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se de sitôt. Néanmoins des expériences ont déjà été faites en ce sens ; elles ont donné de bons résultats.

Pour le plus grand nombre des moralistes, le mérite demeure l’entité occulte des théologiens. En obéissant aux prêtres, en leur donnant beaucoup d’argent, le catholique s’imagine ainsi des mérites invisibles, des grâces célestes qui lui vaudront une éternité de bonheur. Mais comme beaucoup veulent une récompense dès ici bas, les gouvernements ont créé des titres, des médailles, des rubans pour les citoyens méritants. Il va sans dire que, par citoyen méritant, l’autorité entend, l’homme servile toujours disposé à obéir aux chefs ou l’esprit rusé qui dupe les autres et les exploite. On anoblissait avant la Révolution ; sous la République, les hommes politiques disposent de kilomètres de ruban rouge, vert ou violet. L’industriel, le financier, le négociant qui surent amasser une fortune, en volant selon le code, finissent en général dignitaires de la Légion d’honneur ; de même l’écrivain respectueux de la tradition et de l’ordre établi. On voit ce qu’il faut entendre par mérite au sens des autorités actuelles, c’est le comble de l’immoralité, le sacrifice de l’indépendance à des intérêts inavouables, la platitude devant les exploiteurs de l’humanité. Presse, écoles, églises, opinion ne reconnaissent et n’honorent naturellement que ce mérite-là.


MESURE n. f. (du latin mensura). Mesurer une grandeur, c’est la comparer à une grandeur de même espèce prise comme unité. Le but primitif, et encore le but principal de cette opération, est de procurer aux hommes les enseignements nécessaires à l’identification des objets dont ils parlent, dont ils font usage ou qu’ils échangent entre eux. Le nombre des qualités soumises à la mesure, la précision exigée de celle-ci, croissent avec le progrès des sociétés.

Du jour où l’homme ne vit plus seulement de chasse et d’élevage, mais cultive la terre, le besoin de mesures de longueur et de superficie se fait sentir. C’est dans la vallée du Nil et dans les contrées comparables comme fertilité que prit naissance la géométrie. Dès que se développa le commerce, d’autres mesures furent indispensables. Selon M. Martin, inspecteur des poids et mesures de Grande-Bretagne, c’est alors qu’il devint indispensable d’avoir une mesure de capacité permettant d’acheter ou de vendre des marchandises, céréales, boissons, etc. La nécessité des mesures de poids ne se fit sentir que beaucoup plus tard avec les progrès de la civilisation, quand les hommes commencèrent à faire des affaires avec les pays voisins, pour les métaux et autres matières qui ne peuvent s’échanger exactement à l’aide de mesures de capacité.

Pour que les unités de mesure pussent fournir en toutes, circonstances les données requises pour la reconnaissance des objets énoncés, il était utile que chacun des contractants les eût à sa disposition. Il est donc naturel que les dimensions du corps humain aient servi de base pour l’établissement des unités de longueur ; leur avantage c’était que chaque homme les possédait sur lui partout où il allait et que, quand il le fallait, la moyenne des mesures prises sur plusieurs individus, donnait l’unité avec assez d’exactitude pour l’époque.

« La mesure principale prise sur le corps humain se prêtait particulièrement à la subdivision. La longueur du pied était presque la sixième partie de la hauteur d’un homme ou de la distance d’une extrémité à l’autre des bras étendus. La distance du coude à l’extrémité des doigts (coudée égyptienne de six palmes) était environ une fois et demie la longueur du pied. La longueur de l’extrémité du pouce était environ la douzième partie du pied, et celle du poing fermé environ le tiers. Chacune de ces mesures pouvait être fixée avec autorité comme mesure étalon et les autres pouvaient s’y référer. »

L’unité de capacité elle-même, équivalente à la pinte en de nombreux pays, fut, sans doute basée sur les besoins du corps humain ; elle représentait, pense-t-on, la quantité de boisson nécessaire à un repas.

Dès que les sociétés furent mieux organisées, les étalons de mesure durent être définis avec plus de précision. Au British Museum, on conserve des poids du temps de Nabuchodonosor, poids portant la mention de garantie de membres du sacerdoce. À Rome, les poids étaient frappés au sceau de l’État.

De nos jours une convention du 20 mai 1875 oblige 28 États qui se sont entendus pour adopter comme unité de longueur une barre métallique dite mètre déposée au Bureau international des poids et mesures, au Pavillon de Breteuil. Chaque pays adhérent en possède une copie et, périodiquement, on vérifie par comparaison avec le prototype que la longueur de celle-ci n’a pas varié. La barre déposée au Bureau de Sèvres, représente, environ, la dix-millionième partie du quart du méridien terrestre. (Voir système métrique.)

Les comparaisons faites jusqu’ici ont montré qu’il était infiniment probable que la longueur de la barre-type n’avait subi, avec le temps, aucune modification. Cependant, comme nos connaissances physiques actuelles jettent quelque doute sur la pérennité de la matière, on a jugé prudent d’adjoindre aux étalons métalliques d’autres susceptibles de contrôler leur invariabilité. « La fixité, dans le temps, de l’unité métrique déjà bien assurée par les remarquables propriétés du platine iridié dont sont faits le prototype international et ses témoins, avait trouvé un premier contrôle dans la détermination du rapport des longueurs d’onde fondamentales au mètre. Le Comité International des Poids et Mesures a voulu, cependant, se prémunir encore contre les possibilités d’une variation ultérieure de ce rapport, et pour cela constituer un troisième terme de comparaison par l’établissement et la détermination d’étalons en quartz cristallisé, substance offrant toutes garanties de stabilité et d’inaltérabilité. » En fait, la longueur dé référence, au lieu d’être un objet matériel serait la longueur d’onde d’une lumière monochromatique, celle de la raie rouge du Cadmium.

Une fois définie l’unité de longueur, on a intérêt à en faire dériver toutes les autres. On constitue ainsi un système de mesures rationnelles, tel que notre système métrique, qui, depuis le développement de la science et de l’industrie, est complété par le système C. G. S. dont les unités sont : une unité de longueur, le centimètre ; une unité de masse, le gramme ; une unité de temps, la seconde.

Signalons que depuis une loi du 2 avril 1919, l’unité de force a été changée. Cette unité, le Sthène, est la force qui, en une seconde, communique à une masse égale à une tonne, un accroissement de vitesse de un mètre par seconde. Comme unité de force tolérée demeure le kilogramme-poids ou kilogramme force, force avec laquelle une masse de un kilogramme est attirée par la terre. Le kilogramme poids est pratiquement égal à 0.98 centisthène.



On dit quelquefois qu’il n’y a science que des choses mesurables. Cela serait vrai de la science parfaite, si elle était possible, mais non de la science qui se fait ; ou, si l’on veut, on doit reconnaître des degrés dans la mesure.

Toutes les grandeurs sont-elles mesurables, comparables a une autre de même espèce prise comme unité ? Nullement. Deux conditions sont indispensables. Pour qu’au nombre exprimant une mesure corresponde un caractère fixe et défini d’une grandeur, il convient que celle-ci soit, au préalable, analysée qualitativement et réduite à la simplicité.