Aller au contenu

Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 2.djvu/421

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
INS
1029

semble que ces derniers soient considérés par les gouvernants, d’un meilleur œil que les autres insoumis.

L’insoumission est passible de peines plus ou moins élevées selon les pays. Un mois à un an en temps de paix, deux ans à cinq ans en temps de guerre avec, dans ce dernier cas, envoi dans une compagnie disciplinaire. Durant tout le temps que dure la guerre, le nom de l’insoumis est affiché dans les communes du canton dont fait partie la sienne. Ceci pour la France. Quoi qu’il en soit, la situation de l’insoumis est pénible ; s’il reste dans le territoire qui l’a vu naître, force lui est de recourir à la ressource fort précaire de vivre sous un nom d’emprunt, avec les papiers d’une personne ayant accompli son service militaire. S’il s’expatrie, il ne pourra rentrer dans son pays d’origine que si une amnistie l’y autorise. En temps de guerre, que la contrée où il ait pris refuge soit alliée à la sienne son ennemie, ou demeure dans la neutralité, rien ne le garantit contre un refoulement ou une expulsion, ou même un enrôlement forcé dans l’armée du territoire qui l’abrite. En temps de paix, sa situation n’est guère meilleure, et la tendance actuelle est qu’elle soit de moins en moins certaine, surtout aux États-Unis et en Europe.

Ces dernières lignes pour montrer qu’on ne saurait nier à l’insoumis un évident courage, qu’il soit instinctif ou raisonné, qu’il habite en Hollande, en Suisse, en Russie, en Yougoslavie, en Bulgarie ou sous les cieux de la France. — E. Armand.


INSPIRATION n. f. (du latin inspiratio). Excitation cérébrale, sorte d’hypertension nerveuse, mouvement de la pensée, du sentiment, d’apparence spontanée, qui décuple l’activité intellectuelle et en particulier le jeu de l’imagination créatrice. C’est un enthousiasme propice à l’éclosion des idées, au l’appel et à la combinaison des images, aux envols de la pensée, au rythme de la phrase et dont bénéficie l’œuvre du poète, du peintre, du musicien, etc. L’inspiration de l’amour, de la foi, par exemple, renforcent les dispositions de l’artiste. « Le génie est une sorte d’inspiration fréquente », disait Marmontel.

La mauvaise orientation des décisions, des actes fait souvent dire : j’ai été mal inspiré en procédant ainsi. Le mot inspiration désigne aussi la chose inspirée. « L’amitié est une inspiration de l’âme » (Laténa). Les natures moutonnières ne s’ébranlent qu’à l’inspiration d’autrui. Beaucoup écoutent les inspirations de la colère, du ressentiment, des préjugés et des croyances. Des faibles, des irrésolus, des mystiques espèrent de quelque horizon mystérieux l’aide qui doit les arracher à des difficultés critiques : ils attendent l’inspiration. Cependant « la prévoyance est plus sûre que l’inspiration » (E. de Girardin). Le conseil ou l’intervention salutaire ainsi escomptés sont considérés comme ayant leur source dans les régions incontrôlées de l’être et plus souvent la crédulité les cherche hors de soi, en quelque Providence…

Les religions voient dans l’inspiration une communion momentanée de l’intelligence humaine avec le Divin : c’est une suggestion d’ordre spirituel dont ils rapportent à Dieu la causalité. Les actes de nos monarques absolutistes ont été présentés par leurs apologistes comme étant d’inspiration divine. Les ouvrages sacrés, les livres saints ont été, selon l’histoire religieuse, écrits sous l’influence de cette assistance céleste. L’inspiration est ainsi, pour les théologiens, « le secours surnaturel qui, s’exerçant sur la volonté de l’écrivain sacré, le détermine à écrire en éclairant son intelligence de manière à lui suggérer au moins le fond de ce qu’il doit dire » (Larousse).

Les hommes ne peuvent se laisser guider sans danger par la fantaisie ou l’arbitraire des inspirations. Ils doivent arracher le plus possible d’actes à l’incohé-

rence et les faire entrer dans le cadre réfléchi de la raison et du sentiment surveillé et porter sur eux ensuite l’énergie propre de leurs résolutions. — L.


INSTABILITÉ n. f. (du préf. in et de stabilité). Manque, défaut de stabilité. On ne l’emploie guère qu’au figuré. L’instabilité des choses humaines. L’instabilité des opinions. L’instabilité de son esprit. L’instabilité du monde.

— Défaut de permanence, état de ce qui est soumis au changement : « L’instabilité est une condition essentielle de la vie. L’expérience de la vie nous enseigne l’instabilité de l’amour plutôt que sa constance. » (Saint-Marc Girardin).

Mécan. rationnelle. On dit que l’équilibre d’un système est instable lorsque l’introduction de la moindre cause extérieure peut le rompre complètement, de manière à amener des déformations ou des déplacements finis.

Chimie : Combinaison instable, celle qui se détruit facilement.

Métallurgie : Acier instable, acier qui perd aisément ses propriétés.

Ant : Stabilité, stable (voir ces mots).


INSTAURATION n. f. (de instaurer, latin instaurare : de in, en, et d’un primitif perdu staurare, que l’on trouve aussi dans restaurare, et qui parait signifier affermir, palissader, d’un substantif inusité staurus, qui paraît répondre au grec stauros, pieu, palissade, et au sanscrit sthavaras ; fixe, ferme, fort, zend çtawra. La racine commune de toutes ces formes est évidemment dans le sanscrit sthâ, être debout, qui est resté avec une foule de dérivés dans toutes les langues de la famille aryenne). Action d’instaurer, d’établir, de fonder : l’Instauration du temple de Jérusalem, des jeux olympiques. L’instauration d’un gouvernement, d’un usage. Par l’installation de la société libertaire, l’homme ne sera plus un loup pour l’homme, l’autorité disparaitra, ainsi que l’exploitation et le commerce. Les humains vivront dans un maximum de libertés et de bien-être. Les causes de leurs dissentiments ayant disparu, au lieu de se haïr ils s’aimeront.


INSTIGATION n. f. (latin instigatio ; de instigare, instiguer, inciter). Incitation, suggestion, sollicitation pressante par laquelle on pousse quelqu’un à faire quelque chose. Se prend le plus souvent en mauvaise part : il a fait cela à l’instigation d’un tel. Les instigations de cet homme l’ont séduit.

— Anc. jurispr. Instigateur, dénonciateur. Lorsqu’un accusé était absous, il avait le droit d’obliger le procureur à lui nommer son instigateur.


INSTINCT n. m. (du latin instinctus, de instiguer, pousser, exciter). Quand nous disons de l’instinct qu’il est « un mouvement naturel qui pousse à faire certaines choses sans le secours de la réflexion », c’est surtout, ainsi présenté, l’extérieur de l’instinct que nous voyons et la soudaineté sans guide de ses élans. Mais sa figure ne révèle ses mobiles et le moteur en demeure caché… On dénomme aussi instinct, extensivement, chez l’homme, cette « impulsion intérieure et involontaire qui meut l’âme humaine ». Et c’est en ce sens que La Fontaine disait : « Nous n’écoutons d’instincts que ceux qui sont les nôtres. » Mais l’instinct est surtout cette « stimulation intérieure qui détermine l’être vivant à une action spontanée, involontaire ou même forcée, pour un but de conservation ou de reproduction ». L’instinct — ou mieux la série coordonnée des instincts — apparaît comme la sauvegarde irraisonnée des êtres animés. Il est pour chacun d’eux une tendance à la conservation, à l’équilibre, une propension à accomplir