bles systèmes philosophiques précédents, il va nous montrer par ses multiples contradictions et son insuffisance explicative évidente l’impuissance de la méthode subjective. En voici les principaux aspects :
« Le néo-criticisme admet la conscience comme fondement de l’existence ; la personne comme premier principe causal à l’égard du monde et pose la thèse métaphysique d’un premier commencement des phénomènes, à raison de l’impossibilité logique de leur rétrocession à l’infini. » « La liberté est la condition de possibilité de la morale et du devoir. La création est et doit être ainsi que le commencement hors de notre compréhension. »
Cela ne l’empêche nullement d’écrire ceci :
« L’hypothèse d’une création est plus intelligible, plus conforme à la logique que l’hypothèse d’une série infinie de phénomènes successifs sans origine. La nécessité qu’une cause soit toujours causée est contradictoire à la nécessité d’une première cause ; elle est réfutée si celle-ci est prouvé. »
Cette réfutation, nous dit Renouvier, est réalisée par le principe de contradiction que voici :
« Toute suite de chose nombrables, réelles et distinctes les unes des autres, forme une suite donnée et déterminée, qui ne peut être à la fois infinie et effectuée. Une somme de phénomènes, s’ils ont été réels et distincts, doit donc être une somme donnée et déterminée à ce moment, car une somme déterminée ne peut pas se composer de termes à l’infini. Les idées d’infinité et de sommation sont des idées mutuellement contradictoires. »
Donc pour Renouvier le monde a été créé, puisqu’il est un nombre et que tout nombre a un commencement. Il dit aussi : « L’inférieur et le privatif au commencement ne peuvent être la source du supérieur et du parfait qui leur sont irréductibles. » Pour ce philosophe le monde est composé de monades très diverses douées d’activité, de perception, d’appétition et réglées par une harmonie préétablie. Ces monades formaient à l’origine une sphère très homogène, de densité croissante de la circonférence au centre. Les humains étaient primitivement des êtres extraordinaires mais leur volonté disloqua cette homogénéité et créa des systèmes cosmiques séparés, tels les monarques se disputant la surface de la terre. Cette déchéance humaine prendra fin par la restauration du monde primitif, sorte de rédemption, dans lequel la pesanteur sera remise en place sous le gouvernement de la volonté. Il nous dit aussi : « L’anthropocentrisme est le point de vue moral de l’univers ». Partisan des actions à distance il repousse le système de l’impulsion mécanique, laissée, dit-il, sans explication et n’hésite pas à soutenir qu’on peut être sur le terrain de la logique en admettant les deux postulats indémontrables suivants : « Il n’y a pas d’argument capable de vaincre cette affirmation qu’une proposition dont les termes sont contradictoires pour notre entendement peut cependant être vraie en soi ; ou cette autre affirmation que l’existence d’une chose impossible à connaître et même à définir est cependant une chose réelle et certaine ».
Ces quelques extraits nous montrent les méfaits de la métaphysique et son impuissance même à conduire correctement les raisonnements abstraits. Sans nous arrêter à la sphère homogène, à la chute et la rédemption de l’humanité qui sont de pures et naïves fantaisies, le personnalisme enferme au moins six contradictions internes qui en détruisent les fondements : 1° il admet en même temps et l’incompréhension absolue de la création et son intelligibilité ; 2° il déclare irréductible le supérieur à l’inférieur et l’impossibilité d’évolution de l’inférieur au supérieur alors qu’il affirme l’évolution du supérieur à l’inférieur ; 3° même contradiction pour la perfection humaine primitive engendrant la déchéance présente, laquelle à son tour doit récréer la perfec-
Un philosophe contemporain, Bergson, a tenté un suprême effort pour donner la métaphysique de ses stagnantes contradictions. Comprenant les difficultés du spiritualisme pour expliquer les rapports de l’immatériel au matériel ; et croyant suppléer à l’insuffisance du matérialisme, qui ne peut, paraît-il, expliquer l’immatérialité de la conscience par la matière, il a essayé par de subtils raisonnements d’établir les propositions suivantes :
1° La matière est telle qu’elle nous apparaît ; 2° Le corps n’est que matière et ne peut penser ; 3° Les rapports de la matière et de l’esprit (ou conscience) inexplicables avec le matérialisme et le spiritualisme peuvent s’expliquer par l’extension des perceptions et leur contraction par l’esprit ; 4° L’étendu et l’inétendu, la qualité et la quantité sont réductibles par suite de cette contraction particulière des états de la matière par l’esprit ; 5° L’esprit est hors de l’espace.
Comme la matière, telle qu’on croit la connaître en pays métaphysique, ne peut paraît-il penser. Bergson nous dit :
« La vérité est qu’il y aurait un moyen, un seul de réfuter le matérialisme, ce serait d’établir que la matière est absolument comme elle paraît être. »
Voyons ses autres affirmations :
« J’appelle matière l’ensemble des images et perceptions de la matière. La matière est donc telle que nous l’apercevons et le cerveau, masse matérielle, ne peut que recevoir, inhiber ou transmettre du mouvement. La perception pure est le plus bas degré de l’esprit, l’esprit sans mémoire et fait partie de la matière telle que nous l’entendons. On peut même dire que la matière a une certaine mémoire. Si la matière ne se souvient pas du passé, c’est parce qu’elle répète le passé sans cesse, c’est parce que, soumise à la nécessité, elle déroule une série de moments dont chacun équivaut au précédent. Puisque la perception est tout l’essentiel de la matière et que tout le reste vient de la mémoire il faut que la mémoire soit une puissance absolument indépendante de la matière. »