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vie…, on lui détachait les mains et le médecin lui faisait respirer des sels, puis si l’homme était encore vivant, le châtiment continuait. On mettait à plat ventre sur un tambour l’homme dont le dos ressemblait à un amas de chair hachée. Les premiers coups faisaient des croix tout le long de la colonne vertébrale. Le sang giclait et après chaque coup le bourreau, de sa main restée libre, enlevait le sang qui se collait sur les bords du knout. Au bout de quelques coups, on changeait la courroie du knout qui devenait plus molle et ne pouvait plus déchiqueter les chairs…

Un autre témoin oculaire (Oléaria, d’après l’historien Fimoféyer), raconte que le dos d’une femme condamnée à 16 coups de knout ressemblait au corps d’un animal écorché.

Avant l’oukase de 1807 on infligeait 100 à 150 coups, ou même 300 à 350, ce qui équivalait à une condamnation à mort.

L’histoire rapporte de célèbres exécutions au moyen du knout. L’une des plus connues est celle du fils (césarévitch) de Pierre Ier, condamné à mort sous les coups de knout par son père. Le jeune homme était resté conservateur à tous crins, il blâmait toutes les réformes introduites par l’empereur pour tâcher d’européaniser le pays encore barbare. Il fut accusé de vouloir attenter à la vie de son père. Dans un fameux tableau d’un peintre russe, Pierre interroge son fils, puis le fait knouter. La seule grâce que l’empereur impitoyable accorda au jeune homme, c’est de lui faire prendre un narcotique mortel avant l’exécution.

Une dame d’une grande beauté, la comtesse Lapoukhina, ayant excité la jalousie de la tzarine Elizabeth, fut accusée de favoriser une conspiration ; elle fut knoutée et lorsque le corps de la malheureuse fut réduit en lambeaux, on arracha la langue à la dame qui fut ensuite expédiée en Sibérie.

Quand les seigneurs voyaient les nobles eux-mêmes condamnés au knout, ils ne se gênaient pas pour appliquer cette torture à leurs serfs dont ils avaient à se plaindre. Parfois au lieu de knout ils se contentaient de les faire passer par des verges, ce qui n’était pas tout à fait aussi cruel.

Marka Voutchak (Mme  Markovitch), la célèbre romancière ukrainienne, dont la Maroussia a été publiée par Hetzel, a raconté dans ses souvenirs que les femmes, propriétaires de serfs, étaient souvent plus cruelles que les hommes, qu’elles étaient possédées d’une sorte de sadisme et qu’elles infligeaient des châtiments corporels plus souvent que les hommes.

Dans le xviie siècle, en Russie, on mettait à la question un accusé qui n’avait pas avoué son crime. Après les coups de knout, indiqués par les juges, on accrochait le malheureux à une grande barre de bois tenue par deux hommes et on l’approchait d’un grand feu et pendant qu’on lui grillait le dos on lui faisait les questions. Si après trois épreuves de ce genre l’accusé n’était pas mort et n’avait pas avoué le crime qu’on lui attribuait, il était mis en liberté.

Le supplice du knout fut supprimé par un ukase en 1845, mais celui du plet a continué durant tout le xixe siècle.

Bien des voyageurs ont raconté avec horreur les traitements infligés aux infortunés partant pour la Sibérie, attachés à une longue chaîne, dont le bruit s’entendait à une grande distance. Les soldats qui accompagnaient ce convoi ne se faisaient pas faute de frapper les prisonniers, dont la plupart n’étaient coupables que de sentiments anti-monarchistes. Le voyageur américain Kennan a dépeint les traitements cruels dont les prisonniers politiques étaient les victimes.

Même après la suppression du supplice du knout, il existait dans l’armée russe un châtiment aussi cruel :

le spitzroutenne, d’origine allemande comme le mot l’indique. Un soldat condamné par ses chefs devait passer entre deux rangées de soldats armés de baguettes acérées. Les soldats frappaient de toutes leurs forces sur le corps nu du prétendu coupable, qui ne formait bientôt plus qu’une plaie. Et cet infortuné devait passer jusqu’à 30 fois de suite entre cette rangée de bourreaux. Si l’on remarquait qu’un soldat ne frappait pas assez vigoureusement, il était puni à son tour. On m’a assuré que les verges, avant le supplice, étaient plongées dans le vinaigre, mais je n’en suis pas sûr.

Sur l’ordre du général Prince Araktchéyev, un soldat désobéissant, ou un forçat exilé pouvait être condamné à recevoir 5.000, 6.000 et jusqu’à 12.000 coups. Cela paraît incroyable, mais le fait est affirmé par l’historien Djanchiev (Époques des Grandes Réformes, page 101).

Le même monstre avait ordonné de faire passer douze fois, et sans la présence d’un médecin le prisonnier entre deux rangées de 500 hommes chacune. Ainsi le martyr devait recevoir 12.000 coups sur le torse nu. Quelle bête sauvage ferait souffrir ainsi un ennemi ? Le tigre, la panthère, qui passent pour les plus féroces des félins déchirent un peu leur victime pour l’empêcher de fuir, mais ils le dévorent rapidement, ils ne mettent pas une joie sadique à torturer leur victime. L’homme est le plus farouche des animaux, surtout lorsqu’il est placé au-dessus de ses semblables ; lorsqu’il s’est arrogé l’autorité, c’est un monstre, prêt à toutes les atrocités.

On peut s’étonner qu’un peuple si porté aux théories philosophiques et révolutionnaires, comme le sont les Russes, ne se soit pas soulevé plus tôt pour balayer cette horde de bandits, avec toute la clique gouvernementale, afin d’établir une organisation libre comme celle des anciens cosaques de l’Yoük, où tout était en commun, et où il n’y avait pas d’autorité stable.

Mais les Français sont-ils plus courageux, plus hommes ? Ils tolèrent les horreurs de Biribi qui ne le cèdent guère à celles du knout. Les traitements des forçats de la Guyane ne sont-ils pas une honte pour la France ?

Et quand on lit les tortures infligées aux protestants sur les galères de Louis XIV et de Louis XV, cela ne fait-il pas dresser les cheveux ?

Le peuple russe a enfin recouvré la raison, il a su se débarrasser des Romanovs et de leurs bourreaux, mais pourquoi s’est-il laissé tyranniser par les atroces agents de la Tcheka ? — G. Brocher.


KRACH n. m. (mot allemand qui signifie effondrement ; prononcez : krak). « Terme de bourse servant à désigner une débâcle financière, généralement non limitée à l’effondrement des cours d’une seule valeur, mais retentissant, par voie d’incidence, sur tout un groupe de valeurs similaires ou connexes, quelquefois sur toute la cote » (Larousse). Il convient de compléter ainsi cette définition hâtive : débâcle financière provoquée par les agissements d’une tourbe cosmopolite d’aventuriers d’affaires, d’agioteurs, de détrousseurs qui font « mousser » des valeurs sans gages, des affaires inconsistantes ou inexistantes et raflent l’argent des gogos innombrables, des poires sans cesse renouvelées qui, alléchés par la promesse de mirifiques dividendes ou de bénéfices rapides et extraordinaires, s’empressent — avidité bête ou pure imbécillité — de confier leur argent à ces coquins.

Le Krach est un produit de la civilisation bancaire où l’argent est roi et où pullulent les manœuvres affairistes de caractère parasitaire. C’est d’ailleurs par un Krach formidable que la banque véritable débuta en France, en 1720, sous l’impulsion de Law. Il s’est développé très rapidement et on peut dire, aujourd’hui, qu’il est devenu banal et courant et qu’un krach chasse