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Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 3.djvu/185

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MET
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mène constaté plusieurs fois depuis, lors de certaines éclipses demeurées célèbres.

L’étendue de notre faculté intuitive est apparemment très vaste et peut nous faire espérer de prodigieuses découvertes sur le mécanisme même de l’univers, et en particulier celui des êtres vivants. Si l’astronomie, la physique, la chimie nous révèlent quelque jour la constitution intime des corps, la biologie peut, sous les efforts géniaux de l’intuition humaine, atteindre la connaissance réelle du phénomène vital et triompher peut-être de la maladie, de l’usure et de la sénilité.

Par son intelligence et sa connaissance de la nature l’homme peut espérer vaincre les forces de l’univers, les asservir à ses fins, augmenter sa durée et sa sécurité.



La véritable métaphysique ne poursuit point de tels buts. Si la nécessité de prévoir, d’imaginer l’inconnu, de rechercher les causes a créé tardivement la déduction scientifique, notre imagination et notre curiosité spéculative, fruits de ce fonctionnement cérébral, nous ont déterminé à rechercher le pourquoi des choses en vertu de cet anthropomorphisme primitif qui attribue une volonté d’agir à, tout objet.

Le raisonnement scientifique recherche le comment, parce qu’il est, dans son essence même, orienté vers le déterminisme mécanique. La métaphysique recherche le pourquoi des choses parce qu’elle est entièrement dominée par l’idée anthropomorphique d’une volonté dirigeant toute chose, dont il faut deviner la raison agissante sinon les caprices. C’est ainsi que la recherche du commencement absolu des choses, de leur raison d’être, de la cause première sont essentiellement des attributions de la conscience humaine étendue à l’objectif.

L’homme croit, consciemment, produire des commencements absolus par sa volonté et n’être déterminé par rien d’autre que sa raison pure comme le croyait Kant. Il s’imagine être une cause première, une chose en soi, un noumène agissant sur l’objectif ou phénomène.

Puisque, par sa volonté toute puissante, il crée, anime, meut ou détruit ce qui est à son échelle, il suppose qu’à l’échelle universelle un être infiniment plus puissant crée et anime également cet univers. Il est compréhensible que la suppression du pourquoi anthropomorphique supprime radicalement la raison d’être de l’univers au point de vue humain et partant toute divinité, tout but volontaire, tout commencement, toute évolution intentionnelle du cosmos.

Mais il reste d’autres questions qu’il paraît difficile au premier abord de classer soit dans la métaphysique, soit dans l’investigation scientifique. Ce sont les questions concernant la nature et l’essence des choses : matière, énergie, mouvement, étendue, conscience, durée, etc., etc. Pour limiter ici le terrain de la métaphysique et celui de la science il suffit de s’en tenir aux définitions de Le Dantec et de Schopenhauer sur ces deux aspects de la pensée humaine. Par cette méthode nous voyons que tant que les explications sont susceptibles d’expériences et de démonstrations, nous restons dans le domaine sensuel et scientifique. Dès que les explications dépassent l’expérience, et, par leur nature extra-sensuelle, s’opposent à toute vérification possible, nous faisons de la métaphysique.

Notre connaissance étant essentiellement sensuelle, toutes nos explications ou hypothèses scientifiques devront relier des faits entre eux, établir des rapports, des rapprochements, des liaisons, des ressemblances de telle manière qu’il n’y ait jamais d’affirmation basée uniquement sur la foi ou l’imagination et qui ne soit susceptible d’expérience et de démonstration.

Si nous examinons maintenant les concepts de matière, d’énergie, de conscience, nous voyons que, si loin

que nous poussions nos investigations et nos explications, nous restons toujours dans le connu c’est-à-dire que nous ne pouvons cesser de douer la matière d’étendue, l’énergie de mouvement, la conscience de représentations, car ce sont précisément par ces caractéristiques qu’elles s’objectivent et deviennent réalité. Autrement dit, ces concepts ne se manifestent à nous que par des propriétés affectant particulièrement notre sensibilité et que nous nommons : mouvement, étendue, conscience, etc. Voulons-nous nous représenter ces concepts hors l’élément sensuel, nous tombons dans la métaphysique qui peut, par deux voies différentes, soit tout expliquer par des mots sans signification et satisfaire ainsi les intelligences puériles avec du verbe pur comme : Dieu, âme, infini, l’être-non-être, etc. ; soit prolonger dans l’inconnu, dans l’extra-sensuel, la connaissance sensuelle et permettre le jeu naïf du sectionnement indéfini d’un point que l’imagination grossit et recoupe sans cesse, sans parvenir à se représenter le moins du monde une étendue qui n’ait ni périmètre, ni milieu. Ici la métaphysique s’appuyant sur une réalité sensuelle ; le morcellement infinitésimal de la matière, prolonge indéfiniment, et au delà du compréhensible et du perceptible, cette perception des choses et croit démontrer ainsi l’existence réelle de l’infini dans la petitesse, comme nous admettons l’infini de l’univers. Mais l’absurdité de la métaphysique est ici manifeste. En effet, si l’infini existe entre deux points, tout déplacement, et partant tout mouvement est impossible car pour passer de l’un à l’autre il faudrait franchir l’infini, ce qui est ridicule, attendu qu’on ne peut véritablement, et d’aucune manière, entrevoir le franchissement de l’univers ; mais, par un des effets inévitables des raisonnements faux, les métaphysiciens mettent alors une borne à cet infini en admettant un Dieu créateur du temps et de l’espace.

La métaphysique s’appuie donc toujours d’un côté sur une réalité sensuelle, de l’autre elle plonge dans le vide des spéculations hasardeuses, fantasques et indémontrables. Elle est donc néfaste pour l’harmonie des humains et cela d’autant plus que, ne pouvant, chez les esprits droits, donner aucune réponse satisfaisante sur la réalité des choses qui ne soit une tautologie ou une divagation, elle essaie de discréditer notre connaissance directe, source de tout notre savoir, en croyant démontrer l’illusion des sens et l’insuffisance de notre expérience pour atteindre la vérité.

Sachant que notre sensibilité est le produit de notre réaction avec le milieu nous devons, au contraire, accorder toute confiance à nos sens, à notre raisonnement, à nos expériences, car ils sont le résultat d’une longue adaptation spécifique et nous font connaître les synthèses de la substance en mouvement que nous percevons à différentes échelles d’organisation et de condensation, vue à des plans différents, qui pour nous constitue le seul monde qui nous intéresse, car il nous donne la réalité de la joie de vivre. – Ixigrec.

Ouvrages à consulter. – Aristote : La MétaphysiqueMalebranche : Entretiens sur la métaphysique. – Emm. Kant : Critique de la raison pure ; Prolégomènes à toute métaphysique future ; Esthétique et dialectique transcendantales, etc. – Liard : La science et la métaphysiqueBrochard : Les sceptiques grecsH. Spencer : Les premiers principes ; Principes de psychologieRavaisson : La Philosophie au xixe siècle ; Rapport sur le prix V. CousinSaisset : Le scepticismeRabier : Leçons de philosophieFouillée : L’avenir de la métaphysique ; Le mouvement idéaliste ; L’évolutionnisme des idées-forces ; La philosophie de Platon, etc. – Le Dantec : Contre la métaphysiqueBergson. L’énergie spirituelle, etc. – Guyau : La genèse de l’idée de temps ; L’irréligion de l’avenir, etc. – Lodge : La survivance humaineBos : Psychologie