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directement des êtres vivants ; c’est aux germes, qui abondent dans l’air non calciné, que sont dues les altérations qu’ils subissent d’ordinaire. Un liquide, stérilisé au préalable, se conserve indéfiniment dans l’air privé de germes soit par simple filtration à travers une bourre de coton ou d’amiante, soit par une calcination à 130°, soit de tout autre manière. Il n’existe pas actuellement de génération spontanée. En fut-il toujours de même ? Pasteur n’a pas, ne pouvait pas trancher la question. Beaucoup pensent que les conditions physico-chimiques des époques primitives ou primaires ont rendu possible l’apparition d’un protoplasma (voir ce mot) rudimentaire mais vivant, qui n’impliquait point l’existence d’un œuf antérieur. Plusieurs estiment même qu’aujourd’hui encore la vie sort de l’inorganique et que la faible portée, aussi bien de nos instruments que de nos sens, est la seule cause qui nous empêche de le démontrer clairement. Quant à la théorie déjà ancienne des germes se propageant de planète à planète pour y faire éclore la vie, elle a recruté de nombreux partisans, depuis que l’on a mis en relief l’action propulsive des rayons lumineux sur les poussières cosmiques. L’intérêt philosophique, arbitrairement prêté par les penseurs spiritualistes aux expériences de Pasteur sur la génération spontanée, s’avère donc de médiocre importance. Mais elles conduisirent le célèbre chimiste à l’étude approfondie des ferments, puis des virus. De tout temps on avait rapproché les fermentations des maladies infectieuses ; mais alors que le milieu fermentescible est inerte, modifiable et déterminable à notre gré, l’organisme infecté s’avère vivant et d’une complexité impénétrable. Aussi Pasteur rechercha-t-il d’abord les causes profondes de la fermentation : « Depuis longtemps, a-t-il écrit, j’ai été conduit à envisager les fermentations (voir ce mot) comme des phénomènes chimiques corrélatifs d’action physiologique d’une nature particulière. Non seulement j’ai montré que leurs ferments ne sont point des matières albuminoïdes mortes, mais bien des êtres vivants, mais j’ai provoqué, en outre, la fermentation du sucre, de l’acide lactique, de l’acide tartrique, de la glycérine, dans des milieux exclusivement minéraux, preuve incontestable que la décomposition de la matière fermentescible est corrélative de la vie du ferment et que cette matière constitue un de ses aliments essentiels. Ce qui sépare les phénomènes chimiques des fermentations d’une foule d’autres, et particulièrement des actes de la vie commune, c’est le fait de la décomposition d’un poids de matière fermentescible bien supérieur au poids du ferment en action. Je soupçonne que ce caractère particulier doit être lié à celui de la nutrition en dehors du contact de l’oxygène libre. Les ferments sont des êtres vivants, mais d’une nature spéciale, en ce sens qu’ils jouissent de la propriété d’accomplir tous les actes de leur vie, y compris celui de leur multiplication, sans mettre en œuvre d’une manière nécessaire l’oxygène de l’air atmosphérique. » Plus tard, Pasteur étendra aux maladies contagieuses les propositions fondamentales établies pour les fermentations. Toutes deux résultent de la multiplication d’être vivants invisibles à l’œil nu, les microbes ; à chaque maladie infectieuse correspond un virus spécifique, comme à chaque fermentation différente un microorganisme particulier. Parasites capables d’une vie indépendante, les virus peuvent être cultivés hors de l’organisme, dans des milieux artificiels ; ce qui procure un excellent moyen d’investigation. Après des recherches approfondies sur les ferments et la maladie de la bière, Pasteur aborda l’étude du charbon, qui décimait alors les troupeaux, puis de la rage. Ses découvertes mémorables lui valurent une gloire dont nous ne contestons pas la légitimité. Mais s’il eut le mérite d’attirer l’attention sur le rôle des microbes, disons que ses successeurs modifièrent ses méthodes et ses idées sur bien des points.

Après une phase de vogue extrême, le pasteurisme médical est fort malmené aujourd’hui ; l’explication microbienne des maladies contagieuses, ainsi que la fixité morphologique des microbes venus du dehors ou exogènes sont battues en brèche. On s’arrête de préférence à l’action des glandes endocrines et de leurs produits, à celle des doses infinitésimales, dont les homéopathes avaient déjà montré l’importance, à l’interprétation chimique des maladies et au rôle des équilibres ou arcs nerveux. Néanmoins l’on aurait tort de sous-estimer la place de la microbiologie ; elle reste et restera essentielle en médecine, en chirurgie et dans maintes branches de l’industrie.

Ainsi que nous l’avons dit précédemment, le terme microbe est devenu presque synonyme de bactérie dans le langage courant ; néanmoins certains champignons, des levures et des moisissures surtout, ainsi que plusieurs protozoaires sont à ranger parmi les microbes. Bien que dépourvues de matière colorante en général, les bactéries sont classées parmi les Cyanophycées ou Algues bleues, à cause de leur mode de reproduction. On distingue, d’après leur forme, les Microcoques, corpuscules arrondis tels que les ferments acétiques, les Bacilles, bâtonnets rectilignes comme les microbes du charbon, les Vibrions, filaments incurvés pareils à ceux du choléra, les Spiriles en forme de baguettes spiralées, les Spirochètes, aux spirales serrées, etc… Il existe des virus filtrants, invisibles même avec les meilleurs microscopes, tant leurs dimensions sont exiguës, et qui traversent les bougies-filtres Chamberland. Les virus de la fièvre jaune, de la rage, de la variole, de la scarlatine rentrent dans cette catégorie ; ce sont des bactéries semble-t-il, toutefois celui de la fièvre jaune paraît être un protozoaire. Ajoutons que la forme des microbes change avec le milieu nutritif et les variations de température, ce qui rend malaisé parfois leur détermination spécifique. Dans une solution de peptone, à 36°, les vibrions du choléra se transforment en petits bâtonnets, tandis que les bâtonnets du charbon donnent de longs filaments, quand ils sont cultivés dans un bouillon de poule. Nombre de bactéries possèdent des cils vibratiles qui leur assurent une grande mobilité ; on admet que chacune est composée d’une cellule unique, avec membrane et noyau réduit à des granulations éparses de chromatine, dans certaines espèces. Chez les microcoques, le protoplasme est peu volumineux ; toute la partie centrale semble occupée par un noyau. C’est par étranglements successifs que s’opère la multiplication des bactéries ; chaque cellule se coupe transversalement, et les deux parties ainsi engendrées, après avoir grandi, se sectionnent à leur tour. Si le milieu est favorable, la multiplication peut se faire avec une extrême rapidité ; un bacille rameux en donnera parfois quatre millions en douze heures ; mais elle s’arrête lorsqu’il devient contraire. Dans certaines conditions, des spores apparaissent, corpuscules sphériques entourés d’une membrane fort résistante. Protégées contre le froid ou la dessiccation, ces spores gardent longtemps leur vitalité ; elles germent pour se multiplier à nouveau dès que les circonstances redeviennent favorables. Les microbes aérobies ont un besoin absolu d’oxygène ; ils le puisent directement dans l’atmosphère ou le dégagent de combinaisons peu stables où il entre comme élément. Ainsi les bacilles du charbon décomposent l’oxyhémoglobine du sang pour absorber l’oxygène et provoquent l’asphyxie des tissus. Par contre, les microbes anaérobies cessent de se multiplier dès qu’ils sont en contact avec l’oxygène libre ; c’est le cas du bacille butyrique qui, atteint par l’air, devient immobile et meurt. Mais les anaérobies utilisent l’oxygène en combinaison ; ce qui conduit, en définitive, à des résultats identiques. Entre aérobies et anaérobies il existe d’ailleurs de nombreux intermédiaires ; le bacille de la fièvre typhoïde peut vivre