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chaînes d’une légalité faite par les exploiteurs, les brutalités de la guerre, la division entre maîtres et esclaves. Avec leurs chapelets, leurs médailles, leurs prêtres, les Européens ne sont pas aussi éloignés qu’ils le pensent de la mentalité nègre ; ils n’ont pas le droit de rire des fétiches et des sorciers africains. Et le citoyen conscient. qui court aux urnes a souvent une âme plus servile que celle de l’habitant du Dahomey. Arrivée à son plein développement l’humanité rejettera tous les dieux et secouera toutes les chaînes. — L. B.


MAXIMALISME. Sous le nom de maximalisme, est désigné, en Russie, un courant d’idées socialistes révolutionnaires qui s’était fait jour au cours de la révolution de 1905-1906. Les partisans de ce courant d’idées, les maximalistes, rejetèrent le programme minimum du parti socialiste-révolutionnaire, se séparèrent de ce dernier et déclarèrent la nécessité de lutter immédiatement pour la réalisation du programme maximum, donc pour le socialisme intégral. Les maximalistes ne formèrent pas de parti politique : ils créèrent l’Union des socialistes-révolutionnaires-maximalistes. L’Union édita quelques brochures exposant son point de vue. Elle publia aussi quelques périodiques, de brève durée. Ses membres furent, d’ailleurs, peu nombreux. Elle développa toutefois une forte activité terroriste, prit part à toutes les luttes révolutionnaires, et fut assez connue. Plusieurs de ses membres périrent en véritables héros. Comme tous les autres courants d’idées autres que le bolchevisme, le maximalisme fut écrasé par ce dernier.

Par l’ensemble de leurs idées, les maximalistes se rapprochent beaucoup de l’anarchisme. Le maximalisme, en effet, est antimarxiste. Il nie l’utilité des partis politiques. Il critique violemment l’État, l’Autorité. Toutefois, il n’ose pas y renoncer immédiatement et complètement. Il croit indispensable de les conserver encore pour quelque temps jusqu’à leur disparition complète. En attendant, il propose la fondation d’une République Laborieuse où les principes d’État et d’Autorité seraient réduits au minimum. Le maintien « provisoire » de l’État et de l’Autorité sépare nettement le maximalisme de l’anarchisme.


MAZDÉISME n. m. (du zend mazdâo, grandement savant, omniscient). On ne sait dans quelle partie exacte de l’Iran, le mazdéisme ou zoroastrisme prit naissance. Ce fut sans doute dans une contrée particulièrement froide, puisque le soleil et le feu sont pour lui des divinités bienfaisantes, alors qu’il voit dans l’hiver une création diabolique. D’après la légende, cette religion aurait pour fondateur un prêtre, Zoroastre (Zarathustra), mède ou bactrien qui vécut vers 1100 avant l’ère chrétienne. Mais sur lui nous ne savons rien de positif et beaucoup d’historiens mettent son existence en doute. Ahura-Mazda ou Ormazd, le dieu bon, lui aurait dicté en personne le texte de l’Avesta. Cyrus connaissait déjà les préceptes de Zoroastre, puisqu’il s’est conformé à l’un d’eux en détournant le cours du Gyndanès pour retrouver le cadavre d’un cheval qui souillait les eaux. Darius, dans ses inscriptions, invoque Ahura-Mazda qui, pour lui, n’est pas le dieu unique, mais le plus grand des dieux. Jamais ce prince ne fait allusion à Angra-Mainyu, dieu du mal, l’Ahriman du persan moderne ; d’où l’on a parfois conclu, mais sans preuves, qu’il ignorait la dualité mazdéenne. Par contre, que la religion des Achéménides diffère sur plusieurs points de celle que pratiqueront plus tard les Sassanides, c’est ce que confirme la lecture d’Hérodote.

L’Avesta actuel, appelé encore Zendavesta, le livre sacré dès mazdéens, n’est qu’une minime partie de

l’ouvrage primitif. Adopté par les Sassanides, vers 230 de notre ère, il comprend des morceaux très anciens et d’autres beaucoup plus modernes. La mythologie de l’Iran et la légende de Zoroastre y voisinent avec des recettes pharmaceutiques, des hymnes en dialecte archaïque, des formules de prières. Tant d’inepties fourmillent d’un bout à l’autre que Voltaire déclarait : « On ne peut lire deux pages de l’abominable fatras attribué à ce Zoroastre sans avoir pitié de la nature humaine. Nostradamus et le médecin des urines sont des gens raisonnables en comparaison de cet énergumène. » Animisme et totémisme ont laissé, dans ce livre, des traces nombreuses ; animaux, plantes, éléments y sont personnifiés. D’innombrables prohibitions y sont annoncées dans un style alambiqué et prétentieux. À la demande de Zarathustra qui voulait connaître « l’acte le plus énergiquement mortel par lequel les mortels sacrifient aux démons », Athura-Mazdu, répondit : « C’est quand ici les hommes, se peignant et se taillant les cheveux ou se coupant les ongles, les laissent tomber dans des trous ou dans une crevasse. Alors, par cette faute aux rites, il sort de la terre des Daévas, des Khrafstas que l’on appelle des poux et qui dévorent le grain dans les greniers, les vêtements dans la garde-robe. Toi donc, ô Zarathustra, quand tu te peignes, ou te tailles les cheveux, ou que tu te coupes les ongles, tu les porteras à dix pas des fidèles, à vingt pas du feu ; à cinquante pas des faisceaux consacrés du baresmân. Et tu creuseras un trou profond et tu y déposeras tes cheveux en prononçant à haute voix ces paroles, etc. » Pourtant, de l’Avesta se dégage une leçon de justice, d’élévation morale, un désir de progrès et même un souci d’hygiène qui placent le mazdéisme au premier rang des religions orientales.

C’est dans la lutte du bien et du mal, d’Ahura-Mazria et d’Angra-Mainyu, que le Zoroastrisme résume l’essentiel de sa doctrine. Le premier, créateur du monde, est aidé dans sa tâche par six divinités principales, dont Straosha qui juge les âmes après la mort, et par des myriades de génies qui personnifient soit des abstractions morales, soit des forces de la nature. Mais sa puissance est limitée ; contre lui se dressent le dieu des ténèbres, Angra-Mainya, et l’armée de démons malfaisants qu’il dirige ; de ces derniers, six occupent une place prépondérante, les autres, les drujs, sont chargés de lutter à outrance contre les esprits créés par Ahura-Mazda. En nombre égal, bons et mauvais génies ont chacun un adversaire particulier qui entrave leur influence. Après de longs combats, Ahriman sera vaincu, grâce au secours que les prières et les sacrifices des hommes apportent au dieu bon, grâce aussi à Sraosha resté fidèle. Alors naîtra un Messie, Bahram-Amavand, qui ressuscitera les morts ; les justes seront séparés des pécheurs, dont la peine toutefois ne sera pas éternelle et qui, après une purification générale du monde, deviendront à leur tour des adorateurs d’Ormazd.

Toute souillure étant produite par un démon, les purifications jouent un rôle primordial dans le mazdéisme. Plusieurs sont d’une complication qui dut rendre leur observance difficile, même autrefois. Des peines corporelles sont exigées dans certains cas ; il faut 2.000 coups de verge pour racheter une offense Involontaire à la pureté. La destruction d’animaux néfastes rentre aussi parmi les pénitences imposées : « Il tuera 1.000 serpents, dit l’Avesta, il tuera 1.000 grenouilles de terre, 2.000 grenouilles d’eau ; il tuera 1.000 fourmis voleuses de grains et 2.000 de l’autre espèce. » Souiller la terre, l’eau ou le feu est un véritable crime. Pline l’Ancien raconte qu’un mage se refusait à naviguer pour ne point salir l’eau avec ses excréments ; et c’est pour n’avoir ni à brûler, ni à