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Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 2.djvu/420

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INS
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INSIGNE n. m. (lat. insigne, de insignis, remarquable). Marque distinctive. Ne se dit qu’en parlant des personnes ou des grades, des dignités, etc., et s’emploie le plus souvent au pluriel. Les insignes de la royauté.

Antiquité romaine : Nom particulier peint sur la poupe de chaque vaisseau, comme Scylla, le Centaure, etc.

Suivant les pays, suivant les temps, les insignes de l’autorité diffèrent. Après avoir été la marque du pontificat, le diadème et la couronne sont devenus dès la plus haute antiquité les insignes de la royauté. Le manteau teint de pourpre, chez les anciens et chez nous, doublé d’hermine, et tour à tour parsemé d’étoiles, d’abeilles ou de fleurs de lis, est encore un insigne du pouvoir des rois. Le costume des membres du clergé, de l’université, des corps savants et de certaines administrations, de même que l’uniforme de l’armée, sont des insignes de professions. Les chanoines ont pour insignes l’aumusse. La robe, insigne général de la magistrature et de l’université, dénote, suivant qu’elle est noire ou rouge, les simples juges et les modestes professeurs. L’officier municipal, le commissaire de police, etc., ont pour insigne l’écharpe tricolore.

La main est l’insigne de la justice, la hache celui de la juridiction suprême, et la masse celui de l’Université.

Les insignes ne signifient rien par eux-mêmes ; ils ne disent que ce que d’un commun accord on veut bien leur faire dire : ils ne sont compris que des initiés.

Si vous n’êtes pas au courant des usages que signifie pour vous la pourpre des souverains, la barrette des cardinaux, les galons des sergents, la chasuble du prêtre ?


INSINUATION n. f. (lat. insinuatio, de insinuare : insinuer). Action d’insinuer, d’introduire doucement et adroitement quelque chose. L’insinuation de la sonde dans une plaie. Manière subtile de faire accepter ses pensées, ses désirs. Chose que l’on fait entendre sans l’exprimer formellement : les insinuations agissent sur les faibles.

— Adresse dans le style, dans le langage, par laquelle on insinue quelque chose. Acte de pénétrer en quelque sorte dans le sein, dans l’âme d’une personne.

— Dans l’art oratoire : forme douce, habile et pénétrante, discours qui, par une sorte de dissimulation et de détour, se glisse adroitement dans les esprits, et dont l’orateur fait usage surtout en abordant un sujet qui doit éveiller la susceptibilité et la répugnance de l’auditoire. Au lieu de marcher droit à son but, l’orateur cherche à l’atteindre par des moyens indirects : il détourne d’abord l’attention sur des objets et des idées en possession de la faveur de ceux qui l’écoutent ; puis, détruisant les préventions par des rapports habilement ménagés, par des transitions et des nuances heureuses, il ramène les esprits mieux disposés, et les force à considérer, à accueillir même ce qui semblait devoir les révolter.

— Histoire ecclésiastique. Nomination d’un clerc dans le personnel d’une paroisse.

— Droit canon. Sorte de déclaration de noms et surnoms, que les gradués étaient tenus de faire chaque année, à leurs collecteurs, sous peine de perdre leur droit pour l’année courante.

— Se disait pour l’enregistrement des actes, qui leur donnait un caractère d’authenticité. L’insinuation d’un acte de donation, d’un testament.


INSOCIABILITÉ n. f. (du préf. in et de sociabilité). Caractère de celui qui est insociable. Un homme insociable, c’est-à-dire avec qui on ne peut vivre, incommode, fâcheux, difficile à fréquenter.

Phys. : Corps insociables. Corps qui ne peuvent se lier, se mêler, ni s’accorder.

Ant. : Sociabilité, sociable (Voir ces mots).


INSOUMIS, INSOUMISSION Selon la formule classique, être insoumis, c’est « manquer de soumission, ne point obéir ». De par l’étymologie, même, les anarchistes sont des désobéisseurs, ce qui ne veut pas dire que tous les insoumis soient des anarchistes. Les individualistes anarchistes sont, par définition, des insoumis, ils se refusent à accomplir les services que, profitant de la puissance qu’il détient, l’État exige d’eux, et lorsqu’ils obtempèrent aux injonctions de l’État, ce n’est jamais que sous l’empire d’une menace, en ne prenant pas au sérieux leur acquiescement superficiel.

Il y a donc une différence entre l’insoumis par entêtement, le non-obéisseur par opiniâtreté, irréfléchi, qui ne raisonna pas son geste, et l’individualiste anarchiste prêt à passer toutes sortes de contrats, à condition qu’il puisse en discuter les termes, en examiner les clauses à la lueur de son avantage ou de son intérêt. Un des représentants les plus autorisés de la tendance tuckérienne de l’individualisme anarchiste a pu écrire : « Le gouvernement d’un groupement, d’une association volontaire quelconque n’est pas un gouvernement politique, car il ne cherche pas à exiger l’obéissance de tous, mais simplement réglemente les actes de ceux qui désirent être réglementés ; une forme semblable de gouvernement n’est pas opposée aux principes anarchistes. » (Stephen T. Byington : What is Anarchism ? ).

En effet, une association anarchiste peut s’administrer comme elle l’entend, et c’est son affaire. Elle cesse d’être anarchiste quand elle veut soumettre à cette administration ceux qui ne veulent pas s’y conformer et retenir malgré eux ceux qui ne veulent plus y obéir. Elle cesse également d’être anarchiste quand elle proclame que ne sont pas ou plus anarchistes ceux qui se refusent, hors de cette association, à être réglementés par les principes selon lesquels elle fonctionne. Dans ces deux cas, elle agit ou parle en archiste.

Cette digression terminée, qui nierait qu’en l’insoumis instinctif, il n’y ait, à l’état latent, un insoumis raisonné : le but de la propagande anarchiste est justement de le faire se révéler consciemment à lui-même.

On appelle plus particulièrement insoumission la situation dans laquelle se mettent les recrues qui ne répondent pas à l’appel qui leur est adressé de rejoindre leur corps. On rencontre parmi les anarchistes un certain nombre d’insoumis. Il y a plusieurs raisons à leur attitude. Plus encore que dans la vie civile — où ils sont cependant bien comprimés — l’affirmation et le déterminisme individuels sont, dans l’état militaire, restreints et réprimés, pour ne pas dire réduits à néant. Du fait qu’elle exige de l’individu qu’il obéisse sans savoir et sans demander pourquoi, celui-ci se trouve dans une position humiliante de subordination vis-à-vis de l’autorité militaire. En temps de guerre la situation est pire, l’unité humaine n’est plus qu’une unité amorphe, inconsistante, dont disposent, comme d’un colis, d’autres hommes, obéissant eux-mêmes à des ordres qu’ils ne peuvent discuter.

Ce motif pourrait suffire. Il en est d’autres qui poussent l’anarchiste à l’insoumission. Il sait que la force armée est le principal soutien de l’État dans son rôle de protecteur des monopoles et des privilèges monétaires, fonciers, industriels, commerciaux. Il sait que l’absence de cet état mettrait en péril l’existence de l’édifice politique et économique de nos sociétés contemporaines. Il se refuse à être le complice de l’État, l’exécuteur des hautes et basses œuvres des systèmes d’oppression qu’il protège, le pilier du contrat social unilatéral… Certains insoumis se placent à un autre point de vue : humanitaire ou religieux. Ceux-là ne veulent pas apprendre le métier de tueur d’hommes, par raisonnement sentimental ; ceux-ci entendent ne point désobéir au commandement biblique : « Tu ne tueras point ». Il