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Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 2.djvu/665

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d’un mouvement éternel. L’âme est composée d’atomes ronds et ignés, qui impriment le mouvement au corps. La connaissance résulte du choc des atomes extérieurs sur l’âme (premier essai de psychologie sensualiste). Parmi les sensualistes, on trouve surtout Démocrite d’Abdère (480-407), Diagoras, Nessus, Anaxargue, Nausiphane, maître d’Épicure.

Les sophistes ne sont pas les inventeurs d’absurdités comme le sens actuel du mot pourrait le faire croire. C’étaient des sceptiques à l’égard des théories mises en avant pax les philosophes d’alors. Ils ont été utiles en vulgarisant les données de la science et en indiquant les contradictions des systèmes. Ils ont pavé la voie à l’école socratique.

Parmi les sophistes, nous nommerons Gorgias de Leontium, Protagoras d’Abdère, Critias d’Athènes.

Jusqu’alors les philosophes s’étaient surtout occupés de la nature, de la physique, ils n’avaient pas fait une étude spéciale de l’homme et de ses facultés, ce fut le mérite de Socrate de s’être limité à la sphère morale. Il ne proscrivait pas la spéculation dont s’étaient servies les anciennes écoles, car lui-même a parlé d’un Dieu unique, simple assomption qu’on ne peut prouver. Il regardait ce Dieu comme le bien.

L’âme, selon Socrate, se rapproche de Dieu par l’exercice de la raison et de la liberté, c’est-à-dire par la pratique de la vertu.

METHODE SOCRATIQUE

procédés principaux.

1° Ignorance simulée, hypothèses admises comme vraies et leur fausseté mise à nu par l’absurdité de leurs conséquences (ironie socratique) ; 2° analyse des notions complexes, développement graduel des germes de vérité continus dans l’esprit humain ; induction.

Tout notre enseignement philosophique jusqu’au xviie siècle découle des principes socratiques, malgré leur base arbitraire, peu scientifique, principes qui nous ont été transmis par Platon (dans ses nombreuses œuvres), et par Xénophon, etc.

Socrate, accusé de corrompre la jeunesse, c’est-à-dire de parler contre les dieux adorés par le peuple, fut condamné à boire la ciguë. Ce fut un martyr de la libre-pensée.

Quoique les anciens Grecs n’aient jamais été si intolérants que les chrétiens le furent plus tard, et surtout l’atroce religion de Jéhovah, qui fit exterminer tous les Cananéens et les autres peuplades qui n’adoraient pas le Dieu d’Israë1, on parle d’autres martyrs de la libre-pensée en Grèce. Diagoras de l’île de Mélos, surnommé l’Athée fut, dit-on, condamné à mort à cause de ses violentes diatribes contre la religion de ses concitoyens, mais on ne sait rien de certains sur sa mort. Diagoras avait été, croit-on, esclave, puis il fut disciple de Démocrite. On raconte que vers 412 avant notre ère, il s’enfuit d’Athènes par crainte de la ciguë parce qu’il raillait ouvertement et constamment les mystères religieux et leurs initiés. Il n’aurait pas péri victime de l’intolérance, puisqu’on lui doit les sages lois qu’il édita pour Mantinée.

La mort de Socrate n’effraya pas les libres-penseurs de son temps. En effet, plusieurs écoles philosophiques continuèrent à faire abstraction des dogmes polythéistes…

L’École cyrénaïque, dont le principal protagoniste était Aristippe, de Cyrène (nord de l’Afrique) déclarait que le bien consistait dans la volupté et le mal dans la douleur. Comme au xviiie siècle l’enseignait Condillac, selon Aristippe les sens sont les seuls juges de ce qui est vrai, beau et utile.

L’école cynique, ne professait rien de ce que nous appelons cynique (du grec kuon, chien).

Le plus fameux représentant de cette école fut Diogène, sur qui l’on raconte maintes anecdotes plus ou moins apocryphes. Antisthène, Cratès, Hipparchie, enseignaient que le bien est dans la vertu et que celle-ci consiste à vivre selon la nature, sans que les sages s’inquiètent du qu’en dira-t-on ou d’observer les mœurs courantes. Le cynique jugeait toutes choses d’après ce qu’il considérait comme sa raison.

Euclide, fondateur de l’école de Mégare, est plus connu comme mathématicien que comme philosophe. On lui attribue l’invention de la géométrie et son nom en Angleterre est devenu le synonyme de géométrie plane. Les élèves dans les écoles anglaises disent toujours : « J’apprends l’arithmétique, l’euclide, l’algèbre, etc. Cependant, comme philosophe libre-penseur il a eu une grande importance. Selon lui, la raison doit être le seul guide, son objet est l’universel, l’absolu qui seul existe ; le bien c’est la raison, le mal n’est qu’une apparence. Parmi les partisans de cette philosophie, il faut nommer Médème et Phédon ; celui-ci étant l’objet d’un des dialogues de Platon.

La libre-pensée est par nature sceptique, puisqu’elle n’admet aucun dogme. Le représentant de ce doute universel fut Pyrrhon, fondateur du Pyrrhonisme. Selon lui toute prétendue science repose sur des hypothèses. La vertu seule est précieuse. La science elle-même ne conduit à aucun résultat positif. On a prétendu que l’essence même de la philosophie de Montaigne, de La Boétie, de Charron, venait du pyrrhonisme ce qui est très discutable.

Le scepticisme eut de nombreux partisans, comme Enésidème, de Crête (contemporain de Cicéron), Agrippa (vers 70 avant notre ère), Sextus Empiricus (vers 230 après J.-C.).

Les principaux arguments des sceptiques sont les suivants : 1° La raison ne pouvant se prouver à elle-même sa propre légitimité, toute affirmation est une hypothèse gratuite ; 2° La raison est condamnée par sa nature à des contradictions insolubles.

Le vaste système de Platon a pour centre la théorie des idées. Ce disciple de Socrate a fondé l’école dite Académie qui attira des disciples de tout le monde hellénique. Platon est encore commenté, discuté ou attaqué par tous les philosophes modernes surtout parce qu’il croit en un Dieu unique qui a modelé la matière éternelle comme lui. Peut-on considérer Platon comme un libre-penseur ? La croyance en un Dieu, croyance a priori me semble opposée à la libre-pensée ; bien que des déistes comme Voltaire, Paine, doivent nécessairement être regardés comme des libres-penseurs.

Aristote, de Stagyre, en Thrace, de 384 à 322, a joui pendant des siècles d’une dictature intellectuelle sans exemple dans l’histoire. Attaquant vigoureusement dans sa base la théorie de son maître, Platon, il refuse aux idées une existence substantielle, il ne voit en elles qu’un élément distinct de la sensation, mais impuissant à procurer la connaissance sans cette dernière. Aristote a cherché un milieu entre l’idéalisme et le sensualisme. On est loin d’être d’accord sur ce point.

Les œuvres d’Aristote, qui étaient restées presque inconnues en occident, jusque vers 1200 de notre ère furent enfin popularisées par des traductions de l’arabe. Les musulmans et les Juifs comme Maimonide, Averroès étaient devenus d’enthousiastes aristotéliciens, leur philosophie était presque exclusivement dérivée des œuvres du fondateur du Lycée ou école péripatéticienne (école d’Aristote). Les Maures d’Espagne introduisirent en Europe les idées du maître d’Alexandre le Grand et bientôt elles dominèrent tous les esprits au moyen-âge, à un tel point que l’Église catholique fit de nombreuses victimes parmi les hommes qui n’étaient point assez orthodoxes au point de vue aristotélicien.