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tôt faire un choix parmi les connaissances utiles. Il est regrettable que ce choix soit fait uniquement ou presque par des spécialistes de l’enseignement qui « accordent parfois une importance exagérée à des choses qui n’en ont aucune pour le reste des mortels… »

Qu’est-ce que la vie apprendra à l’enfant ? — Il est inutile d’apprendre à l’enfant, à neuf ou dix ans, sur les bancs de l’école ce que l’on est assuré qu’il apprendra un ou deux ans plus tard dans sa famille.

Qu’est-ce que l’enfant devenu adulte pourrait apprendre seul ? — Nous ne nous désintéressons pas de ces connaissances dont certaines auront dans la vie leur utilité ou leur agrément, mais l’écolier doit d’abord acquérir les connaissances les plus propres à favoriser l’auto-instruction et l’auto-éducation de l’adulte (apprendre à lire intelligemment, à se servir d’un dictionnaire, etc.) et former son esprit.

Qu’est-ce que le futur adulte a le désir d’apprendre pendant son enfance ? — Si nous avons à choisir entre deux connaissances également utiles au futur adulte nous préférerons enseigner celle qui intéresse le plus l’enfant parce que nous avons beaucoup plus de chances de le lui voir acquérir.

Qu’est-ce que l’enfant peut apprendre aux divers stades de son développement ? Il s’agit 1° de limiter les connaissances à acquérir en tenant compte des possibilités enfantines comme aussi de la nécessité des loisirs et d’une part de temps à réserver aux activités libres individuelles ou collectives ; 2° de faire acquérir ces connaissances au moment le plus favorable, ni prématurément — comme on le fait trop souvent — ni trop tard, autrement dit d’établir un bon échelonnement des difficultés.

Les questions qui précèdent ont pour but de fixer des programmes qui permettent : 1° de limiter, autant que possible, les études qui doivent être imposées aux enfants dans l’intérêt des futurs adultes ; 2° d’acquérir ces connaissances imposées au meilleur moment et dans l’ordre le plus favorable à une acquisition rapide ; 3° d’accorder plus de temps aux travaux éducatifs propres à développer la personnalité, l’initiative, la volonté et aux travaux libres, individuels ou collectifs. Alors que, dans nos écoles actuelles, presque tous les travaux sont imposés par les adultes, dans les écoles de l’avenir la plus grande partie du temps sera consacrée à des travaux libres, vraiment libres : soit qu’ils soient suggérés aux élèves par le milieu et le matériel mis à leur disposition dans les meilleurs cas ; soit qu’ils aient été entrepris à la suite de la suggestion du maître, aussi discrète que possible.

Mais bien que le travail-corvée disparaisse peu à peu, bien que les pédagogues s’efforcent de plus en plus de motiver les travaux scolaires, il restera encore sans nul doute des connaissances à acquérir dont l’étude ne sera pas désirée mais imposée par les adultes. Cependant, de ce côté encore, de gros progrès sont en cours de réalisation. Dans les écoles qui travaillent selon le « Dalton-Plan » c’est encore l’adulte qui fixe le travail à l’élève mais ce dernier jouit d’une certaine liberté, d’une certaine initiative dans l’exécution du travail, il le fait où il veut et quand il veut. L’enfant a une fiche de travail mentionnant les travaux qu’il doit accomplir en une semaine et sur laquelle il indique, au fur et à mesure, les travaux faits. A Winnetko, les fiches sont remplacées par des livres de buts soigneusement gradués mais la méthode est analogue : les enfants peuvent s’entraider, travailler en groupe, interroger le maître. Les pédagogues s’efforcent d’autre part de réduire autant que possible l’intervention de celui-ci, soit grâce à l’emploi d’un matériel auto-correcteur, soit par une bonne graduation des difficultés.

La graduation des difficultés qui convient à un élève intelligent ne convient plus à un élève moyen et à plus forte raison, à un élève faible ; aussi on s’efforce de plus en plus — en Amérique surtout — d’individualiser l’enseignement et l’individualisation de l’enseignement est ainsi favorable à la libération de l’enfant puisqu’elle limite l’intervention du maître.

Mais si l’individualisation de l’enseignement est favorable à la libération de l’enfant, parce qu’elle lui permet d’acquérir le savoir, et en particulier les techniques (lecture, écriture, calcul), en marchant à son pas ; il n’en faudrait pas croire que les travaux individuels sont seuls favorables à nette libération, ce serait oublier l’importance du milieu pour la formation de la personnalité. Actuellement les pédagogues novateurs s’efforcent de remplacer la concurrence (compositions, etc.) par la coopération ; de là, des travaux collectifs dont le but est fixé le plus souvent par les adultes en coopération avec les enfants, mais parfois par les enfants eux-mêmes.

En résumé, on s’efforce : 1° de limiter les travaux imposés grâce à un meilleur choix et à une meilleure gradation du contenu des programmes ; 2° de motiver tous les travaux scolaires ; 3° de tayloriser l’enseignement pour valoriser l’éducation en accordant une plus large place aux activités spontanées et aux travaux libres (individuels on collectifs) ; 4° d’accorder le maximum de liberté possible dans l’exécution des travaux imposés ; 5° de faire place aux travaux collectifs qui permettent à l’initiative des enfants de s’exercer et les prépare à la vie sociale.

Il faut convenir que nous sommes encore loin d’avoir atteint tous ces buts.

Ceci ne sera d’ailleurs possible qu’à la condition de se préoccuper également du problème du choix et de la formation des maîtres. Tous les individus, même fort instruits, n’ont pas les aptitudes qui conviennent à la libération de l’enfant. Les meilleurs à cet égard sont les maîtres actifs, qui fournissent ainsi un modèle à l’enfant, et les maîtres intuitifs qui devinent ce qui convient à l’enfant et savent user de la suggestion plutôt que de l’ordre ou de la défense. L’aptitude du maître peut aussi être perfectionnée, non pas seulement par les connaissances qu’il acquiert pour se rendre de plus en plus capable de remplir son rôle de guide, mais aussi par l’observation des modèles. Il serait désirable que tous les maîtres, à tour de rôle, pussent aller observer la vie d’une école où les enfants jouissent d’une plus grande liberté, pour se rendre compte, par eux-mêmes des moyens de parvenir à ce résultat.

Enfin, rappelons qu’il reste aussi à se préoccuper de l’éducation des parents et d’une meilleure collaboration de l’école et de la famille. — E. Delaunay.


LIBERTICIDE (adj. lat. libertas, et cœdere, tuer, détruire). Qui attente à la liberté, qui la détruit. L’appareil des lois, l’organisation de la justice, les prérogatives gouvernementales sont, dans notre société, les cadres permanents d’un système politique éminemment liberticide. L’autorité, qui est leur fondement, est par essence liberticide et, s’ils n’en pénètrent la nocivité et n’en proscrivent les institutions, les hommes aspireront en vain vers la liberté.

Socialement, le capitalisme, qui soumet l’ouvrier aux maîtres des usines et aux possesseurs de la terre, à tous ceux qui, dispensateurs de la besogne quotidienne, sont en même temps les arbitres du salaire dont dépend son existence (sans parler des répercussions indirectes) le capitalisme est une forme liberticide.

Sur les méfaits des uns et des autres, nous ne nous étendrons pas davantage ici. Nombreux sont les mots