Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 3.djvu/146

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
MEM
1490

à moi-même ce que je suis en réalité. Que je sois doué de la volonté indispensable, de la persévérance nécessaire, du discernement convenable pour accomplir mes desseins, et cela sans me laisser diminuer à mes propres yeux ‒ de l’intelligence efficace et de la ruse inévitable pour me procurer quotidiennement ma subsistance ‒ de la fermeté de résistance voulue pour ne rien livrer volontairement de soi-même au troupeau social ‒ du caractère qu’il faut pour traverser les heures difficiles sans me laisser entamer ou mutiler intérieurement. Que ma volonté s’accomplisse toujours et cela sans contrarier la volonté d’autrui et que, ne réclamant de comptes à personne, je ne me mette jamais dans le cas ‒ sauf contrat librement accepté ‒ d’être comptable à qui que ce soit ». ‒ E. Armand.


MÉDIUM (Voir magnétisme, métapsychie, spiritisme, suggestion, etc.)


MÊLÉE n. f. Combat ou les deux troupes sont mélangées dans le corps à corps. Ex. : se jeter au milieu de la mêlée. Dans le sens figuré et familier, se dit d’une vive, opiniâtre discussion entre plusieurs personnes. Lutte de paroles. Ex. : se tirer tant bien que mal de la mêlée. Quelle mêlée ! Se dit aussi d’un conflit quelconque : la mêlée des intérêts. La mêlée sociale : la bataille (quotidienne et qui revêt mille formes tour à tour insidieuses ou brutales) qui met aux prises les privilégiés de la fortune et les déshérités du sort, les riches et les pauvres, les puissants et les faibles, les patrons et les ouvriers, les maîtres et les gouvernés. Dans cette mêlée les masses populaires, jugulées par les lois, bernées par des habiles, divisées perfidement en partis hostiles, ont eu invariablement le dessous. Car elles n’ont su que s’en remettre à quelques malins bergers ‒ tyrans du lendemain ‒ du soin de réaliser en profit durable leurs victoires passagères.

Mêlée vient du mot latin pop. : misculare, mélanger, mettre ensemble deux ou plusieurs choses : mêler des grains. Se confondre avec : la Marne mêle ses eaux avec celle de la Seine. Mêler du fil, des écheveaux, les brouiller de telle sorte qu’on ne puisse pas aisément les dévider ou les séparer. Fig. : joindre : maintenant que vous mêlez vos regrets et vos larmes. Unir : mêler les affaires au plaisirs ; mêler la douceur à la sévérité. Mêler une serrure : fausser les gardes ou quelque ressort d’une serrure, en sorte que la clé ne puisse ouvrir. Mêler quelqu’un dans une accusation : l’y comprendre. Mêler quelqu’un dans des discours : parler de lui de manière à le compromettre ou à lui déplaire. Se mêler à la conversation : y prendre part.

Synonymes : mêler, mélanger. Mêler, c’est mettre ensemble, réunir plusieurs choses ; mélanger c’est combiner avec dessein et dans une certaine intention.

N.-B. ‒ Nous venons de voir que l’expression la mêlée désigne couramment les rencontres guerrières. Elle fut, tout au long de la dernière guerre, d’un emploi familier. Et elle s’offrit à la plume d’un Rolland pour son Appel aux hommes. Des camarades l’incorporèrent dans les titres des organes qu’ils lancèrent ou tentèrent de maintenir pendant la tourmente. Tels La Mêlée et Par delà la Mêlée qu’animèrent Pierre Chardon et Armand…

Dans la brève étude générale que nous avons consacrée à Manifeste, nous avons signalé Au-dessus de la Mêlée comme étant ‒ sur tous les manifestes conformistes de la « guerre du Droit » que l’aile d’une presse intéressée emportait à travers le monde ‒ le seul qui parvînt, malgré elle, jusqu’au grand public. Nous n’entendions pas fonder sur son éclat tout le mérite de ce cri, ni prétendre qu’il fut, parmi la lourde angoisse du carnage, le seul courageux anathème. D’autre réprobations surgirent, moins heureusement répercu-

tées, mais parfois plus encore audacieuses, et tout autant réconfortantes et dignes. Nous avons pensé qu’il convenait d’y revenir, de leur consacrer ici quelques lignes, non tant pour les nôtres qui savent, que pour tous ceux qui ‒ dans l’avenir surtout ‒ pourraient commettre la méprise de croire que seules s’élevèrent contre le fléau « les voix historiques ».

Maintes tentatives ‒ dont le silence hostile ou la répression étranglèrent la portée ‒ furent faites par les adversaires de la guerre. Par la parole, par le tract, militants obscurs ou notoires, individualités résolues, groupements clandestins se dressèrent, dans la carence générale, contre l’hécatombe sans nom, tentèrent de jeter quelque clarté dans les ténèbres sanglantes et de réveiller les masses aberrées. Des premiers, les anarchistes, avec les socialistes demeurés fidèles à leurs convictions, portèrent dans la foule quelques vérités nécessaires. Citons, pour exemple, les manifestes de Séb. Faure : Vers la Paix et La Trêve des Peuples, d’un ton plus hardi et plus net que celui de Rolland et qui l’ont précédé. Notre camarade persévéra d’ailleurs dans son opposition et il lançait, fin 1915, Ce qu’il faut dire, journal hebdomadaire harcelé par la censure et autour duquel se serraient les résistants et réfractaires à la guerre… Combien d’appels antiguerriers ‒ dans les conditions difficiles où ils durent s’élaborer et se répandre ‒ sont aujourd’hui oubliés, noyés qu’ils furent sous la vague de chauvinisme et les campagnes des « bourreurs » nationaux. ‒ Lanarque.


MÉLODRAME (Voir théâtre.)


MÉLOPÉE (Voir musique.)


MÉMOIRE (sa genèse, son évolution, sa culture). Si l’on excepte les mots techniques ou désignant quelque objet ou acte incomplexe, la plupart des termes du langage courant ont des acceptions multiples ou vagues, soit par l’effet des fluctuations de l’usage, soit en raison de la difficulté qu’il y a à délimiter le concept qu’ils expriment. Le mot mémoire est au nombre de ces derniers.

Quelle est l’essence, quelle est l’étendue des phénomènes que symbolise le vocable mémoire ?

Dans son sens le plus large, le mot mémoire exprime la persistance du passé dans le présent, « un effet consécutif d’événements disparus sur les phénomènes actuels ». (H. Piéron). Mais alors, il faut en doter les corps bruts. Auguste Comte a écrit : « La faculté de contracter de véritables habitudes, c’est-à-dire des dispositions fixes, d’après une suite suffisamment prolongée d’impressions uniformes, faculté qui semblait exclusivement appartenir aux êtres animés, n’est-elle pas aussi clairement indiquée, pour les appareils inorganiques eux-mêmes. » En vibrant, les instruments de musique acquièrent la propriété de vibrer davantage. L’usage les rend plus sonores. Or, nous dit le professeur Pierre Delbet : « L’habitude (voir ce mot) est une mémoire. On peut aussi bien dire inversement que la mémoire est une habitude. Il n’y a pas de différence entre les deux phénomènes. » C’est là l’opinion de beaucoup de physiologistes qui admettent une forme inorganique de la mémoire. « Qu’est-ce que la déformation de l’épine dorsale contractée, chez tant de jeunes enfants, à la suite d’une position vicieuse habituelle ? C’est tout simplement le signe extérieur, la preuve de la mémoire du rachis. » (Van Biervliet). Une mauvaise direction pédagogique déforme le corps comme l’esprit, Le magnétisme rémanent, les transformations moléculaires d’un métal sous l’influence de vibrations longtemps répétées, l’image photographique révélée longtemps après exposition sont évidemment le prolongement, dans les réactions présentes d’une action passée.