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Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 2.djvu/38

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EGL
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Çakya Mouni, nous pourrions faire d’identiques observations. Les Brahmes ont fait peser sur le malheureux peuple indou une tyrannie aussi lourde et aussi cruelle que celle des prêtres de Quet-Zalcóatl de l’Ancien Mexique — ou du Pérou, ou de vingt autres peuples que nous pourrions énumérer.

Pour rendre nos critiques plus vivantes, bornons-nous à étudier les Églises de nos pays d’Europe. Nous sommes plus familiers avec leur histoire et ma tâche sera facilitée (en raison du peu de place dont je dispose). Mais, je le répète, en tous les temps et dans tous les lieux, les prêtres ont formé des « églises » avides de pouvoir et d’argent, étroitement solidaires des puissances sociales, comme nous le verrons.

La plus importante — et de beaucoup — des églises qui ont régenté l’Europe (et dont l’activité s’est du reste exercée dans le monde entier) est sans contredit l’Église Chrétienne, également nommée Église catholique, apostolique et romaine.

Le christianisme, comme toutes les religions, a dû se défendre contre des déchirements intestins, des divisions, des schismes, des hérésies, que je ne pourrai indiquer que brièvement. Certains rameaux se sont détachés du tronc central. Indiquons rapidement, celles de ces « Églises séparées » qui subsistent encore aujourd’hui (car nombreuses sont les sectes schismatiques qui ont complètement disparu, broyées impitoyablement et supprimées par le massacre et les pires violences).

Les Églises orientales non catholiques comprennent quatre églises mineures, ainsi nommées parce quelles sont peu importantes. Ce sont : l’Église arménienne ; l’Église syrienne (ou jacobite) ; l’Église chaldéenne (ou nestorienne), et l’Église copte (dont le chef est le patriarche d’Alexandrie). Chacune de ces Églises est indépendante et se dirige selon ses traditions propres.

À côté d’elles, et beaucoup plus importantes, il faut placer les différentes Églises orthodoxes (ou byzantines, car elles prétendent continuer l’antique Église de Byzance). On les divise en trois branches : les helléniques, de langue grecque ; les melkites, de langue arabe ; les slaves, de langue russe. Elles englobent environ 150 millions de fidèles. Contrairement à l’Église romaine, l’Église d’Orient déclare ne faire aucune politique et se défend d’exercer la moindre pression sur les États. On peut douter de la sincérité de ces principes, quand on sait quelle place importante l’Église orthodoxe occupait en Russie sous le tsarisme. Les prêtres touchaient 50 millions de roubles par an (soit 150 millions de francs). Le Synode avait en banque 70 millions de roubles en dépôt. Églises et couvents possédaient d’immenses domaines : 2.300.000 déciatines de terre (soit environ 4 millions et demi d’hectares !) Il y avait en Russie 30.000 écoles paroissiales, avec 20.000 prêtres payés par l’instruction publique. Juifs, Musulmans et Catholiques payaient des impôts pour appointer les prêtres orthodoxes, au nombre de 65.000, sans parler des moines, nonnes et novices, qui étaient plus de 80.000. On voit que l’orthodoxie est une plante aussi envahissante et aussi parasitaire que la catholicité.

La guerre mondiale et la révolution russe ont porté un coup terrible à l’Église orthodoxe (dont le tsar était le chef). Le patriarche de Constantinople a été ruiné, lui aussi, et sa situation est restée ébranlée ; il préside toujours l’Église grecque, mais celle-ci est divisée en une infinité de petites Églises nationales ayant leur propre chef. La Papauté s’est appliquée de son mieux à tirer profit de cette situation et à exploiter la déconfiture de ses rivales grecques et orthodoxes.

À côté du schisme grec, qui déchire les chrétiens depuis plus de 1.200 ans, il faut placer le schisme protestant, plus récent mais tout aussi redoutable pour Rome. La réforme est née en réaction contre les crimes

et les turpitudes des prêtres catholiques, elle voulut assainir et purifier la vieille bâtisse et constitua pour l’Église une sérieuse menace, que les Papes n’hésitèrent pas à combattre par le fer et par le feu. Elle gagna rapidement l’Allemagne, l’Angleterre, la Suisse ; une partie de la France, les Pays scandinaves, etc. Aujourd’hui, les Églises protestantes semblent perdre du terrain partout devant l’Église romaine, plus habilement organisée.

Les sectes protestantes actuelles (les principales, car il y en a des centaines !) sont les suivantes : d’abord, les méthodistes (secte fondée à Oxford en 1729, par les frères Wesley), qui groupent 20 millions d’adeptes en Angleterre et aux États-Unis ; les Anglicans (Église anglicane), parmi lesquels se dessinent des courants très différents, les uns sont farouchement attachés aux traditions austères et bornées, les autres ont des velléités libérales et avancées. Cette Église renferme 25 millions d’adhérents, la plupart en Angleterre. Viennent ensuite les Luthériens, ou Église réformée d’Allemagne. La chute du Kaiser a porté un coup sensible à leur puissance.

Les Églises réformées de Russie, de France, de Hollande, etc., se réclament plutôt de Calvin que de Luther. Elles sont aussi divisées ; les éléments démocratiques et pacifistes sont mal tolérés par les partisans des traditions réactionnaires. Le protestantisme libéral fait cependant de continuels progrès mais, en réalité, il travaille involontairement pour la Libre Pensée, car il y a incompatibilité entre l’esprit religieux et l’amour de la liberté et du libre examen.

Je n’indique que pour mémoire l’Armée du Salut, les Mormons, les Scientistes (adeptes de la guérison par la suggestion, ou Christian Science). Ce sont les plus connues parmi les innombrables sectes protestantes qui pullulent en Angleterre et aux États-Unis.

Un rapide coup d’œil sur l’histoire de l’Église catholique nous fera voir comment elle est parvenue à conserver son unité et à briser les tentatives de scission. Les autres Églises ont pu être aussi intolérantes et parfois aussi brutales que celle de Rome, mais, d’une façon générale, il faut reconnaître que celle-ci mérite la palme de la tyrannie. Son histoire sanglante est entièrement dominée par le souci de s’enrichir, de subjuguer les peuples et leurs dirigeants pour gouverner le monde à son seul profit.

Le développement du christianisme depuis ses origines est un phénomène extrêmement curieux qu’il est intéressant d’étudier avec soin. Nous voyons alors se former lentement et patiemment la plus lourde institution despotique que l’humanité ait jamais supportée.

Au début, les chrétiens se différenciaient à peine des Juifs ; ils demeuraient membres de l’Église israélite (comme Jésus lui-même, du reste. Celui-ci priait dans le Temple ; il a critiqué son organisation et il a demandé — d’après les évangiles, il va sans dire, car rien ne démontre qu’il ait véritablement existé — son amélioration, mais il n’a prêché à aucun moment la fondation d’une nouvelle église). Le christianisme serait aussi une petite secte juive, si l’épileptique Paul de Tarse (saint Paul) n’était venu lui donner une impulsion toute particulière.

Les religions romaines s’adressaient surtout aux riches et ne s’intéressaient guère à la plèbe. Celle-ci devait être facilement touchée par les arguments d’une secte qui prêchait l’égalité et le mépris des richesses. Car le christianisme fut, à son début, faute de mieux, un mouvement égalitaire, qui recruta ses adeptes dans les classes les plus humbles.

Paul était ouvrier tapissier et gagnait sa vie par son propre travail. Il disait : « Celui qui ne travaille pas ne doit pas manger. » Il n’y avait pas de prêtres ni d’évêques appointés, chez les premiers chrétiens.