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qu’un simple reflexe déterminé par l’irritation du nez ou des yeux. Vers quatre ou six mois seulement les larmes de l’enfant peuvent provenir de la douleur morale.

Le sourire qui apparaît à la fin du premier mois est tout d’abord un reflexe ; la joie ne se manifeste pas avant le troisième mois ; enfin ce n’est qu’au bout de quatre ou cinq mois que l’enfant éprouve de la sympathie ou de l’antipathie.

Au moment de sa naissance l’enfant ne s’intéresse qu’à ses besoins organiques (besoin d’air, d’aliments, de chaleur, de repos, etc…) mais bien vite il éprouve le besoin de regarder, d’écouter, de tâter et jusqu’à six mois ce seront les intérêts perceptifs qui prédomineront. Ces intérêts continueront de se développer plus tard mais d’autres intérêts deviendront prépondérants à leur tour. Ce seront en premier lieu l’intérêt pour les mouvements que les petits associeront à leurs perceptions. L’enfant de six mois à deux ans s’intéresse surtout aux mouvements : il s’exerce à prendre, à commander à ses muscles, il apprend à marcher, etc… De deux à trois ans l’intérêt prédominant de l’enfant va au langage et le langage comprend aussi une acquisition motrice et le langage du jeune enfant est dans les débuts un mouvement d’un genre particulier, ce n’est qu’au bout d’un certain temps que l’enfant songe à l’utiliser comme moyen de communication de la pensée.

« La première période de la vie de l’enfant, s’étendant jusqu’à trois ans, est en somme occupée par l’acquisition des mouvements nécessaires à la mise en train des activités élémentaires de l’individu : préhension, marche, langage. L’enfant s’y intéresse presque exclusivement. L’acquisition des moyens d’action est le but final de ses mises en œuvre sensuelles, intellectuelles et affectives et on peut parler d’une période motrice vers l’âge de trois ans. C’est que le mouvement a une importance primordiale dans le développement de la vie psychique et qu’il constitue la base et le substratum de toutes les acquisitions ultérieures. Non seulement il peut seul assurer les réactions adéquates de l’individu, mais il pénètre toute notre vie représentative et affective, et même notre vie inconsciente… » (Dr Vermeylen.)

Rappelons une fois de plus que, par suite des grandes diversités individuelles, l’âge de trois ans n’est qu’approximatif.

Ajoutons que l’intérêt de l’enfant pour le mouvement se prolonge pendant toute l’enfance. D’abord l’enfant agit pour agir ; jusque vers cinq ans, nous le verrons ainsi traîner une brouette à cause du bruit qu’elle fait et de l’occasion de marcher ou de courir qu’elle lui procure. La satisfaction motrice passe avant tout : il coupe pour couper, frappe pour frapper, crie pour le plaisir de crier, etc… Il faut bien se garder de croire que tout cela est inutile, plus il agira, soit qu’il marche, coure, crie, frappe, coupe, déchire, etc… et plus il accumulera d’expériences personnelles. A force de voir certains actes provoquer certains effets, il utilisera ces actes dans le but d’obtenir les effets ou résultats correspondants ; il criera pour faire accourir sa mère, il traînera sa brouette pour porter plus commodément quelque chose, etc…

Après avoir agi instinctivement pour dépenser toute l’énergie qui est en lui, l’enfant agira avec réflexion en vue d’atteindre un but qui donne satisfaction à ses intérêts.

Conséquences pédagogiques. — La colère, la peur et tous les autres sentiments enfantins étant pour une large part le résultat d’une mauvaise santé physique, les parents doivent d’abord se soucier de leur rôle de procréateurs. Les enfants de parents malades, alcooliques, etc… sont les victimes de leurs parents. Après la naissance, les parents doivent continuer de s’efforcer

d’assurer à leurs enfants une bonne santé physique. Beaucoup ne savent pas donner à leurs enfants l’alimentation convenable et les soins d’hygiène les plus nécessaires. Cependant les livres de puériculture ne manquent pas et les parents ont le devoir d’étudier de tels ouvrages.

La santé physique n’est pas seulement nécessaire à la santé morale ; elle est encore indispensable au bon développement intellectuel. La pensée naît de l’action. Pour qu’un enfant devienne intelligent, il est nécessaire que, dans son jeune âge, il multiplie les mouvements qui lui permettront d’acquérir un riche trésor de perception et d’expériences.

Plus l’enfant fera d’efforts pour marcher, parler, tâter, frapper, etc., et plus cette application soutenue le préparera à réaliser certains buts. La première éducation de la volonté consiste à permettre et à favoriser cette activité enfantine qui ne résulte pas encore de la volonté, mais qui éveillera la volonté tout comme les premières paroles prononcées sans but de communiquer la pensée éveillent l’idée du langage volontaire.

Ainsi donc le premier souci des éducateurs doit aller à la santé physique de l’enfant nécessaire à son développement moral et intellectuel. Leur second souci devant être de permettre et de stimuler l’activité enfantine. Il est bon que les tout petits enfants soient remuants, bruyants, bavards.

Ceci ne suffit pas pour assurer à l’enfant un développement convenable. Comme nous l’avons vu, les parents devront agir par leur exemple, ils devront éviter un excès de faiblesse qui permettrait à certains enfants de devenir de petits tyrans, Il ne faut pas toujours prendre un enfant qui crie, car alors bien souvent l’enfant crie et pleure parce qu’il a constaté que ses cris le font enlever de son berceau ; d’autre part, il faut éviter un excès de sévérité ; il faut par exemple s’efforcer de reconnaître les cris qui proviennent de quelque souffrance.

Pour la santé physique et morale, il est nécessaire aussi d’assurer au petit enfant une vie aussi régulière que possible aussi bien en ce qui concerne les repos que pour les repas.

Enfin il faut au tout petit des règles simples et sans exception. Combien de parents, par exemple, qui, après avoir donné à leur enfant un vieux catalogue qu’ils l’ont vu déchirer en souriant, se fâchent et même donnent une fessée au bébé lorsque celui-ci agit de même façon avec un livre ou une brochure laissés à sa portée. Il faut que les parents apprennent à se placer au point de vue des petits. Pour bien des mamans, avoir des ciseaux et découper dans un vieux torchon c’est bien, découper de même dans un mouchoir c’est mal, mais en faire autant dans la robe de la grande sœur c’est si mal que ça mérite une correction. De même jeter du sable sur le plancher non balayé ne tire pas à conséquence ; mais le faire cinq minutes plus tard provoque des cris sinon des coups. Ainsi, dans tous les cas où l’action d’un enfant nous parait mauvaise, il est légitime que nous songions à éviter le retour d’actions semblables mais nous devons nous efforcer d’y parvenir à l’aide d’une meilleure compréhension de l’enfant souvent moins coupable que nous.



La seconde enfance (de 3 à 7 ans). L’enfant de trois à sept ans s’intéresse surtout au monde extérieur dont il s’efforce d’acquérir une connaissance concrète plus étendue. « Il devra, pour cela, faire un usage toujours plus large de ses fonctions d’acquisition : attention, mémoire, association, et de ses tendances éducatives : curiosité, observation, imitation » (Dr Vermeylen).

La curiosité de l’enfant qui se manifeste bien avant trois ans est d’abord instinctive et s’attache presque