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vient encore à leur physionomie — cesseront de dresser des gratte-ciels de multiples étages sur des rues de corridor. « Il nous sert peu, dit le Dr  Bridou, d’accélérer nos moyens de communication, si nous continuons à nous entasser stupidement comme les cloportes sous des masses ténébreuses de moellons ». Les constructeurs futurs feront litière, nous l’espérons, de l’absurde faculté de « bâtir à toutes les hauteurs, en masquant la lumière aux malheureux qui logent en bas ou en arrière de ces bâtisses ». Ils feront aussi généreuse que possible la part du soleil afin que tous aient accès à ses caresses et à ses pénétrations bienfaisantes. Ils sauront qu’il « doit égayer chaque logis familial pour en écarter à la fois la tristesse, la laideur et les autres maladies dont nous cherchons à réduire les méfaits trop coutumiers ». Ils ne sépareront pas d’ailleurs la préoccupation du logement des conditions générales de la vie. Ils les associeront harmonieusement en vue de l’essor vers le maximum de satisfactions. Pénétrés de « l’indivision foncière de tous les éléments qui contribuent au progrès civilisateur des sociétés », ils se garderont d’oublier que « quand on sépare l’hygiène physique de l’esthétisme et de la moralité sociale, on dissocie le développement de l’existence humaine… »

Bref, nous verrons (nous en caressons l’espoir) les cités décongestionnées et les avantages de la ville, grâce aux communications rapides du temps, les possibilités accrues de pénétration et une organisation enfin rationnelle de la répartition, transportées jusqu’au fond des campagnes. Puisse le bruit, qui fait si souvent cortège aux inventions modernes et ponctue désagréablement les avances de la civilisation, ne pas rendre illusoires — pour ceux qui l’aimeront encore — toute possibilité de retraite et de recueillement, et la nature conserver quelques-uns de ses charmes primitifs et profonds… Il est à présumer que « la plupart des ateliers et fabriques installés sur des emplacements trop exigus, dans les grandes villes, se dissémineront à travers le pays et seront établis un peu partout dans les communes rurales et dans les conditions les plus parfaites pour que le travail y soit commode, agréable et sain et l’activité industrielle proprement dite se réunira ainsi à celle des agriculteurs, qui, d’ailleurs, s’industrialise chaque jour davantage…

Ainsi, la vie à la campagne, en gardant ses avantages propres, acquerra ceux jusque-là réservés aux grandes villes, sans en prendre les inconvénients ; car bientôt seront transportées à la campagne toutes les choses nécessaires à l’état de civilisation auquel la population urbaine est habituée : les musées, les théâtres, les salles de concert » (les émissions radioélectriques porteront demain, au domicile privé de chacun, grâce à la téléphoto et au film sonore, le cinéma parlant, et ressusciteront le charme des spectacles et des auditions vécues) « les cabinets de lecture, les établissements d’instruction, les lieux de récréation, etc., sans compter que la multiplication des moyens de transport en commun et leur gratuité, donneraient toute facilité à l’habitant de la campagne de venir pour ainsi dire autant qu’il le désirerait, participer aux amusements et distractions plus nombreux que la ville pourrait encore offrir » (Encycl. social.)

Encore une fois, les modalités de l’habitation future et sa situation seront fixées, en leur temps, par les générations intéressées et en accord avec les mœurs et les ressources d’alors. Et nos recherches et les projets que nous pouvons faire à cet égard seront regardés peut-être par nos descendants comme un dessin désuet ou des injonctions utopiques. Ils peuvent y trouver, cependant, de profitables suggestions… Mais, à moins que la chimie biologique ne bouleverse nos données actuelles sur les milieux et les éléments organiques ou que d’ingé-

nieuses découvertes ne permettent, d’ici là, de régénérer pour ainsi dire spontanément nos tissus menacés et ne rendent caduques nos connaissances et nos précautions d’hygiène, il est des considérations primordiales qui devront guider l’homme de l’avenir dans l’établissement de ses locaux de séjour, dans ses ateliers comme dans ses maisons de repos : c’est qu’il doit fournir incessamment à ses poumons un air aussi pur que possible, et pour cela éloigner de ses habitats les gaz toxiques et les microbes qui s’accumulent ou se développent dans une atmosphère confinée et soustraite, par surcroît, à l’action des rayons solaires. Et c’est que la recherche du bien-être et la protection contre le froid ne peuvent le dispenser de maintenir son corps en état de résistance par un entraînement et une activité appropriés…

Des mesures générales favoriseront la réunion de ces conditions : ne pas accoler les maisons les unes aux autres et surtout ne pas placer à proximité des habitations les établissements industriels qui répandent dans l’air des émanations dangereuses… Entourer toute habitation humaine d’une étendue suffisante de terrain couvert de végétation qui l’isole de sa voisine. Non pas seulement l’éloigner des usines, tenir celles-ci à l’écart des régions habitées, mais obtenir que l’industrie brûle ou neutralise complètement les sous-produits, de façon à ne laisser sortir sous forme de gaz ou de liquides, que des produits non dangereux… Les situer à la campagne ne suffit pas ; il faut que les maisons aient des chambres vastes et lumineuses et que le souci d’y entretenir, l’hiver, une tiédeur confortable n’incite pas à leur conserver une herméticité dangereuse. Ne pas emprisonner l’humidité dans ses murs et, surtout, empêcher qu’elle y pénètre…

Voici les grandes lignes d’un plan d’habitation saine établi par Michel Petit : « Orientation à l’Est ou au Midi dans nos régions (en attendant que les maisons sur pivot se présentent à leur gré au soleil). Construction de la maison de façon à n’avoir, autant que possible, d’ouvertures que sur une face ; si la maison offre un grand et un petit côté, sur deux faces, si elle est carrée ou, ce qui est préférable, si elle est bâtie en équerre. Qu’il y ait une ou deux façades, exposées comme il est dit, ces façades doivent être, en tous cas, presque entièrement vitrées sur toute leur hauteur et leur largeur. »

« Mais il n’est pas nécessaire que tous ces vitrages soient mobiles. Ils sont destinés à laisser pénétrer le soleil beaucoup plus qu’à l’aération. C’est pourquoi, dans une grande fenêtre, il suffit qu’une portion puisse s’ouvrir… L’aération continue peut se faire par divers procédés qui en reviennent tous, comme principe, à des prises d’air établies en différents points de la façade de l’habitation et à des tuyaux de sortie de cet air établis au sommet de la maison, en sorte que l’air extérieur pénètre constamment et que l’air usé soit constamment évacué, et cela sans procurer de courant d’air froid. On évite cet inconvénient en faisant passer l’air extérieur entre deux cloisons et, en hiver, au contact d’un tuyau rempli de vapeur d’eau à basse pression, avant qu’il pénètre dans les appartements. Il y a bien d’autres moyens, je me borne à signaler celui-là pour montrer que la difficulté peut être résolue. »

« Dans l’aménagement intérieur de l’habitation, il y a de grandes lois à observer. Établir le moins de petites pièces possible ; n’encombrer les pièces que le moins possible, et supprimer totalement tapis, rideaux, tentures, meubles couverts en étoffe surtout des pièces où l’on se couche. Comme type de maison je proposerais une grande pièce, comprenant à elle seule presque la moitié de l’habitation, et dans laquelle les habitants passent leurs journées : c’est la pièce où l’on vit. Elle s’ouvre directement, ou par un court vestibule, au dehors et