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l’antiquité ont employé des outils de fer pour tailler la pierre de ces gigantesques monuments dont les siècles n’ont pas totalement effacé les traces, aussi bien que pour travailler la terre à laquelle ils demandaient leur subsistance, et surtout pour fabriquer des armes.

Une autre dispute met aux prises les savants préhistoriens. À savoir lequel des métaux fut le premier connu des hommes ? Autrement dit l’âge du bronze a-t-il précédé l’âge du fer ou lui fut-il postérieur ? Le choix, autant que l’affirmation, est difficile en pareille matière. Nous inclinons cependant à croire que la métallurgie du fer est antérieure à celle du bronze du fait que celui-ci, étant un alliage de cuivre et d’étain, deux métaux qui se trouvaient rarement dans les mêmes contrées, suppose une époque de navigation et de commerce très développée, ce qui n’était pas encore le cas. D’autre part le bronze n’a pas une résistance suffisante pour justifier la pérennité des monuments de l’antiquité. Il est par contre indéniable que le bronze ait eu les préférences des peuples primitifs pour certains usages en raison de son vif éclat, de son inoxydabilité à l’air et la facilité avec laquelle il se prête au moulage. Il fut certainement une des premières matières de troc entre les peuplades sous forme d’ornementations et d’objets à usage domestique.

Naturellement nous n’avons aucune notion de la technique métallurgique des peuples de l’antiquité, mais tout nous laisse supposer que son évolution fut très lente et que ses procédés ne différaient guère de ceux dont le moyen âge nous a laissé la trace. À cette époque le minerai était réduit dans des foyers de bois, à proximité des forêts, celles-ci fournissant le combustible des foyers et des forges installés tout près. Il se conçoit aisément qu’avec cette méthode la production était bien faible et que seuls les minerais riches en teneur de fer pouvaient être traités.

Ce n’est qu’au xive siècle qu’apparut en Allemagne l’appareil qui, en se perfectionnant à travers les siècles, devait devenir le haut-fourneau que nous connaissons aujourd’hui. Le stückofer, c’était le nom de l’appareil, n’était autre chose que l’ancien foyer recouvert d’une cuve de 3 à 4 mètres, par le haut de laquelle on introduisait les minerais et le charbon de bois afin qu’ils s’échauffassent progressivement avant d’arriver au cœur du foyer. Sa première utilité fut d’économiser du combustible, mais l’observation révéla qu’en activant le foyer par l’envoi plus rapide d’une quantité d’air supérieure, on obtenait un métal fondu en place de la traditionnelle loupe pâteuse qu’il fallait pétrir à la forge pour la débarrasser partiellement de ses scories, Le stückofer s’adapta à ce nouveau procédé et ainsi naquit la fonte propre au moulage, et avec elle l’artillerie et les boulets de fonte.

La méthode allemande se répandit rapidement dans son pays d’origine d’abord et ensuite en Angleterre, sans déranger toutefois la métallurgie des régions forestières où elle était établie, son combustible continuant à être le charbon de bois. Ce n’est que vers 1730 qu’en Angleterre on imagina de carboniser la houille pour la transformer en coke, nouvel aliment du haut-fourneau. La métallurgie du continent fut longue à faire une place à ce nouvel arrivant et l’Angleterre resta longtemps seule à bénéficier de ses avantages. La métallurgie conserva cependant l’usage du charbon de bois pour l’affinage.

Mais c’est surtout à la fin du xviiie siècle que nous découvrons les origines de la métallurgie moderne. Les perfectionnements apportés à la machine à vapeur et sa généralisation dans toutes les industries furent pour la métallurgie d’une importance capitale. Jusqu’alors elle avait été condamnée à la fabrication de pièces de dimensions réduites, faute d’avoir dans ses forges des organes propulseurs assez forts pour actionner de puis-

sants marteaux capables, par leur poids et leur pression, de forger des masses volumineuses. La machine à vapeur va permettre à la métallurgie de créer pour ses forges un outillage puissant qui comblera cette lacune. Ce progrès a une importance considérable, mais la machine à vapeur va faire plus fort et plus grand. En s’introduisant dans toutes les industries, elle va transformer les rapports des hommes entre eux au point que le xixe siècle présidera une révolution universelle autrement importante que celle de la fin du xviiie siècle. L’ère de la machine commence, et avec elle celle du capitalisme. Dans la production, l’homme passe au second plan, il cède sa place à la machine qui va créer un tel besoin de métal, que la métallurgie sera d’abord débordée. Mais devant ces besoins et ces débouchés nouveaux, qui sont considérables, les métallurgistes sont contraints de rechercher des perfectionnements toujours plus grands à leur technique, en un mot, il leur faut adapter leur production au marché nouveau qui se constitue.

L’anglais Cort va d’abord trouver le four à puddler qui permettra l’affinage à la houille. Puis il inventera le laminoir à cannelures à l’aide duquel les loupes de fer, à l’état pâteux, seront transformées en barres de toutes formes et de toutes dimensions beaucoup plus rapidement, et économiquement, que par le martelage.

En 1830, la métallurgie expérimente – et adopte – l’emploi de l’air chaud dans les hauts-fourneaux écossais. Cette pratique va permettre d’élever le haut-fourneau progressivement de 10 mètres à 20 mètres de hauteur, partant, la production passera de 15 à 50 tonnes par jour.

À cette époque, la métallurgie anglaise est encore bien avancée dans la voie du progrès par rapport aux autres métallurgies continentales. Ces dernières n’abandonneront le charbon de bois et l’air froid qu’aux environs de 1840, au moment où les chemins de fer et les navires en acier en faisant leur apparition, accroîtront encore la demande du métal, en même temps qu’ils transformeront les rapports jusque-là établis entre les diverses régions du monde. Ces nouveaux moyens de transports auront une grosse influence sur la métallurgie. Elle pourra, avec leur concours, envoyer ses produits dans un rayon plus étendu et concurrencer les usines restées réfractaires ou qui n’ont pu, pour des raisons multiples, s’adapter aux progrès de la technique. C’est alors que, sous la poussée des faits, se produit la concentration pour réaliser les conditions optima de production. Les régions forestières sont désertées au bénéfice des bassins houillers où, désormais, la métallurgie puisera l’une de ses principales matières premières : le charbon transformé en coke ; au bénéfice également des régions avoisinant les grandes voies maritimes ou fluviales.

À partir de ce moment la technique se développe prodigieusement. Le marteau-pilon fait son entrée dans la forge et en modifie le caractère. Il pèse d’abord 1 000 kilos, puis, progressivement, la hardiesse humaine ira jusqu’à construire et utiliser des piliers de cent mille kilos. Les laminoirs subissent toute une série de modifications, et les hauts-fourneaux acquièrent une capacité de production de 100 tonnes par jour.

La métallurgie connaîtra une nouvelle révolution dans sa technique lorsque, vers 1860, l’anglais Bessemer et le français Martin trouvent, presque simultanément, le moyen d’obtenir de l’acier par fusion. Auparavant, les frères Siemens, en Allemagne, avaient inventé un four permettant d’atteindre de très hautes températures. Cette invention facilita d’ailleurs les travaux de Martin.

L’acier, plus résistant que le fer, eut rapidement fait de remplacer celui-ci dans de multiples fabrications. C’est ainsi que le fer fut totalement éliminé de la fabrication des rails et des bandages, et partiellement dans la construction mécanique, les tôles de marine, etc. La première, l’Allemagne construisit ses canons en acier