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Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 2.djvu/706

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sente pour eux un loyer, faire aux déshérités cette réponse souveraine à savoir qu’ « ils ne sont pas obligés de faire de la philanthropie à leurs dépens ». Le problème du logement est un problème social, lié à tous ceux que le capitalisme tient en suspens sous sa griffe obstinée… Toutes les mesures qui ne sont pas d’appropriation sociale et de transformation fondamentale, toutes les tentatives, gouvernementales ou privées, en vue de corriger la situation ne sont que des palliatifs insuffisants et trompeurs et de paresseuses solutions d’attente…



Des maisons futures quelles seront les formes et les dispositions générales, quels seront leurs agencements essentiels ? De quelles conceptions hygiéniques s’inspireront-elles ? Elles seront influencées à la fois par les progrès de la science physiologique et ceux de la technique constructive, sous le contrôle artistique de l’esthétique dominante. Mais les habitations seront affranchies de tous les facteurs d’exiguïté, d’insécurité et d’insalubrité qui en font aujourd’hui les antichambres parfois précipitées de la mort. Délivrés des malfaçons et des sabotages de rapport des entreprises actuelles, les groupes constructeurs iront aux matériaux et aux procédés appropriés à des fins de résistance et de bien-être. Mais, ouvert à la lumière bienfaisante, baigné d’air et ensoleillé, spacieux et pratique, le logement devra constituer le milieu quotidien, à la fois riant et normal, où « il fait bon vivre »…

Déjà le ciment, le béton armé, remarquable pour ses qualités de cohésion, d’incombustibilité et de résistance aux intempéries, est devenu d’une utilisation courante. Il a permis, depuis quelques années à peine que sa vogue s’est affirmée, de réaliser d’audacieux et puissants édifices ; il a inspiré même une architecture nouvelle et parfois originale, entraîné de souples adaptations de l’art décoratif, en particulier sculptural, donné naissance çà et là à quelques formules hardies et vigoureuses. Et voilà que la technique constructive s’oriente vers les immeubles en acier édifiés comme il est pratiqué pour la coque d’un navire cuirassé. « Grâce à un dispositif intérieur, les maisons ne seraient ni plus chaudes en été, ni plus froides en hiver que celles réalisées en maçonnerie, et leur solidité, leur durée seraient aussi certaines… »

Sur les suggestions de l’Office public des habitations dites « à bon marché », la Ville de Paris se propose à la faveur de la loi de juillet 1928 (loi Loucheur) de procéder à une tentative qui porterait sur une quarantaine de pavillons et coûterait un million environ. Les avantages les plus marquants du nouveau principe seraient l’introduction d’une industrialisation particulièrement poussée dans le domaine du bâtiment. La possibilité d’usiner en série les différentes pièces ferait baisser dès maintenant le prix de revient et assurerait une rapidité et une simplicité d’exécution dont les sociétés de l’avenir tireraient un intéressant profit. Amenées sur leurs emplacements ces constructions seraient facilement et promptement assemblées. D’ores et déjà des expériences, faites à l’occasion d’expositions récentes, ont montré qu’une semaine pouvait suffire pour édifier une maison du type envisagé. Et ce n’est pas là le denier mot de la technique de la fabrication et du montage.

Les constructions de demain seront-elles dispersées dans les bocages, au gré de la fantaisie poétique ou uniront-elles à l’instar des familistères ébauchés (voir familistère) ; ce maximum d’avantages généraux que favorise la synthèse ? Les deux sans doute auront leurs favoris et se verront recherchées selon les préférences de chacun. Tarbouriech (La Cité future) a imaginé « un cadre de la vie privée comportant un groupe d’habitations,

auquel un ensemble de services administratifs et économiques au moins rudimentaire, constitue une individualité propre quant à la consommation. Ce groupe d’habitations, auquel il a donné le nom générique d’habitat, peut être isolé ou former une partie d’une agglomération urbaine plus ou moins importante. En campagne, il est constitué par des maisons simples, mais élégantes, plus ou moins grandes selon l’importance des familles, entourées chacune d’un jardinet et s’alignant le long d’allées, plantées d’arbres, une place égayée par des parterres et dont les côtés seront constitués par les bâtiments des services généraux : Maison commune avec bureaux, salles de commissions, salles des fêtes, école, dispensaire, économat, hôtel-restaurant, qu’on pourrait réunir aux habitations par des galeries, un parc où les enfants joueront, où les vieux se promèneront. »

« En ville, c’est un grand carré qui constituera un vaste parc accessible de la rue par des passages coupant les bâtiments en bordure de la voie publique. À ces bâtiments s’en ajouteront d’autres répandus dans l’intérieur et dont Tarbouriech fixe, pour Paris, l’orientation nord-sud, comme étant la plus convenable au climat. Ces constructions, dont les façades pourront être agréablement variées, artistement décorées, comprendront, en principe, un rez-de-chaussée élevé de un mètre à deux au-dessus du sol et de deux ou trois étages, pas davantage. Inutile, en effet, d’entasser des pierres les unes sur les autres jusqu’à des hauteurs invraisemblables, alors que le terrain ne coûte rien et que la terre est si grande. Au centre du carré se trouveront, en des constructions plus belles, les services généraux et des galeries intérieures ou extérieures permettant à tous les habitants de chaque habitat d’aller, à l’abri des intempéries, au cercle, à la salle de réunions, à l’économat ou à l’école ; des wagonnets électriques roulant le long de ces galeries assureront le service de distribution à domicile. Le grand charme de ces quartiers sera dans leurs parcs. Les jardins publics seront ainsi étroitement réunis aux habitations et on s’y promènera comme chez soi, en tenue d’intérieur, etc. Ainsi, avec des services généraux organisés de façon à ce qu’il se suffise à lui-même, quant aux nécessités courantes de la consommation, l’habitat apparaît à l’auteur comme devant concilier le maximum de communisme compatible avec notre mentalité et le maximum de liberté individuelle que l’on puisse désirer et mettre chaque citoyen dans une situation telle qu’il puisse, à son gré, ou se replier dans un isolement farouche ou goûter tous les charmes de la vie sociale la plus raffinée. » (Résumé emprunté à l’Encyclopédie socialiste).

Edward Bellamy, dans son évocation de « l’an 2.000 », dépeint avec couleur les habitations séduisantes, et enrichies d’un confort enfin socialisé, de la société transformée. Dans Travail, Zola envisage la disparition de toute conglomération d’habitations. Pour lui « dans le régime social futur, les villes auront une étendue considérable, car la maison à logements multiples de nos grandes villes aura disparu et seule existera l’habitation servant à une unique famille, enfouie dans un jardin qui la séparera de toute autre habitation. Si la liberté individuelle trouve mieux son compte dans cette conception » (ajoutons que « la vie de famille » se sera, comme la famille elle-même, sans doute profondément modifiée) « rien n’empêcherait d’ailleurs le citoyen épris de sociabilité et tenant au commerce quotidien de ses semblables, de donner satisfaction à ses goûts, car, pour être prévus moins nombreux, moins à la portée de la main, les services généraux imaginés par Zola n’en sont pas moins accessibles et n’en sont que plus grandioses »… (Encycl. social.)

Nos cités de l’avenir — si l’appellation de cité con-