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Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 3.djvu/184

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MET
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Les métamorphoses de certains polypes, semblables à des plantes, en méduses flottantes à forme de cloche munies de tentacules sont assez curieuses mais les plus extraordinaires transformations paraissent réalisées par les Sacculines, sorte de tout petits crustacés vivant en parasite sur le crabe vulgaire. À sa sortie de l’œuf l’être microscopique prend la forme larvaire d’un nauplius, c’est-à-dire un aspect ovale, transparent, avec un œil médian et trois paires de membres munis de filaments. Après quatre mues l’animal, enfermé dans une coquille bivalve semblable à une très petite moule, se fixe la nuit sous de tout petits crabes ; puis, en une cinquième mue, rejetant la plupart de ses organes, sauf les glandes sexuelles, il se change en une sorte de sac appelé kentrogou. En trois mues successives ce sac vivant enfonce une aiguille creuse à, travers la carapace du jeune crabe et par cet étroit canal les cellules informes pénètrent dans leur hôte et là, se développent sous formes de ramifications, envahissent totalement le crabe, depuis les pattes jusqu’aux yeux, mais respectant le cœur et les branchies.

Vivant de l’organisme même du crabe, la Sacculine n’a presque plus d’organe propre et se réduit à quelques muscles, des ganglions nerveux et des glandes sexuelles. L’accroissement du parasite devient tel qu’il perce la carapace de sa victime et fait une énorme saillie au dehors. C’est dans cette partie que se formeront les œufs, lesquels, à leur maturité, se détacheront et recommenceront le cycle des transformations.

Les découvertes ultérieures de la biologie éclaireront d’une façon plus précise le rôle des constituants chimiques de toute cellule et les conséquences morphologiques de leurs modifications créant non seulement les métamorphoses mais encore tous les phénomènes de la vie, y compris ceux de la sénilité et de la mort. ― Ixigrec.


MÉTAPHYSIQUE n. f. (du grec meta la phusika, Choses en dehors des choses physiques). Ce terme n’est pas toujours très nettement défini et maints penseurs lui ont donné un sens bien différent. Ainsi tandis que James affirme que : « La métaphysique n’est qu’un effort particulièrement obstiné pour penser d’une façon claire et consistante. » Sully Prudhomme dit : « Il n’y a de métaphysique dans l’être que l’inconcevable. La métaphysique commence où la clarté finit. » Ce même penseur dit aussi : « Est métaphysique toute donnée reconnue inaccessible soit au sens, soit à la conscience, soit à l’observation interne, soit à l’observation externe. Cette règle assigne du même coup leur objet aux sciences positives : une science n’est positive qu’à la condition de ne viser que des rapports. »

L’origine du terme paraît provenir du classement effectué par Aristote de ses ouvrages, dans lequel la partie abstractive ne venait qu’après les traités de physique ; mais le terme lui-même, créé par Andronicas de Rhodes qui recueillit les œuvres d’Aristote, n’apparaît qu’ultérieurement dans Plutarque, et n’est formulé en un seul mot que vers le moyen âge, par les grammairiens du temps.

La partie des ouvrages d’Aristote ainsi désignée recherche les principes et les causes premières et comprend la connaissance des choses divines. C’est la conception moyenâgeuse. Kant entendait la métaphysique comme une faculté transcendantale d’établir, à l’aide de principes et des connaissances synthétiques à priori, des propositions synthétiques dépassant le cadre de l’expérience. Pour saint Thomas d’Aquin la métaphysique était la science du surnaturel. Pour Descartes et Malebranche elle s’opposait au spatial et au sensible. Schopenhauer s’exprime ainsi : « Par métaphysique j’entends toute connaissance qui se présente comme dépassant la possibilité de l’expérience. » Dans la grande Encyclopédie, il est dit : « La métaphysique est la science des

raisons des choses. Tout a sa métaphysique et sa pratique. » Paul Janet la définit : « La science des premiers principes et des premières causes et la recherche dus rapports du sujet et de l’objet, de la pensée et de l’être. » Ch. Dumas va plus loin : « Poser quelque chose soit comme existence, soit comme une vérité, c’est selon moi faire de la métaphysique. » Celle-ci, pour Bergson, est « le moyen de posséder une réalité absolument, intuitivement, sans traductions aux représentations symboliques ». Fouillée lui donne ce sens : « Connaissance du réel par l’analyse réflexive et critique aussi radicale que possible, et par la synthèse, aussi intégrale que possible de l’expérience, notamment de l’expérience intérieure, fondement et condition de toute autre. » Le Dantec précise également le rôle de la métaphysique : « Je considère comme ressortissant à la métaphysique toute opinion dont la vérification expérimentale est sûrement impossible. »

De ces quelques citations nous pouvons conclure que la métaphysique peut se ramener au moins à deux concepts ; l’un qui comprend l’étude de toutes les choses invérifiables expérimentalement et partant entièrement issues de notre imagination : c’est la métaphysique péripatéticienne et théologique ; l’autre qui relie des faits sensuels connus et expérimentés et par déduction conduit à la connaissance et la compréhension de faits nouveaux par le seul usage de l’intuition. C’est la conception de Fouillée mais il est clair qu’ici il y a confusion entre l’hypothèse scientifique et l’invention métaphysique. Le Dantec dans son ouvrage : « Contre la métaphysique », a nettement démontré la différence considérable qui sépare la métaphysique de la solide et constructive logique déductive appliquée aux expériences scientifiques. Il est évident que la connaissance, dans son fait le plus essentiel, ne signifie pas uniquement documentation, ni accumulation d’expériences, mais encore et surtout utilisation de ces données pour connaître, à priori, tout phénomène à venir, prévoir l’évolution ultérieure des faits, relier entre eux des effets à leurs causes, trouver l’enchaînement et le développement des choses affectant notre sensibilité.

L’homme façonné par les faits depuis des milliers de siècles porte dans sa structure cérébrale l’empreinte de leur évolution dans le temps et dans l’espace et sa logique n’est que l’ordre même de ces faits, leurs relations entre eux, leur alternance, leur succession, leur durée, etc., etc. Cette perception sensuelle et partielle du monde appliquée à la connaissance générale du monde sensuel peut conduire à des résultats toujours vérifiables puisque cela reste dans le domaine du sensuel. Ainsi donc le raisonnement intuitif quittant l’expérience directe mais s’appuyant sur elle au point de départ peut diriger nos recherches, leur donner un sens précis et sous forme d’hypothèses et de calculs, nous faire découvrir des vérités que l’expérience vérifiera plus tard.

L’astronomie et la physique nous donnent quantité d’exemples de découvertes de cette nature. Kepler trouva par ses calculs sur les planètes, un hiatus entre Mars et Jupiter et ce ne fut que deux siècles plus tard que Piazza découvrit le premier des astéroïdes : Cérès, circulant entre ces deux astres. Leverrier, partant d’un fait positif : les perturbations d’Uranus, entreprit par le calcul la découverte de l’astre causant ces perturbations, en indiqua le lieu précis et l’astronome Gall, de Berlin, le trouva en effet au point désigné. Ce qui montre la valeur du raisonnement et de la logique humaines, c’est qu’en même temps que Leverrier, un autre savant, l’astronome Adam, parvenait en Angleterre au même résultat, tout en ignorant les travaux de son collègue.

L’exemple le plus récent de la sûreté du raisonnement intuitif nous a été donné par Einstein au sujet de la pesanteur de la lumière déviée par les astres, phéno-