Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 2.djvu/447

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
INT
1055

La F.S.I. organisa en outre, en 1922, un Congrès mondial de la Paix qui se tint, en décembre, à La Haye. Tous les pays, y compris la Russie, y participèrent. La lutte contre la guerre y fut envisagée sur le plan démocratique et légalitaire. A aucun moment, il ne fut question d’organiser sérieusement la lutte efficace contre la guerre.

Le 4e Congrès de la F.S.I. se tint à Paris, en août 1927, au Grand Palais, cependant que celui de l’A.I.T. se tenait, lui, dans la forêt de Berlin, deux années auparavant.

Il s’occupa de la cuisine intérieure du Bureau. Purcell, président, dans son discours inaugural, attaqua brutalement Jouhaux et surtout Oudegeest. Pendant tout le congrès ce ne fut qu’une lutte constante entre les Trade-Unions britanniques et le reste de la F.S.I.

Ce fut, en réalité, la lutte entre l’esprit d’unité international, plus fictif et tactique que réel et sincère, d’ailleurs créé par le Comité anglo-russe — et l’esprit de maintien du statu quo, nettement exprimé par Jouhaux, Sassenbach, Oudegeest et Mertens. Fimeney, l’âme du mouvement « unitaire », ne dit mot pendant tout le Congrès.

En conclusion, Oudegeest, mis en fort mauvaise posture par la délégation anglaise, dut se retirer. Le Congrès ne fit aucune besogne utile et toutes les questions furent renvoyées à l’étude du Conseil général.

Purcell fut écarté de la présidence, mais un autre Anglais, Hieks, le remplace.

Telle est, brièvement relaté, l’activité de la Fédération Internationale Syndicale.


Internationale Syndicale Rouge. — L’Internationale Syndicale Rouge, née de la scission qui se produisit dans les années 1919 et 1920 dans presque toutes les Centrales de la F.S.I., tint son premier Congrès à Moscou, du 3 au 19 juillet 1921.

J’ai déjà exposé quel fut, à ce Congrès, le rôle de la délégation française.

Il importe qu’on sache que ce Congrès constitutif délibéra « librement » ? sous la surveillance des soldats rouges, baïonnette au canon.

Tout le travail des organisateurs syndicaux russes, auxquels s’étaient joints tous les leaders politiques Lénine, Trotski, Zinoviev, Kamenev, etc., tendit à imposer aux délégués étrangers et plus spécialement allemands, français, italiens et espagnols, une charte qui consacrait la domestication des Centrales nationales aux Partis politiques communistes et de l’Internationale Syndicale Rouge à l’Internationale Communiste.

Sur la proposition de A. Rosmer (France) et de Tom Mann (Angleterre), rapporteurs, le Congrès vota la résolution suivante :

« Considérant que la lutte entre le capital et le travail dans tous les pays capitalistes a acquis, par suite de la guerre et de la crise mondiale, un caractère particulièrement tranchant, implacable et décisif ;

« Que dans le processus de cette lutte se dessine, devant les masses ouvrières, de jour en jour plus distinctement, la nécessité d’écarter la bourgeoisie de la production et, partant, du pouvoir politique ;

« Que ce résultat ne peut être atteint exclusivement que par l’établissement de la dictature du prolétariat et du régime communiste ;

« Que dans leur lutte pour la conservation de la dictature bourgeoise, toutes les couches capitalistes dominantes ont atteint déjà un degré considérable de concertation et d’unification de leurs organisations nationales et internationales, aussi bien politiques qu’économiques, que l’action offensive du prolétariat rencontre une force unie de la bourgeoisie ;

« Que la logique de la lutte de classes actuelle exige l’unification la plus complète des forces du prolétariat et de sa lutte révolutionnaire et détermine ainsi la nécessité d’un contact étroit et d’une liaison organique entre les diverses formes du mouvement. ouvrier révolutionnaire, avant tout entre l’Internationale communiste et l’Internationale syndicale Rouge des syndicats ; qu’il est aussi hautement désirable que tous les efforts soient dans le domaine national vers l’établissement de relations similaires entre les partis communistes et les syndicats rouges ;

« Le Congrès décide :

« 1) Toutes les mesures doivent être prises pour le groupement le plus ferme des syndicats révolutionnaires dans une organisation de combat unifiée avec un centre dirigeant international unique ; l’Internationale Rouge des syndicats ouvriers ;

« 2) Des liens aussi étroits que possible doivent être établis avec la IIIe Internationale communiste, avant-garde du mouvement ouvrier révolutionnaire dans le monde entier, basés sur la représentation réciproque au sein des organismes exécutifs, de délibérations communistes, etc. ;

« 3) Cette liaison doit avoir un caractère organique et technique ; elle devrait se manifester dans la préparation conjointe et la réalisation des actes révolutionnaires sur une échelle nationale aussi bien, qu’internationale ;

« 4) Le Congrès affirme la nécessité de tendre à l’unité des organisations syndicales révolutionnaires et à l’établissement d’une liaison réelle et étroite entre les syndicats ouvriers rouges et le parti communiste dans l’application des directives des deux Congrès. »

Le vote de cette résolution fut le point de départ de la scission des forces syndicales centralistes et fédéralistes. Marx et Bakounine étaient à nouveau face à face. Ils le sont encore et n’ont pas fini de l’être.

Le Congrès fixa, selon son esprit bien entendu, les tâches tactiques des syndicats. Il se prononça sur la neutralité, l’indépendance des syndicats du socialisme, sur la politique de la Fédération syndicale d’Amsterdam, sur les méthodes de lutte, le programme d’action de l’I.S.R. Il examina également le contrôle ouvrier, les Comités d’usines et de fabriques et détermina l’organisation dans les différents pays.

Enfin, il vota les statuts de l’I.S.R. dont le fameux article 11, ci-dessous indiqué, souleva tant de controverses :

« Pour établir des liens solides entre l’I.S.R et la IIIe Internationale communiste, le Conseil Central :

« 1) Envoie au Comité Exécutif de la IIIe Internationale trois représentants avec voix délibérative ;

« 2) Organise des séances communes avec le Comité Exécutif de la IIIe Internationale, pour la discussion des questions les plus importantes du mouvement ouvrier international et pour l’organisation d’actions communes ;

« 3) Quand la situation l’exige, il lance des proclamations d’accord avec l’Internationale communiste. »

Cet article n’est, en somme, que la « codification » de l’esprit qui se dégage de la résolution Rosmer-Tom Mann qu’il exprime très clairement.

Les fédéralistes, à l’encontre de tant d’autres discutailleurs, se dressèrent contre l’ensemble des statuts. C’était logique. Leur opposition était donc totale. Elle le resta.

Le 2e Congrès, qui se tint également à Moscou, ne fit que renforcer la juste opposition à l’esprit de subordination de l’Internationale communiste sur les syndicats réduits au rôle passif d’agents d’exécution des ordres reçus par le canal des partis communistes dans chaque pays.