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Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 2.djvu/677

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anticatholique, la Ligue antialcoolique, la Ligue contre le tabac, etc., la Ligue pour la nationalisation du sol, pour la réforme foncière, pour la terre franche, etc., les Ligues des réfractaires à la guerre, de la volonté de Paix, de l’objection de conscience, etc. (Voir ces divers mots). L’énumération des Ligues modernes, nées pour la défense des intérêts et des opinions, remplirait à elle seule plusieurs pages et déborderait le cadre de cet article. Chaque jour en voit éclore de nouvelles dans les domaines les plus variés. Assurément les Ligues d’avant-garde n’ont pour elles ni l’argent, ni l’oreille de la presse et des autorités. Beaucoup font néanmoins d’excellent travail, grâce au dévouement inlassable de ceux qui les propagent et les soutiennent. Regrettons que leur multiplication excessive divise parfois des efforts qui auraient intérêt à s’associer. Le manque de coordination dans la lutte contre l’adversaire commun, l’émiettement en chapelles, clans et sous-clans infimes, la dispersion à l’extrême des bonnes volontés qui s’offrent, voilà une des causes principales de la faiblesse actuelle des mouvements individualistes et libertaires. Non qu’il faille aboutir à la centralisation, ni à l’uniformité : un accord volontairement consenti entre les différentes tendances suffirait ; l’ardeur de chacun cessant de s’affaiblir en querelles intestines, il deviendrait possible à tous de diriger leurs armes contre l’ennemi du dehors. Evitons aussi d’être injuste envers les hommes et les groupements, qui, sans nous donner satisfaction entière, contribuent à réaliser en pratique quelques-unes de nos aspirations ; n’éloignons pas, sous prétexte de rigide orthodoxie, ceux qui nous témoignent une franche sympathie et acceptent de seconder notre action. Lorsqu’on répudie contrainte, mensonge, hypocrisie, il faut s’élever assez haut pour rendre justice à tous indistinctement. — L. Barbedette.


LIMITE n. f. (lat. limes, limitis, chemin de traverse, puis lisière, frontière de limus, oblique). Tout ce qui borne, tout ce qui marque la fin, le point extrême d’une activité, d’un sentiment, d’une pensée, d’une action, d’une influence, tout ce qu’on ne peut dépasser, dans un domaine quelconque, s’appelle limite. D’où les innombrables sens attachés à ce mot et son emploi continuel dans le langage courant, et dans la politique, les sciences, etc. (ligne commune, démarcation entre deux États, deux propriétés, deux zones, etc… ; en mathématiques : grandeur limite, méthode des limites, en algèbre : limite des racines d’une équation, en arithmétique : limites d’un problème, en astronomie : points limites, etc.). Il est des limites qui semblent imposées par la nature ; ni le corps, ni l’esprit, ne sont capables d’un effort continu, d’une tension que ne coupe aucun repos ; la vie si longue soit-elle comporte des limites ; il n’est pas jusqu’à la joie qu’une possession trop prolongée ne transforme en ennui. Notre science a des limites et encore très rapprochées malheureusement ; de même notre puissance d’action. Mais comme disait Mme Neck, « les limites des sciences sont comme l’horizon, plus on en approche, plus elles reculent ». Dans le domaine de la pensée et de l’examen critique des choses, nos moyens sont les seules limites dont nous ne connaissions la légitimité. Pour nous, « la raison n’est pas la raison quand on lui impose des limites » (T. Delord).

Cependant, aux limites que nous oppose la nature, la société en ajoute d’autres innombrables ; la masse des lois n’est dans l’ensemble qu’un vaste réseau de prohibitions, de défenses, un véritable répertoire de « gestes limites », qui visent à ne permettre aux individus qu’une activité mentale et physique amoindrie, diminuée, toujours soumise aux caprices des autorités. Sans parler du bagnard, du prisonnier, de tous les enchaînés, que l’on a réduit à n’être que des morts vivants. Les

frontières, les patries, les douanes, etc. (voir ces mots) autant de limites, inventées pour le seul profit de ceux qui commandent. Et une morale, qui est souvent le comble de l’immoralité, prétend ligoter les consciences et régenter nos plus secrets désirs. Prêtres et gendarmes s’associent pour que les chefs soient obéis, pour que les travailleurs continuent de produire sans répit, pour que les peuples se déchirent, parce qu’il a plu aux maîtres d’établir des classes sociales, des frontières que la nature ignore et que la raison condamne Mais le troupeau est si aveugle qu’un long temps s’écoulera sans doute avant qu’il comprenne et se décide à briser les clôtures dérisoires où ses exploiteurs l’ont parqué.

Ne point nuire à la légitime activité d’autrui, ne point créer de douleur inutile, voilà les seules limites, que le sage reconnaisse et qu’il assigne à son activité. Ni opprimé, ni oppresseur, ni esclave, ni maître, telle est sa maxime. Il respecte les pensées indépendantes, les volontés libres de ceux qui l’entourent. « Loin de condamner l’énergique affirmation d’un moi qui veut vivre et se parfaire, nous y voyons le secret ressort de bien des existences utiles et la condition du progrès. Être plus et mieux, telle est déjà l’inconsciente mais suprême règle du moindre animalcule, telle doit être la loi voulue de l’activité humaine. Plus fort que le raisonnement, l’instinct de conservation l’impose, et le suicide même est une sanglante preuve de notre invincible besoin d’être heureux.

Mais pourquoi accumuler les ruines, pourquoi de la souffrance d’autrui faire la rançon de notre propre joie ? Dans la cité humaine, comme dans le monde des plantes, l’harmonie totale n’est-elle pas rendue possible par la seule diversité individuelle et collective ? Et pour chacun l’union librement voulue ne serait-elle pas souvent préférable à la lutte ? La réponse n’est pas douteuse : pour enrichir son être et le parfaire, nul besoin d’écraser les autres… L’impuissance à sortir de l’horizon borné du moi, à briser ses étroites barrières pour comprendre la vie universelle et sympathiser avec elle, voilà croyons-nous la racine cachée de l’égoïsme qui paralyse et appauvrit. » (La Cité Fraternelle). Mais naturellement ce n’est pas des stériles batailles politiques que l’homme peut attendre la suppression des limites artificiellement dressées par les chefs, ce n’est pas de son impuissant bulletin de vote que le citoyen doit espérer rien de pareil. Une longue éducation des esprits, une lente formation des volontés aboutiront seules à libérer les cerveaux. Et que chacun travaille, pour lui-même et en lui-même d’abord, à démolir les murailles de la prison où la société prétend l’enfermer ; qu’il apprenne à n’avoir d’autre maître que son propre esprit, ouvert enfin à la lumière des vérités supérieures que cachent soigneusement ceux qui instruisent les enfants ou les hommes pour le compte des Églises et des États. « Libération sociale et morale sont affaires de volonté ; égoïsme des chefs, veulerie du troupeau voilà les pourvoyeurs des ergastules anciennes ou modernes. A chacun de se sauver lui-même et d’aider au salut de ses frères, autant qu’il est en son pouvoir. Pour briser les barreaux de la cage où la nature nous enferma, un effort plus ardu semble exigé des hommes ; car l’acier des lois cosmiques est dur et la lime de nos connaissances a souvent besoin d’être réparée. » (Par delà l’Intérêt). Cependant même lorsqu’il s’agit de la nature, ne parlons pas trop rapidement des limites qui s’imposent à notre savoir ou à notre vouloir. Lumières magiques, tapis volant, vision ou audition lointaine, élixir de longue vie, transmutation des métaux, etc. tous les vieux contes qui charmèrent nos ancêtres, la science les réalise graduellement. « Où s’arrêtera notre espèce dans sa prodigieuse ascension ? écrit L. Barbedette, dans Face à l’Éternité. Maîtresse de notre globe, elle en mo-