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Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 2.djvu/49

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ELE
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sion d’espèces monétaires, où tout se paie, tout se vend, il ne peut y avoir de liberté que pour celui qui possède. Et l’on aura beau reconnaître le plus solennellement possible, tous les droits voulus, à tous indistinctement, cela ne signifiera rien, tant que tous n’auront pas la possibilité d’user de ces droits ». Et cela est tellement vrai, que dans un pays, où seul le peuple ouvrier est électeur, où seul il a le droit de nommer des représentants, il est tout de même asservi à la classe bourgeoise.

En Russie, le bourgeois n’est pas électeur. Ce « privilège » n’est accordé qu’au paysan pauvre et à l’ouvrier. C’est ce qui permet au gouvernement russe de se parer du titre de « Gouvernement ouvrier et paysan ». Mais si l’on demandait à un bourgeois, à un exploiteur de changer sa position, sa situation économique et sociale avec celle de l’homme qu’il exploite et qui est électeur, il s’empresserait de refuser, car il comprend bien lui, que la force ne réside pas en un morceau de papier, mais en la puissance économique que l’on exerce.

Voilà, ce qu’il faut comprendre à ton tour, électeur opprimé. « Il faut conquérir la puissance économique. » La puissance politique est un leurre, et voterais-tu plus rouge encore que tu n’as jamais voté, tu resteras un esclave tant que tu n’auras pas aboli les causes de ton mal.

Organise-toi, électeur, avec tous ceux qui, comme toi, sont les victimes d’une société perfide pour « réaliser » l’émancipation intégrale de la classe ouvrière et, avec elle, de l’humanité toute entière.


ÉLECTION n. f. (du latin electio). Signifie choix fait par la voie de suffrages et, plus précisément, acte de la libre volonté appelée à se prononcer entre deux ou plusieurs candidats ou partis. Dans les pays à démocratie directe, en plus des élections proprement dites, nous avons un nombre considérable de votations sur l’abrogation, le changement ou l’introduction d’articles constitutionnels, sur les budgets, lois et règlements, et à la suite de l’exercice du droit d’initiative ou de référendum. Nous aurons l’occasion l’en reparler. N’envisageons ici que les élections de sénateurs et députés, de conseillers communaux et d’arrondissement, auxquels viennent s’ajouter, en Suisse, dans plusieurs cantons, l’élection également de toute la magistrature judiciaire, du gouvernement cantonal, parfois aussi de certains emplois, sans compter l’élection des administrateurs de biens de communiers ou de bourgeoisie.

L’élection devrait nous donner l’administration des plus dignes, capables et compétents ; or, c’est précisément le contraire qui arrive le plus souvent. À remarquer avant tout que les élus ne le sont pas uniquement pour s’occuper de telle ou telle branche qu’ils peuvent connaître, plus ou moins bien, mais pour décider d’une foule d’affaires dont ils n’ont qu’une vague connaissance. Cela suffirait à condamner le système électoral, même en dehors des marchandages et tripotages dont s’accompagne toute élection. Afin d’échapper au danger du règne de l’incompétence, une élection ne devrait se faire que pour la gérance bien déterminée d’une seule chose, et par ceux-là seuls qui sont occupés et en connaissent le fonctionnement et les améliorations désirables. Personne n’oserait se présenter pour travailler comme maçon, cordonnier, typographe, etc., sans avoir fait un apprentissage correspondant, tandis que tout le monde n’hésite pas à s’improviser législateur et administrateur en toute matière, sans aucune préparation. Nous comprenons fort bien qu’il puisse y avoir nécessité de confier un mandat bien déterminé pour un but qui le soit aussi par une assemblée de compétents. Mais il est

absurde de remettre à quelques individus des pouvoirs pour tout l’ensemble de la chose publique. Le mal est quelque peu atténué par l’existence d’une bureaucratie, qui, à défaut de véritable science, a tout de même l’expérience de la routine et par le fait que dès qu’il s’agit de réalisation, les compétents sont interrogés, mais ces derniers ne s’en trouvent pas moins placés en sous-ordres vis-à-vis des incompétents. La solution anarchique qui, évidemment, présuppose avant tout la fin de l’opposition des intérêts privés à l’intérêt public par un ordre de choses où chacun recherchant son bien-être particulier, contribue au bien-être général, consistera à appliquer dans le domaine social ce qui se fait dans le domaine scientifique. Tous ceux qui s’adonnent à une science donnée poursuivent par la libre recherche et la libre expérimentation, leurs découvertes et applications, visant toujours à de nouveaux perfectionnements. Ceux-ci réalisés, il n’y a nullement besoin d’une force policière pour les imposer. Chacun se hâte de les appliquer à son tour et en même temps d’y faire des améliorations éventuelles. Par cette méthode l’humanité a déjà accompli des progrès merveilleux, sans nul besoin de procéder à des élections. Chacun s’est élu lui-même par son intelligence, son dévouement, son travail, par une lutte opiniâtre parfois contre d’anciens préjugés ou des intérêts inavouables. L’administration de la chose publique, dans toutes ses multiples branches, est aussi question de science.

Les intérêts de classe et de parti font que souvent celle-ci n’y joue pas le premier rôle, et c’est pour cela qu’au milieu de la civilisation moderne, le retour aux pires tyrannies du passé est toujours possible. Les élections n’ont vraiment rien de scientifique, voilà ce que devraient se dire tous les votards d’un socialisme qui se prétend tel. — L. Bertoni.

ÉLECTION. Action de choisir, d’élire quelqu’un par voie de suffrage. L’élection d’un député ; les élections municipales ; les élections sénatoriales, etc., etc…

Si la bêtise et la passion qui président aux diverses élections n’étaient pas des facteurs d’asservissement et de domination sociale, il nous faudrait rire de ces transports collectifs qui, à dates déterminées, soulèvent les foules. D’apparence, pour l’homme qui regarde, une élection peut sembler un vaudeville de premier ordre, monté par un metteur en scène plein de génie ; mais pour celui qui raisonne, qui ne s’arrête pas à la surface des choses, mais qui veut les pénétrer, c’est une terrible tragédie.

Les élections approchent. Et un vent de folie souffle au-dessus des hommes. Pendant quatre ans — si ce sont des élections législatives — la population est restée calme et tranquille ; pendant quatre ans, l’électeur jouissant de ses droits civiques et politiques s’est tenu à l’écart de tout ce qui se passait dans le pays ; il est resté sourd à tout les appels de ceux qui s’intéressent sincèrement à son sort ; mais les élections approchent, et tout à coup, comme mû par un ressort, il se souvient qu’il est le maître ; que rien ne se fait sans lui ; qu’il est le peuple souverain, qu’il fait des lois qu’il ignore, et sa valeur le gonfle d’orgueil.

Les élections approchent, et les murs se couvrent de placards multicolores, sur lesquels le candidat, les candidats, offrent et promettent à leurs électeurs un avenir plein de bonheur et de jouissance.

La foire électorale est ouverte. Les adversaires se mesurent, et nous nous garderons bien de rappeler toutes les insanités, toutes les ignominies, toutes les insultes, toutes les injures que se lancent mutuellement les nombreux candidats. C’est l’étalage le plus répugnant, le plus infâme, le plus honteux de toutes les bassesses et de toutes les tares individuelles. Ça ne