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FER
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vilain a l’illusion de travailler pour lui, et il s’acharne à la peine. Mais il reste soumis à des redevances abusives, par exemple à toutes les obligations des banalités : obligation, moyennant payement d’une taxe, d’aller moudre son blé au moulin du seigneur, de se servir exclusivement du four banal, du pressoir banal, de la forge banale, etc. Il n’a pas le droit de vendre son vin avant que le seigneur ait vendu le sien, etc. Tout cela, sans compter les corvées, les taxes et les dîmes. L’avidité des maîtres, avidité qui croît avec les besoins et la vanité, les conduit à l’exploitation abusive des pauvres gens, d’autant plus facilement qu’ils ont droit de justice et qu’ils sont ainsi, à la fois, juges et partie.

Les paysans, malgré des révoltes sporadiques (jacqueries) restent sous la domination des seigneurs. Ils sont trop isolés et trop faibles pour s’affranchir. L’effort de libération est parti des villes. Par l’effet des besoins grandissant et aussi de l’ingéniosité des hommes, un essor économique avait développé les cités et fait prospérer les corporations d’artisans. L’effort de ces corporations contre l’oppression féodale, qui s’est appelé le mouvement des Communes, a commencé au xe siècle. Les chartes de franchise s’étendirent au cours du xie et du xiie siècle ; elles sont générales aux xiiie. La bourgeoisie est née. Les bourgeois ont la libre disposition de leur personne ; la charte leur permet de fixer l’impôt, elle les met à l’abri du caprice éhonté du suzerain (seigneur ou abbé) dans l’établissement des taxes et redevances. On a dit que le pouvoir royal a favorisé le mouvement communal. C’est faux. Il s’y est opposé de toutes ses forces sur son propre domaine. Plus tard, il s’en servit pour saper le régime féodal.

S’il y eut une civilisation féodale, cette civilisation, qui eut en France son plein épanouissement au xiiie siècle, coïncida avec l’effort d’affranchissement du peuple. C’est le peuple qui construit les cathédrales, c’est grâce à la bourgeoisie naissante que se fondent et se développent les universités, que fleurissent les arts et les travaux de l’esprit. Les progrès spirituels amènent l’adoucissement des mœurs. Tant que la féodalité a été souveraine maîtresse, elle n’a rien produit.

Le roi, c’est-à-dire le plus puissant seigneur féodal qui arrive à imposer sa suzeraineté à ses rivaux, finit à la longue par évincer les autres seigneurs féodaux. Il y est aidé par l’effort de la bourgeoisie. La féodalité disparaît ainsi peu à peu. En France, elle se perd insensiblement à l’avènement du xvie siècle. L’administration, la fiscalité, la justice passent aux mains du pouvoir royal. Mais les coutumes et les servitudes (banalités, dîmes, etc.) persistent jusqu’à la Révolution. L’affranchissement des paysans ne date que de 1789, et, à cette date encore, il y avait des serfs de mainmorte sur les domaines de l’abbaye de Saint-Claude. C’est l’église qui a maintenu l’esclavage le plus longtemps.

Pour conclure, on peut dire que ce qui caractérise la féodalité, c’est que les seigneurs possédaient, à titre héréditaire, tous les pouvoirs administratifs, judiciaires, et, bien entendu, fiscaux. Il a fallu des siècles avant que le peuple prît conscience de cette iniquité : l’héritage donnant des droits sur autrui. Et pourtant, aujourd’hui existe une nouvelle féodalité capitaliste, en ce sens qu’elle détient par droit héréditaire, elle aussi, tout le pouvoir économique. — M. Pierrot.


FER n. m. (du latin ferrum). Le fer est un métal d’un gris bleuâtre. On le rencontre combiné soit avec du souffre, du nickel, de la magnésie, etc…, dans presque toutes les formations géologiques. Sa densité est de 7, 8, c’est-à-dire qu’il pèse 7, 8 fois plus que l’eau et qu’un mètre cube de fer pèserait 7.800 kilos. Le fer fond à la température de 1.500°, et bout à celle de 2.400°. C’est un métal très résistant quoique très

malléable. Il est connu depuis la plus haute antiquité. Son symbole chimique est Fe.

Les minerais qui contiennent du fer sont traités dans les hauts fourneaux par le charbon, et produisent la fonte. Cette fonte, débarrassée de son excès de carbone et de ses impuretés par le puddlage, donne le fer. La fonte n’est, en réalité, autre chose qu’un carbure de fer contenant 95 p. 100 de fer et 2 à 5 p. 100 de carbone.

L’acier est un fer combiné avec une faible quantité de carbone ; il s’obtient soit en carburant le fer dans la proportion de 1,5 p. 100, soit en décarburant la fonte. Par la décarburation de la fonte, on obtient l’acier naturel ; par la carburation du fer, on obtient l’acier de cémentation. L’acier est plus dur que le fer ; on le rend plus dur encore par la trempe. On obtient encore différents aciers en incorporant divers métaux au fer.

En outre, le fer entre dans de nombreux alliages et se trouve en un mot à la base de toute l’industrie métallurgique. Est-il besoin d’énumérer ses diverses utilités ? Nous ne le pensons pas. Chacun sait aujourd’hui les usages que l’on fait du fer, et il est devenu si indispensable à l’industrie moderne, que différents groupes de capitalistes internationaux se disputent le contrôle et le monopole de cette matière.

Les gisements de fer sont surtout exploités en Angleterre, aux Etats-Unis, en Allemagne et en France, et la production en serait probablement suffisante si elle était employée à des fins utiles. Mais une grande partie de cette production sert à la fabrication d’engins de meurtre : navire de guerre, obus, canons, etc…, et tout naturellement, au détriment des objets de nécessité publique. D’autre part, s’il est des puissances qui manquent totalement de fer, il en est d’autres qui sont susceptibles d’en exporter. En 1921, l’Angleterre a produit 6 millions de tonnes de fer. L’Allemagne, 5 millions. En 1920, l’Amérique en a produit 68 millions de tonnes, et en 1922, la France a produit 20 millions de tonnes, cependant que l’Italie a du mal à élever sa production à plus de 400.000 tonnes. On peut dire que la production totale du fer est contrôlée par les Américains, les Allemands, les Anglais et les Français, et que ce sont eux qui disposent à leur guise de cette matière de première nécessité. Nous avons dit, d’autre part, que les intérêts du capitalisme étalent divisés quelles que soient les apparences. Nous savons que pour le pétrole et le caoutchouc, les Anglais et les Américains se font une guerre acharnée. En ce qui concerne le fer, l’unité est loin d’être réalisée sur le terrain capitaliste. Avant la guerre, ou plutôt au début de la guerre, les capitalistes allemands escomptant la victoire de leurs armées, espéraient pouvoir s’approprier le bassin de Briey, qui est un des plus riches bassins miniers du Nord-est de la France, et de cette façon, concurrencer avantageusement l’Angleterre et l’Amérique. Le plan fut déjoué par l’entrée dans le conflit de ces deux puissances. L’Allemagne fut vaincue, et aujourd’hui les intérêts de l’industrie lourde allemande sont intimement liés à ceux de la France.

Les gros capitalistes français craignent autant que les gros capitalistes allemands la concurrence anglo-américaine. Aussi ont-ils engagé la bataille. Le « Cartel de l’Acier » ayant à sa tête Schneider et Thyssen, de Wendel et Krupp a été réalisé vers la fin de 1926, dans le but de lutter contre les prétentions et les menaces anglo-américaines. Certains économistes démocrates ont considéré la réalisation de ce cartel comme un événement historique susceptible d’assurer la paix en Europe. C’est une erreur.

Le Cartel de l’acier démontre simplement que la haine est un sentiment inspiré au peuple par le capitalisme