Aller au contenu

Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 3.djvu/169

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
MER
1513

que la loi établît l’égalité des droits du père et de la mère pour la tutelle et la direction des enfants. Actuellement, une mère ne peut pas autoriser sa fille à s’inscrire aux examens du baccalauréat ; elle ne peut pas l’autoriser à contracter un mariage que son cœur désire. Le père peut être violent, despote, alcoolique, malade, c’est lui qui détient tous les droits. Même disparu (si sa mort n’est pas enregistrée) il exerce encore son autorité. On peut être surpris qu’à notre époque il faille encore insister sur ce qu’une telle législation conserve de barbarie et de caducité.

— La mère, si justement appelée la gardienne du foyer, devrait avoir sa place marquée dans les institutions sociales où ses qualités particulières l’appellent. Pour tout ce qui touche l’éducation, la protection de l’enfance abandonnée, les œuvres de solidarité, la cause de la paix, les tâches de réconciliation humaine, son concours serait précieux, parce qu’elle y apporterait ces dons de clairvoyance et de sensibilité que la maternité lui confère. Le machinisme est l’ennemi de la mère parce qu’il lui fait perdre ces qualités essentielles de sa nature. Mais il n’en est plus de même en ce qui concerne les fonctions sociales. Une femme qui a été mère et éducatrice est devenue de ce fait un individu évolué, en pleine possession de toutes ses facultés. Quand sa tâche maternelle ne la réclame plus, la vie active de la femme est loin d’être terminée. C’est alors qu’elle deviendra, dans la société et la coopération humaine, une collaboratrice précieuse, mère encore, mère toujours, en apportant à la communauté les vertus qui firent d’elle la providence familiale. – Madeleine Vernet.

Voir aussi maternité, paternité (sentiment paternel), paix (point de vue éducatif et moral), etc.


MERCANTI s. m. du latin mercans, mercantis, marchand.

Marchand dans les bazars d’Orient et d’Afrique, ou à la suite des armées en campagne. Bas commerçant, profiteur de la guerre.

Ce mot n’était guère usité avant la guerre de 1914–1918 : il existait cependant l’esprit mercantile, c’est-à-dire l’amour excessif du gain. La guerre ayant désaxé le commerce puisque la consommation dépassait la production, les marchands de toutes catégories tant que durèrent les hostilités, alors que les hommes s’entretuaient et mouraient par millions, réalisaient des bénéfices inouïs, faisant des fortunes en quatre ou cinq ans.

L’acheteur, individu ou collectivité, était immanquablement détroussé par les marchands. Et ceux-ci s’attirèrent comme un qualificatif de mépris, celui de mercantis… Vengeance anodine qui n’empêchait pas les spéculateurs de perfectionner leurs agissements et d’étendre leur champ de rapine.

D’ailleurs, le commerce étant l’art de faire payer 6 francs ce qui en a coûté 4 et d’acheter 4 ce que l’on vendra 6, ne saurait « déchoir » parce que l’on a fait payer 6 ce qui ne coûtait que 2 francs. Il y a là seulement une question de proportion et d’appétit qui ne change rien an principe et souligne seulement davantage l’absurdité des échanges par voie mercantile. Ne vivons-nous pas à une époque où l’intermédiaire arrive toujours à tirer son épingle du jeu – une épingle d’or très souvent – tandis que le producteur se débat dans les difficultés et la gêne. Puisque le commerce est le vol autorisé, le mercanti n’est, après tout, qu’un commerçant un peu plus voleur que ses confrères.


MERCENAIRE adj. et subst. (du latin mercenarius, même sens, fait de merces, salaire). Qui se fait pour le gain, pour un salaire convenu : labeur mercenaire, occupations mercenaires. Les sociétés humaines, en détournant l’effort productif de ses voies droites et légi-

times, en l’assujettissant au service de la force, de la jouissance oisive et de l’ambition, en monopolisant ses fruits entre des mains privilégiées, ont fait du travail (voir ce mot) une tâche avilie et mercenaire. Elles en ont voilé le but naturel et tari les joies normales. L’équilibre est constamment faussé entre le quotient d’énergie exigé du producteur et la part qui lui revient des richesses obtenues.

Les conditions mercenaires dans lesquelles s’accomplit le labeur ont fini par en faire perdre de vue au plus grand nombre l’objet véritable. Le travail humain, écarté de sa ligne simple et logique, donne bien davantage l’impression d’un sacrifice incessant à quelque Moloch-Argent, entité insatiable, que d’une œuvre utilitaire rythmée aux exigences des besoins. Le gain, le salaire sont au premier plan du travail des masses laborieuses ; c’est vers eux que l’effort est tourné comme s’ils étaient son unique fin. La plupart des hommes en sont venus à ne plus regarder dans leur besogne autre chose que cet aboutissement ; plus d’activité qui ne soit monnayée : l’effort est tout entier mercenaire. Dépouillé de sa nécessité directe et de sa grandeur native, corrompu par une philosophie frelatée qui en « justifia » les déviations, il se traîne, lui aussi, parmi les mensonges conventionnels du social.



On appelle troupes mercenaires les troupes étrangères dont on achète le service ; cette qualité peut s’étendre aux troupes indigènes. Dès l’antiquité empires et républiques commerçantes de la Méditerranée, colonies phéniciennes, ioniennes, Athènes même, la république romaine enfin firent appel à des auxiliaires thraces, gaulois, asiatiques, celtibériens, etc. La Rome impériale, après avoir levé des légions sur les terres asservies par ses conquêtes, enrôla des mercenaires empruntés aux peuplades barbares riveraines. Jusqu’au moyen-âge d’ailleurs routiers et condottieri, brabançons et navarrais vinrent chercher solde auprès des maîtres des nations. Reîtres et lansquenets allemands, compagnies suisses passaient tour à tour des bannières des évêques ou des rois de France sous les pavillons des princes impériaux. Ces marchés de soldats s’étendirent, chez nous, jusqu’au seuil de la Révolution française sous forme de gardes attachés aux palais royaux. Tels les Suisses d’argent qui furent le rempart de la cour du dernier des Capets.

L’introduction de l’esprit démocratique dans la vie moderne a modifié le caractère des armées. Le xixe siècle a marqué une tendance toujours plus accentuée à répudier les armées de métier, les troupes vénales rendues suspectes d’ailleurs par quelques trahisons célèbres. Il leur a substitué les armées nationales, de souche évidemment populaire, les nobles se réservant les hauts grades et les bourgeois aisés s’achetant des remplaçants. Puis les républiques sont venues, proclamant l’obligation militaire générale, instituant le service dit obligatoire. Elles ont amené dans les casernes multipliées les différentes couches sociales, séparées néanmoins par le choix des armes, car cavalerie, artillerie, sont demeurées le refuge de l’aristocratie et de sa jeunesse fortunée, embrigadant quelques gars dociles des campagnes, l’infanterie ouvrant ses rangs aux contingents massifs de la ville et des champs.

Mais le développement de l’industrialisme a donné naissance à de fréquentes revendications collectives des travailleurs rassemblés dans les ateliers et les usines. Cessant par moment, d’ensemble, le travail, les salariés se sont mis en grève. Ces mouvements, parfois violents au point de donner des inquiétudes aux patrons, aux manufacturiers, ont provoqué, de la part des gouvernements, des meures « d’ordre ». Contre les ouvriers