cour et de la ville, littérature, religion, philosophie, sciences, etc… Les Lettres de Mme de Sévigné et de Voltaire sont les modèles du genre épistolaire des deux siècles. Elles caractérisent le ton du badinage qu’on prenait devant tous les événements, les plus graves comme les plus insignifiants. Plus que jamais, en ce temps-là, le plaisir de dire un bon mot et d’avoir une réputation de bel esprit l’emportait sur toute autre considération. N’entendait-on pas Louis XV lui-même dire après la bataille de Rosbach où le prince de Soubise avait été battu : « Tiens, ce pauvre Soubise ! Eh bien, il ne lui manque plus que d’être content. » Louis XV, lui, était content de toutes les façons et il lui importait peu que la France fût ruinée par la guerre. Dans ces temps « aimables », où toutes les affaires de l’État tournaient à la galanterie, ce furent surtout les femmes qui illustrèrent le genre épistolaire. Ce furent avec Mme de Sévigné, Mmes de Scudéry, de Sablé, Ninon de Lenclos, de Lafayette, la présidente Ferrand, de Maintenon, du Châtelet, d’Epinay, Necker, et un grand nombre d’autres. Toutes les femmes de la cour écrivirent durant ces deux siècles, soit des Lettres, soit des Mémoires, dans le ton des « précieuses » d’abord, dans celui des « philosophes » ensuite. M. Jean Lemoine a publié en 1911-1913 les Lettres sur la Cour de Louis XIV, par le marquis de Saint-Maurice.
Au xixe siècle, la vie nouvelle a tué peu à peu le genre épistolaire. La rapidité des communications, le télégraphe, le téléphone, les journaux qui concentrent et répandent les nouvelles du monde entier en quelques heures, ont supprimé les principaux motifs de correspondance. On est de plus en plus pressé, on a de moins en moins le temps d’écrire et surtout de bien écrire pour un échange désintéressé d’idées, pour le plaisir, et on écrit comme on vit, fiévreusement, en courant ; cinq mots sur une carte postale, illustrée d’un monument ou d’un paysage qu’on n’a pas eu le temps de regarder et sur lequel on a l’opinion interchangeable de tous les acheteurs de la carte postale. La lettre n’est plus qu’une forme employée par les littérateurs comme le roman, la nouvelle, et encore est-elle bien délaissée. La correspondance des hommes notoires n’intéresse plus que pour les renseignements historiques ou biographiques qu’elle fournit, comme document et témoignage.
Bien des écrivains ne se sont fait connaître ou n’ont révélé leur véritable caractère que par leur correspondance. Le nom de Mlle Aïssé serait demeuré inconnu sans ses Lettres Portugaises. L’impersonnalité des œuvres de Flaubert aurait toujours laissé ignorer l’auteur et sa vie si sa Correspondance n’avait montré l’homme qu’il fut. À ce point de vue les lettres des hommes du xixe siècle, plus personnelles, plus intimes, sont plus caractéristiques que dans les siècles précédents où l’on écrivait moins pour ses correspondants que pour le public.
On dut écrire beaucoup de lettres dans l’antiquité, mais il en est peu resté. Celles qui ont été conservées n’en ont que plus de valeur. Beaucoup sont malheureusement apocryphes ; on en a attribué faussement à Socrate, Diogène, Cratès, Pythagore, Eschine et d’autres. Parmi les Lettres tenues pour authentiques, les plus importantes sont celles de Cicéron, de Sénèque, de Pline. Elles nous renseignent sur l’histoire et les mœurs de leur époque. Les Lettres d’Aleiphron renferment des détails curieux sur les différentes classes d’Athènes, celle des courtisanes en particulier. On a conservé, du ive siècle, les Aristaneli epistolæ qui dépeignent la vie galante de ce siècle. Les Lettres de Synésius, de Libanius, de Symmaque, sont des documents importants sur les débuts du christianisme. Celles de Libanius contiennent de violentes accusations contre le vandalisme chrétien. Celles d’Ausone font connaître la vie de l’homme de
Après saint Jérôme, l’ignorance et la barbarie intellectuelle qui s’installèrent dans les mœurs supprimèrent généralement la correspondance ou la rendirent sans intérêt littéraire. Il faut arriver au xiie siècle pour retrouver une véritable éloquence épistolaire. Les Lettres d’Abélard et d’Héloïse, de Suger, de saint Bernard, de Jean de Salisbury, de Pierre le Vénérable, de Pierre de Blois, sont celles de vrais érudits et pleines de l’effervescence d’une pensée trop longtemps comprimée. Cette effervescence se renouvela avec la Renaissance, particulièrement en Italie. Petris de Vincis et le Dante ont laissé des lettres politiques et littéraires. Les papes et les princes italiens, devenus des lettrés, avaient d’illustres correspondants. Souvent l’Arétin, « condottiere de lettres », écrivit pour eux ou contre eux. Léon X, Julien de Médicis, Lucrèce Borgia, correspondaient avec Bembo, Raphaël et Bibienne.
La Renaissance vit en France les lettres de Rabelais, de Calvin, de la reine de Navarre. En Allemagne, celles de Jean Hus que préfaça Luther. En Espagne, celles passionnément mystiques de Thérèse d’Avila.
Par la suite, les lettres se multiplièrent. Leurs auteurs et leurs sujets furent des plus divers. En France, on a la correspondance de Marie Stuart, Etienne Pasquier, Malherbe, Descartes, Voiture, Balzac, Gui Patin ; celle des littérateurs du xviie siècle, des philosophes du xviiie. Le développement des idées philosophiques fut dû surtout aux très nombreuses lettres que les encyclopédistes Voltaire, J.-J. Rousseau, Diderot, d’Alembert, Grimm, etc., échangèrent avec les plus grands personnages d’Europe.
Les hommes de la Révolution ont laissé peu de lettres. Ils ont plutôt écrit des Mémoires, quand les événements leur en ont laissé le temps. Les lettres de Mme Roland, publiées sous le titre : Lettres de Mademoiselle Philipon aux demoiselles Cannet et antérieures à la Révolution, sont dignes de ses Mémoires par le style et la noblesse des sentiments. M. G. Michon a édité, en 1924 et en 1926, la correspondance de Barnave et celle de Maximilien et Augustin Robespierre. Dans les correspondances du xixe siècle, les lettres d’Edgar Quinet, de Michelet, de Carlyle, de Tolstoï et d’Élisée Reclus sont parmi les plus belles par l’élévation de la pensée.
En Allemagne sont remarquables les lettres de Herder, de Gœthe et de Schiller, de J. de Muller, de Humboldt.
En Angleterre, la correspondance est surtout politique et historique. On a celle, classique, de Bolingbroke, Chesterfield, Talbot, Franklin, Cromwell, Hyde, lady Montagne. Ensuite, les lettres de Thomas Moore, Hume, l’acteur Garrick, Horace Walpole, etc… Celles de lord Byron ont été traduites en français en 1911.
De nombreux ouvrages ont été écrits sous forme de lettres, tels les Épîtres des hommes obscurs, d’Ulrich Von Hutten, traduites par L. Tailhade ; les Provincia-