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Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 2.djvu/728

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LOY
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non possédants ; ceux-ci, pour pouvoir seulement subsister, doivent lutter aussi sans un instant de répit contre les exigences du maître toujours et nécessairement insatiable, d’où un état d’instabilité permanent, de drames affreux, de douleurs sans cesse renouvelées, où succombe le plus faible, souvent le meilleur. L’homme est un loup pour l’homme ! Pour que l’homme s’élève à son expression véritable d’homme, il faut qu’il renonce à dominer ses pareils et qu’au lieu de chercher à les assujettir à son autorité, il leur tende une main solidaire.

Loup : demi-masque de velours ou satin noir, que mettaient autrefois les dames lorsqu’elles sortaient et qu’on met encore aujourd’hui au bal masqué, en temps de carnaval. — Faute, erreur dans un travail. Agglomération de matière mal fondue qui se forme dans le minerai en fusion. — Constellation australe, comprenant 51 étoiles ; certaines se voient à l’ouest et au-dessous du Scorpion. — A. Lapeyre.


LOYAUTÉ n. f. Franchise, bonne foi, fidélité à ce que l’on a librement promis, voilà les éléments dont est faite la loyauté. C’est assez dire qu’elle tient peu de place dans notre société où le mensonge, la fourberie, le faux-semblant règnent en maîtres. Masque trompeur qui, sous une illusoire bienveillance cache souvent de très noirs desseins, la politesse n’est qu’un ensemble de formules consacrées, de gestes rituels vides de tout sens profond. A la sympathie qu’affirment les lèvres, le cœur ne souscrit pas ; la fraternité des attitudes contredit la froideur des sentiments. Le système pédagogique, en usage dans nos écoles, incite d’ailleurs l’enfant à tromper les autres avec impudence ; car distancer les concurrents, voilà l’essentiel, bien faire reste accessoire. Aussi de quelles fourberies l’élève devient-il capable, lorsqu’il s’agit d’être premier ou dans un bon rang : copiage discret sur des notes microscopiques, faux renseignements glissés au voisin, insidieuses démarches pour connaître d’avance les sujets de composition. Savants, artistes, écrivains donnent l’exemple. Certaines sommités secrètent la jalousie comme l’abeille distille le miel ; seules leurs idées sont bonnes et malheur au téméraire qui se permet d’en douter. On prodiguera les insinuations malveillantes, quand il s’agira d’un égal, et l’on n’hésitera pas à briser sa carrière si l’on est en présence d’un inférieur ; puis tous les détenteurs de prébendes officielles se dresseront sournoisement contre le jeune dont ils devinent le talent. Dans les salons mondains, potins, cancans, intrigues sont monnaie courante ; devant la personne, on multiplie politesses et mots flatteurs, à peine s’éloigne-t-elle que chacun daube férocement sur son dos. Alors pleuvent les allusions perfides, les coups sournois ; dans ces luttes au poignard certaines femmes excellent. « Cérémonies religieuses, soirées de bienfaisance servent de prétexte à des rendez-vous galants ; et les quêtes charitables concèdent aux demoiselles le droit de mettre en relief nichons et mollets. Aux jeunes mâles liberté totale de faire la noce en lutinant les femmes ; mais des vieux l’on exige que, en bons soutiens de l’ordre, ils cachent leurs débordements, car le peuple trop simpliste ne comprendrait pas. Pour jouer un rôle politique, il suffira qu’à leurs anciens vices ils joignent l’hypocrisie ; presse, église, haute administration, dont leur caste s’assure la complicité, se chargeront de les travestir en vertueux citoyens. » (Le Règne de l’Envie). La franchise brutale du peuple est préférable. Chez lui disparaît ce vernis des convenances qui, sous des apparences honnêtes, dissimule les pires dépravations. Pour cacher ses amours aux regards indiscrets, il ne dispose ni d’hôtels confortables ni de jardins soigneusement clos ; et ses ribotes, tapageuses comme l’auberge où elles s’étalent, ne peuvent prétendre au silence tarifé des boites où le champagne coule

à flots. Par la crudité d’un langage étranger à l’art de feindre, il offense la pudeur de belles dames, indignées dès qu’on veut traduire en paroles ce qu’elles accomplissent si volontiers en action. Du moins les humbles ne connaissent pas les calculs hypocrites de la dévote ou de l’homme politique ; dans l’ensemble, il y a chez eux plus de loyauté vraie que chez les riches ; les intellectuels et les gens d’église. Cependant qui ne déplore de rencontrer parfois dans les milieux d’avant-garde, une discordance fâcheuse entre les déclarations doctrinales et la façon de se comporter pratiquement ? Quelle force obtiendrait le mouvement de libération, entrepris par ceux qui l’acceptent et être « ni maîtres, ni esclaves », s’ils joignaient toujours l’exemple à l’enseignement ! C’est à leurs procédés charitables, autant qu’à leurs croyances, que les premiers chrétiens durent de triompher des persécutions de la Rome impériale. N’avons-nous pas, comme eux, à lutter contre toutes les puissances humaines coalisées ? Aux buissons épineux du chemin, aux durs cailloux de la route, ne laissons-nous pas des lambeaux de notre chair ? N’est-ce pas à des traces sanglantes, que se reconnaît le passage des meilleurs de nos frères ? Hélas ! Pourquoi faut-il que les embûches soient tendues, parfois, par ceux-là mêmes qui se disent nos amis ; pourquoi faut-il qu’aucune main ne s’offre pour soutenir le voyageur qui tombe épuisé ? Alors surtout que nos doctrines ont cet avantage sur beaucoup d’autres de n’exiger aucune révolution générale, aucune transformation de la société actuelle pour pouvoir être vécues, du moins par quelques-uns, ceux, encore rares, qui les comprennent. « Lorsqu’elles s’accompagnent de sincérité, les plus graves divergences d’idées s’harmonisent aisément dans une mutuelle et respectueuse estime ». Pour une doctrine, pour un mouvement, l’absence de discussions serait, non un signe de vitalité, mais la preuve d’un dangereux arrêt. Toute marche en avant demande que l’on secoue le poids des conceptions qui paralysent, que l’on brise la chaîne des traditions qui rivent au passé. Mais pourquoi supposer que recherches et discussions sont exclusives de l’esprit de fraternité ? « L’humble savoir de la raison a définitivement vaincu l’orgueilleuse prétention des dogmes immuables : énoncer des vérités définitives n’est qu’une preuve de vanité ou d’ignorance ». Le jour où les milieux d’avant-garde opposeraient l’exemple de leur loyauté à la fourberie ambiante, où pratiquement ils réaliseraient, autant qu’il est possible à l’époque actuelle des foyers de libre fraternité humaine, ce jour-là le triomphe de leur idéal n’apparaîtrait plus aussi lointain. Par contre, quel mal font à l’idée ceux qui ne la soutiennent théoriquement que pour la contredire en fait ! — L. Barbedette.


LUCIDITÉ n. f. (de lucidus, lucide). Que la claire vue de l’esprit soit troublée, qu’un nuage l’obnubile, qu’un prisme déformant s’interpose entre ses yeux et le réel, voilà qui arrive aux cerveaux les plus sains. Dans un essai que je viens d’écrire, Par delà l’intérêt, j’ai voulu mettre en lumière combien nous sommes aveugles lorsqu’il s’agit de nous-mêmes, combien perspicaces à l’égard des vices ou travers d’autrui. Dupe de lui-même, de ses craintes, de ses désirs, l’homme se joue la comédie et par des raisonnements fallacieux, arrive à croire vrai ce qui est manifeste erreur. Vous supposez sans prétention à la beauté, cette malitorne bancale, rouge et borgne ? Dix fois par jour elle demande au miroir de la renseigner sur des charmes, jalousés fortement, elle le soupçonne du moins. Qui, dans son entourage n’a rencontré de ces éternels grincheux, dogues toujours prêts à mordre tyrans dans leurs maisons, sans cesse en dispute avec les voisins ? Ils s’indignent en observant qu’on les fuit, mais impossible de leur faire comprendre qu’ils