imprévues de la vie sociale. Ce qui éloigne surtout la femme de nombre d’activités, qui semblent devoir être éternellement l’apanage du sexe masculin, ce n’est ni la débilité mentale, ni la faiblesse physique, mais bien l’absorbant souci du ménage, et principalement de la maternité, qui a pour mission de perpétuer la vie, et devrait, dans une organisation bien construite être à elle seule suffisante pour conférer, au sein de la société, une place honorable et des égards.
C’est un lieu commun de prétendre que, dans la famille, l’épouse représente, par excellence, l’élément volage, dépensier, frivole. En vérité, ceci ne résiste pas à l’examen des faits. L’homme est aussi fréquemment que sa compagne joueur, débauché, égoïste, prodigue. Il est en revanche, d’ordinaire, beaucoup moins sobre. Ce qui ne doit point signifier que le sexe féminin puisse être pris pour modèle des vertus de l’espèce. La préoccupation de guerroyer pour le droit des plus faibles ne justifie ni l’injustice ni les contre-vérités !
Cependant, discuter sur le féminisme en recherchant qui, de l’homme ou de la femme, a le plus contribué à la prospérité humaine, c’est discuter à côté de la question. De deux choses l’une : Ou, pour être admis à défendre ses intérêts et se prononcer dans les assemblées publiques, on doit être en possession de brillantes facultés intellectuelles, et d’un minimum de savoir, et alors, seule, une élite d’hommes et.de femmes, instruits et capables, aura qualité pour s’occuper de l’organisation sociale, les autres citoyens des deux sexes n’auront qu’à obéir. Ou bien seront jugés dignes de défendre leurs droits et d’exprimer une opinion tous ceux qui participent, à un titre quelconque, à l’activité de la société, en tant que travailleurs manuels ou intellectuels, et alors tous ceux qui se rendent utiles, et sont de bonne volonté, doivent être également pris en considération par l’ensemble. Ce n’est plus le sexe, masculin ou féminin, qui doit compter, mais la qualité de travailleur. Ce n’est plus la forme des génitoires qui doit être retenue, en vue d’une sélection pour un
On prétend que l’éducation sociale de la femme est en retard. Mais est-elle bien sérieuse, celle du citoyen « conscient » qui ne possède, en fait de connaissances, d’autre bagage sociologique que la lecture de quelques brochures et de son journal préféré ? Les citoyens ne s’expriment-ils pas en conformité de leurs besoins personnels et immédiats, beaucoup plus qu’en raison de données historiques qu’ils ignorent, d’ailleurs, presque tous ? Et si le droit de prendre part aux décisions dans la collectivité c’est le droit, finalement, de faire valoir ses revendications et d’exposer ses doléances, comment pourrait-on admettre, contre toute évidence, que la femme, même si elle n’avait à s’exprimer qu’en tant que fille, épouse et mère, serait seule, dans le genre humain, à n’avoir rien à dire ?
Rien n’a fait plus de mal au féminisme, rationnellement compris, que cette sorte de masculinisme de fait, sinon de théorie, dans lequel se sont complu certaines militantes féministes, en s’efforçant de contrefaire les hommes presque dans la coupe de leurs vêtements, jusque dans leurs vices et leurs laideurs, Une telle attitude n’est pas en faveur du sexe féminin — que l’on semble répudier tout en se faisant son avocat — mais au contraire tout à la louange du sexe masculin — dont on paraît regretter de ne point faire partie tout en le décriant.
Les véritables féministes sont trop épris des qualités particulières et des charmes inhérents au sexe féminin, trop convaincus de leur importance considérable dans les destinées humaines, pour souhaiter leur disparition, en faveur de quelque type nouveau d’humanité ridicule et hybride. Prôner l’égalité des sexes, c’est reconnaître en eux des vertus complémentaires, également nécessaires au bonheur commun ; c’est vouloir les exalter, sans accorder aux unes plutôt qu’aux autres la prééminence. C’est, sans avilir l’homme, rétablir, au profit d’Aphrodite libérée, un culte disparu. ‒ Jean Marestan.
FÉMINISME. — Doctrine qui revendique l’émancipation sociale et politique des femmes. Il y a beaucoup de sortes de féminisme comme il y a bien des espèces de socialisme. Le féminisme peut être timoré et se borner à la revendication pour la femme des droits civils, excluant les droits politiques ; il peut être intégral et prétendre à l’égalité complète de la femme et de l’homme dans la société.
Le féminisme, comme le pacifisme et le socialisme, est très ancien. Dès l’aurore des civilisations, il s’est trouvé des femmes supérieures et aussi des hommes épris de justice pour s’élever contre l’esclavage dans lequel la moitié féminine de l’humanité était tenue ; mais on peut dire que le féminisme conçu comme un mouvement d’ensemble est de formation relativement récente, il est une conséquence de la démocratie.
Pendant la grande révolution française, le mouvement féministe a atteint de très fortes proportions. A côté des clubs masculins, il y avait des clubs de femmes, et ils couvraient toute la France. Ces réunions discutaient des questions de l’actualité politique, mais aussi des revendications spéciales aux femmes. A la déclaration des Droits de l’Homme, Olympe de Gouges opposa la déclaration des Droits de la Femme.
En 1830 et en 1848, nous voyons l’agitation révolutionnaire atteindre aussi les femmes. Elles se joignent aux hommes dans les émeutes de la rue ; mais elles tentent aussi de profiter du mouvement d’affranchissement populaire pour obtenir l’émancipation politique et sociale de leur sexe. En 1848, Jeanne Deroin imposa à l’attention de tous, les revendications du féminisme.