remplacé par celui de bois qui tombe en poussière au bout d’un certain temps (Voir plus loin). Mais tout se tient. Les facilités de l’imprimerie firent produire le livre bon marché. Celui-ci fut assez bien présenté tant que la composition fut moins chère que le papier ; on se rattrapa sur celui-ci quand la composition se fit plus chère, sans être pour cela mieux faite, au contraire.
Après la reproduction manuscrite ou imprimée, l’art du livre comporte le brochage et la reliure. Le brochage par lequel on réunit ensemble les différentes feuilles d’un livre, est un procédé tout mécanique qui ne nécessite aucune recherche d’art. Par contre, la reliure est un art véritable dans lequel se sont distingués de remarquables artistes, comme dans l’enluminure. Les premiers brocheurs ou relieurs, qui collaient ensemble les feuilles de papyrus ou de parchemin étaient appelés dans l’antiquité glutinatores. Les feuilles étaient ensuite roulées en volumes. Le véritable métier du relieur commença avec les livres carrés. Dès le ive siècle, on relia des livres avec un grand luxe, en revêtant leurs couvertures d’ornements et de pierres précieuses. Les couvertures étaient de bois, pour les ouvrages d’un usage fréquent, puis de plus en plus d’étoffe et de cuir. Presque tous les livres étaient reliés pour mieux les conserver en raison de leur valeur. Un inventaire de la bibliothèque du Louvre, fait par Gilles Malet au xive siècle, donne des renseignements très intéressants sur ce qu’était la reliure à cette époque. Elle fut de plus en plus variée et riche d’ornements et de matières précieuses, mais elle n’a guère été modifiée depuis par les inventions de la main-d’œuvre.
Le travail et le commerce du livre se font par l’intermédiaire des éditeurs et des libraires. Avant l’imprimerie on ne faisait pas d’éditions, c’est-à-dire de tirages d’un nombre plus ou moins grand d’exemplaires d’un ouvrage. Editeurs et libraires étaient, dans l’antiquité, les écrivains et transcripteurs des livres qui les lisaient aux amateurs et les leur vendaient. On les appelait amanuenses à Rome. Les libraires furent exclusivement des marchands quand le livre se multiplia pour les besoins des études. Rome et Alexandrie eurent leurs quartiers des libraires qui exercèrent leur profession dans des conditions à peu près les mêmes que celles d’aujourd’hui. Au moyen-âge, cette profession n’exista pas tant que l’art du livre fut renfermé dans les couvents. La littérature laïque la fit renaître. Dès le xiiie siècle}}, les écrivains de manuscrits sortirent des couvents et fournirent leurs ouvrages aux libraires. Le commerce de la librairie fut organisé en 1275 sous le règne de Philippe le Hardi. La corporation des gens du livre se composait, en 1292, de 24 copistes, 17 relieurs et 8 libraires. Ceux-ci ne mettaient les livres en vente qu’après les avoir soumis au contrôle de l’Université qui fixait même les prix de vente et de location. L’Église et le Parlement exerçaient aussi leur censure. Au xive siècle, rien qu’à Paris, plus de six mille personnes vivaient de la librairie. Elle prit une importance de plus en plus considérable avec l’invention de l’imprimerie. Dès la fin du xvie siècle, on avait imprimé plus de 13.000 ouvrages qui représentaient environ quatre millions de volumes. L’imprimerie, d’abord favorisée par Louis XII, parut si menaçante au pouvoir royal que François Ier ordonna la fermeture de toutes les librairies, sous peine de mort. C’est à cette époque qu’Etienne Dolet fut brûlé vif pour avoir imprimé deux Dialogues de Platon. Henri II renchérit encore sur les ordonnances de François Ier : il obligea Robert Estienne à briser ses presses et à s’exiler pour éviter le bûcher. Les librairies ne furent autorisées de nouveau qu’à la condition de ne mettre en circulation que des ouvrages
Au xviie siècle, sans remonter plus haut, Gui Patin accusait déjà les libraires d’être des « fripons, coupeurs de bourse, sots, menteurs, ignorants », et Boileau se plaignait que les mauvais livres trouvassent toujours :
« Un marchant pour les vendre et des sots pour les lire ».
Les choses n’ont guère changé. La pornographie, les romans sans littérature et les bas feuilletons trouvent toujours des éditeurs pour les imprimer et des libraires pour les vendre, alors que les ouvrages sérieux par leur caractère scientifique et littéraire ne se publient et ne se répandent qu’avec peine. Par exemple, les écrits de Max Nettlau, qui ont une importance capitale pour l’histoire de la philosophie et du mouvement anarchiste, attendent toujours un éditeur qui en publiera une édition française. On trouve difficilement des éditions complètes et à la portée des petites bourses des plus grands écrivains de tous les genres, depuis Ronsard jusqu’à Proudhon.
Pendant longtemps, les éditeurs furent des lettrés. Cette qualité donnait à leurs éditions des garanties d’exactitude de textes et de soins dans la présentation qui manquent trop chez les marchands de papier imprimé lorsque l’auteur n’est plus là pour surveiller ce qui s’imprime sous son nom. Les Alde, Estienne, Elzevir, Didot el d’autres furent de véritables savants soucieux d’une présentation scrupuleuse et artistique des œuvres qu’ils éditaient et dont ils faisaient un choix sévère. Mais le nombre des éditeurs incapables de choisir des ouvrages dignes de la presse et ne recherchant que le succès s’est multiplié. Certains sont