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ensevelir le cadavre humain, chose impure par excellence, que les Parsis le donnent à manger aux vautours. Le repentir efface certaines fautes, mais il en est d’inexpiables ; des offrandes aux temples permettent de se racheter des pénitences corporelles.

Le sacerdoce est héréditaire, mais le fils d’un prêtre doit subir trois initiations successives avant d’être prêtre lui-même : la première, à l’âge de sept ans et demi, le fait entrer dans la communauté mazdéenne ; elle consiste en un bain rituel, suivi de l’imposition d’une camisole et d’une ceinture de laine, faite de soixante-douze fils entrelacés, que les Parsis portent sur eux constamment. Dans les temples, une chambre obscure abrite un feu éternel, dont l’entretien est minutieusement réglé ; pour ne le souiller ni par son attouchement ni par son haleine, le prêtre qui l’approche porte aux mains des gants et un voile devant la bouche. Des offrandes de viande, de lait, de fleurs, de fruits, de petits pains non levés ont lieu ; la plante liturgique par excellence est le haôma dont les feuilles jaunes sont douées de vertus surnaturelles. Sa cueillette, sur l’Elbruz, est faite par les prêtres, avec des faisceaux de baguettes sacrées appelées baresmân et suivant des rites invariables.

L’urine de bœuf, qui intervient dans certaines purifications, est douée pareillement de propriétés magiques. Dans l’ordre moral le mazdéisme prescrit la sincérité, l’amour du travail ; il condamne la contemplation stérile et l’ascétisme contraire à la nature. Un liquide extrait de l’haôma est versé par le prêtre dans la bouche et les oreilles du Parsi à l’agonie ; après la mort son cadavre est porté, à Bombay du moins, sur les fameuses tours du silence signalées par tous les voyageurs. Des oiseaux de proie viennent dévorer les chairs ; et les os qui restent sont jetés dans un puits central. Pour le mazdéen, le mariage consanguin est presque une obligation ; chaque homme ne doit avoir qu’une seule femme, néanmoins, si elle est stérile, il peut, avec sa permission expresse, en épouser une seconde.

Quand le dernier roi des Sassanides, Yezdigerd, dut s’enfuir, après des défaites répétées, devant l’envahisseur musulman, quelques zoroastriens suivirent Firouz, fils du roi, dans le Turkestan d’abord, puis en Chine. Un nombre beaucoup plus considérable gagna le Konhistan ; d’où, cent ans plus tard, leurs descendants partiront pour la ville d’Ormuzd sur le golfe Persique. Ils y séjourneront quinze ans, puis s’embarqueront pour l’Inde ; établis à Dia d’abord, ils s’installeront, dix-neuf ans plus tard, à Sandjan et ne tarderont pas à se répandre dans d’autres localités. Vainqueurs des musulmans qui s’avançaient du côté de l’Inde, ils seront, ensuite, irrémédiablement battus et tomberont dans une complète décadence. Au début du xviiie siècle, le sort des mazdéens restés en Perse était bien supérieur à celui de leurs frères émigrés dans l’Inde. Mais, depuis, la situation s’est modifiée : les sectateurs de Zoroastre forment à Bombay une colonie extrêmement florissante, alors qu’ils vivent misérablement dans leur pays d’origine. Toutefois ceux de l’Inde ont subi, au point de vue physique, une détérioration due au climat ; ceux de Perse, au contraire, forment une race plus belle et plus saine que la race musulmane qui les environne. Iraniens authentiques, ils ont évité le mélange de sang arabe, mongol et turc qui résulte des invasions successives. D’une religion qui jadis régna sur l’ensemble de la Perse, il ne subsiste, on le voit, que de rares représentants.

Une branche issue du mazdéisme devait jeter dans l’histoire un éclat particulier : nous voulons parler de la réforme manichéenne, opérée au iiie siècle de notre ère. Son fondateur Mani, ancien élève des mages, fut très mal reçu par eux ; après de nombreux voyages, il

finit, à l’âge de 60 ans, sur une croix, comme Jésus. Mais des disciples enthousiastes continuèrent de prêcher sa doctrine, dont l’idée dominante reste celle du combat entre le bien et le mal, la lumière et les ténèbres avec, en plus, des éléments empruntés tant au christianisme qu’au bouddhisme. Persécutés en Perse, les manichéens se répandirent vers l’Inde, le Turkestan, la Chine et aussi vers la Syrie et le nord de l’Afrique. Dioclétien, puis les empereurs chrétiens prirent de sévères mesures contre eux ; poursuivis d’une façon impitoyable par Justinien et ses successeurs, on les retrouve néanmoins en Arménie sous le nom de Pauliciens, du viie sièclee au xiie siècle, et en Thrace sous celui de Bogomiles, au xe sièclee et xie siècle. En France, ils donnèrent naissance, à la secte des Albigeois ou Cathares, exterminée si cruellement par ordre du pape Innocent III.

Gens fort paisibles, les manichéens furent calomniés et persécutés, par les clergés des Églises existantes, avec un acharnement qui n’était pas désintéressé. Leur doctrine, longuement combattue par saint Augustin, ne manquait ni de poésie, ni de grandeur. Pour eux, Dieu, l’esprit bon, résidait dans le monde de la lumière, avec ses émanations primitives ou éons, et Satan dans celui des ténèbres. Mais ce dernier rêve de conquérir les champs de la lumière éternelle ; pour défendre son royaume, Dieu suscita une émanation nouvelle, l’âme du monde, qui, assaillie par les puissances de la nuit, fut vaincue et mise en pièces. Avec ses débris, l’esprit divin, envoyé à son aide, fit le monde : soleil, lune, étoiles, en sont les parties les plus éthérées, animaux et objets sensibles les parties les plus matérielles. Dispersée dans chacun des atomes de notre univers, l’âme du monde se trouve donc comme emprisonnée ; elle doit lutter contre les entraves qui partout l’enchaînent. Souffrante, cette essence divine s’efforce vers la délivrance ; elle n’est autre que Jésus, messager de lumière, dont la naissance et la mort ne furent que de trompeuses apparences. Ce n’était point, pensaient les manichéens, pour répandre un sang qu’il n’avait pas que le Christ était venu sur la terre, mais pour apporter une vérité capable d’attirer les parties spirituelles égarées dans la matière. Dans l’homme, si l’âme était lumineuse le corps était obscur ; aussi est-ce à l’affranchissement de l’âme captive et à son ascension vers le soleil, séjour du Christ, qu’il importait de travailler durant la vie présente. Ici-bas on trouvait des pneumatiques ou parfaits, capables de se débarrasser de la chair et de se purifier dans la lumière ; ils formaient le clergé manichéen et s’abstenaient du mariage, de viande, de vin. Mais la masse des fidèles était composée de psychiques, passionnés, faibles quoique non mauvais, qui devaient recommencer une vie nouvelle dans d’autres corps. Au-dessous les hyliques, pécheurs incorrigibles, en puissance des démons, ne pouvaient espérer l’immortalité future. Ainsi, l’âme ordinaire avait à traverser plusieurs existences, soit dans d’autres hommes, soit dans des animaux ou même des plantes, avant de se réunir au principe divin ; c’était le dogme de la métempsycose, très répandu dans l’antiquité et que les théosophes continuent d’admettre aujourd’hui. La religion manichéenne était fort simple ; elle comportait des jeûnes, des prières, une sorte d’initiation donnée, en général, à l’article de la mort parce qu’elle assurait la remise des fautes passées. Sa morale se résumait dans les trois sceaux : sceau des lèvres, sceau des mains, sceau de la poitrine. Le premier avait pour but de fermer la bouche au blasphème et à toute nourriture animale ; le second portait défense de tuer les animaux et de cueillir les plantes, vrais soupiraux de la terre, dont les parfums et les exhalaisons sont des essences divines s’élevant vers le ciel ; le troisième fermait le cœur aux passions, le