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Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 2.djvu/598

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LEG
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ou de leur servilisme vis-à-vis du pouvoir et des grands. En effet, si, en théorie, le licite, le permis, doit être toujours juste et fondé en raison, dans la pratique, ce qui est licite, permis, est toujours injuste envers quelqu’un, irraisonnable. Le prouvent d’ailleurs ces citations du Larousse :


Le temps souvent a rendu légitime
Ce qui semblait d’abord ne se pouvoir sans crime.

Corneille.


Quiconque a pu franchir les bornes légitimes
Peut violer enfin les droits les plus sacrés. (Racine).

La vertu n’exclut point une ardeur légitime
Quel cœur est innocent si l’amour est un crime. (Gresset).

En politique : Se dit en France des princes de la famille des Bourbons, que leurs partisans — légitimistes — considèrent comme ayant droit au gouvernement de la France. Avec les Orléanistes et les Bonapartistes, les légitimistes parlent encore le vieux langage des siècles écoulés. Paix à leurs cendres !

En jurisprudence : légitime défense, droit de se défendre contre un agresseur, sans égard aux conséquences qui peuvent en résulter pour ce dernier.

Pathologie : Se dit des maladies qui suivent le cours normal, prévu dans les traités médicaux : fièvre légitime.

Subst. masc. : Ce qui est légitime. « Dans les sociétés bien constituées, le légitime se confond avec le légal, et la loi locale avec la loi générale » (de Bonald). Dans les sociétés bien constituées, c’est le légal qui devrait se confondre avec le légitime, mais nous savons que jamais le légal ne peut être : le juste.

Subst. fém. : Portion que la loi donne à certains héritiers présomptifs dans des biens qu’ils auraient recueillis en totalité, sans les dispositions faites par le défunt à leur préjudice : Légitime des descendants, des ascendants. Ce terme du vieux droit français n’est plus guère usité et est remplacé par : réserve. — A. Lapeyre.


LÉGUMISTE. (Voir végétarisme, végétalisme, etc.)


LÉNINISME (Voir bolchevisme, communisme, marxisme, socialisme, soviets, etc.)


LÉGISTE n. m. (de lex, legis, loi). Celui qui connaît, qui étudie des lois. « De leur application aux lois dont ils se firent un métier, ils furent appelés légistes » dit Saint-Simon. La multiplication des légistes atteste l’importance de l’appareil législatif, son étendue, sa complexité. Elle souligne quelle place occupent dans les sociétés humaines ces constructions superfétatoires, et nocives au surplus, que sont les législations successives. « Il n’y a pas, disait Piron, de marque plus certaine de la mauvaise constitution des cités que d’y voir beaucoup de légistes et de médecins ». En effet, comme l’hygiène à l’individu, une ordonnance logique manque au corps social, et tous deux réclament la charge de soins qui les tuent…

Les légistes ont joué un grand rôle dans l’affermissement du pouvoir royal. Ils en ont, par leurs justifications, légitimé le principe et consolidé les assises. Imitant les glossateurs de l’École de Bologne qui, à ceux de l’ancienne Rome, assimilèrent les empereurs d’Allemagne, les légistes appliquèrent, chez nous, les mêmes textes au roi de France « empereur dans son royaume » Ils détournèrent au profit du roi, « souverain fieffeux », certaines prérogatives féodales, en firent le représentant de l’intérêt supérieur du bien public… Autant par leur habileté que par le prestige des armes, du domaine et de la hiérarchie, l’autorité royale se trouva reconstituée

vers la fin du xve siècle. Il n’y manquait plus que la couronne de « droit divin » que lui réservait l’Église.


LÉNITIF [IVE] adj. (lat. lenitivus, de lenire, adoucir). Un lénitif est ce qui calme et adoucit, ainsi le miel par exemple. Ce terme fort utilisé en médecine s’applique dans le langage courant, à tout ce qui pacifie, tout ce qui atténue les différends, amoindrit les susceptibilités ou met du baume sur les plaies soit physiques, soit morales. Certaines personnes exercent naturellement une influence lénitive comme d’autres, sans même s’en rendre compte : blessent et irritent quiconque les approche. On recherche les premières, on fuit les secondes, vrais buissons épineux dont les fleurs mêmes sont entourées de piquants. Néanmoins gardons-nous des chattemites dont les gants de velours cachent des griffes bien aiguisées ; un ami, dont la franchise est brutale et déplaisante, vaut mieux qu’un flatteur qui, vous voyant côtoyer un gouffre, se garde de vous avertir. Éviter à autrui toute douleur inutile, mais sans vaine faiblesse et sans craindre la lutte lorsqu’elle est nécessaire, voilà probablement la meilleure attitude.

Comment n’être pas révolté par l’hypocrisie doucereuse du prêtre qui, par calcul, fait sienne la maxime de saint François de Sales : « On prend plus de mouches avec du miel qu’avec du vinaigre ». Assurément, les croyants sont des mouches de la plus sotte espèce généralement, et n’ayant aucun des mérites de l’abeille ; nous comprenons que le clergé les exploite, mais il nous répugne que ce même clergé place son exploitation sous l’enseigne du crucifié Jésus. Et notre indignation atteint son comble quand nous voyons les prêtres dresser des listes noires, qui seront communiquées discrètement aux patrons, aux propriétaires, aux politiciens bien pensants, à l’ombre du confessionnal, en persuadant les faibles d’esprit qu’ils iront rôtir en enfer s’ils ne dénoncent les mécréants. Pascal a flétri, dans les Provinciales, les procédés utilisés par les Jésuites afin de capter la confiance des souverains. Un père La Chaise n’hésitait pas à fournir de maîtresses Louis XIV, son royal pénitent, et presque tous les confesseurs des rois firent de même. Dieu, à les entendre, donnait toute licence aux têtes couronnées à condition qu’elles se laissent conduire par les disciples de Loyola. Défions-nous donc des gens qui, selon le proverbe populaire, sont trop polis pour être honnêtes. Ne soyons pas grincheux ; ne soyons pas flatteurs non plus. Ajoutons que les premiers sont plus nombreux que les seconds, en général, dans les milieux d’avant-garde.


LÉONIN [INE] adj. (latin leoninus, de leo, lion). Qui a rapport, qui appartient au lion, qui est de sa nature ou lui ressemble par quelque trait, par son caractère ou ses qualités : rugissements léonins ; tête, vigueur, mœurs léonines. En jurisprudence, signifie abusif, fondé sur le seul droit de la force. Se dit d’un partage, d’un marché où quelque stipulation réserve à une ou à plusieurs personnes favorisées la part du lion (allusion à l’apologie des animaux vivant en société avec le lion). Cette expression n’est guère usitée que dans les locutions : société léonine, contrat léonin, part léonine, que la clause ou les conditions visées soient formulées ou seulement tacites.

Ce sont justement ces acceptions qui nous incitent à nous étendre ici davantage. En effet, ce n’est pas seulement au point de vue individuel que se pratiquent dans la plupart des cas, les contrats, les marchés, les partages léonins, mais c’est encore au point de vue collectif. L’organisation actuelle de la société n’est-elle pas basée sur l’accaparement léonin des richesses de la terre par une classe d’individus aux dépens d’une autre classe ?