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sans air, il se développe mieux cependant au contact de l’oxygène. Pour la majorité des bactéries la température la plus favorable est comprise entre 35 et 40° ; beaucoup sont tuées lorsqu’elle s’élève de 60 à 80°. Mais la résistance de leurs spores est parfois très grande ; celles de la gangrène ne sont tuées qu’à 108°, celles du foin à 120° ; celles du charbon peuvent supporter 123° dans un milieu sec. Une température de 100° n’est donc pas suffisante pour obtenir une stérilisation parfaite ; elle tue néanmoins la majorité des germes. Quant aux basses températures, elles restent sans effet ; le microbe de la rage n’est pas tué à —20°, et celui du charbon continue de vivre après avoir supporté —130° pendant toute une journée. À la longue, l’air exerce une action destructive sur la majorité des bactéries, de même la lumière solaire, grâce aux rayons bleus, violets et surtout ultra-violets ; certaines substances dites antiseptiques sont également microbicides, ainsi le bichlorure de mercure, le permanganate de potasse, le formol, l’acide sulfureux, le lait de chaux, le sulfate de cuivre, le chlorure de chaux, l’acide phénique. Pour étudier les microbes on les cultive dans des milieux nutritifs appropriés : bouillons de viande ou de végétaux, peptones, sérum sanguin, tranches de pommes de terre ou de carottes, fruits, morceaux de gélatine ou de gélose. Ensemencées au préalable, ces substances sont conservées dans des tubes ou des ballons et maintenues à la température de 35°. Les laboratoires bactériologiques arrivent à disposer d’une collection de microbes très variés ; plusieurs toutefois n’ont pu être cultivés de la sorte jusqu’à présent. Veut-on obtenir un milieu liquide, un bouillon de viande par exemple, on commence par faire macérer à froid, dans un litre d’eau, 500 grammes de bœuf ou de veau que l’on a divisé, au préalable, en menus fragments. Après avoir exprimé ce mélange, on ajoute 5 grammes de sel marin, plus 1 gramme de phosphate de soude, au bouillon obtenu, que l’on maintient dix minutes dans un autoclave à 115° et que l’on passe sur un filtre mouillé. Une solution de soude au dixième permet ensuite de neutraliser ; puis le liquide est de nouveau maintenu quinze minutes dans un autoclave à 120°. La liqueur filtrée sera répartie dans des tubes ou des ballons, stérilisés au préalable, et refermés ensuite avec un tampon d’ouate. Pour obtenir un milieu solide à la gélatine, on ajoute 100 grammes de gélatine à 1000 grammes de bouillon ; on porte à l’ébullition et lorsque le mélange est ramené à 50°, on colle au blanc d’œuf et on alcalinise faiblement. Après quinze minutes d’autoclave à 110°, on filtre et répartit le produit dans des tubes stérilisés que l’on portera de nouveau à 110°, durant dix minutes. Plus tard, à l’aide d’une pipette ou d’une aiguille stérilisée, on introduira, dans le milieu liquide ou solide, une minime portion de substance contenant le microbe à cultiver. Par d’ingénieux procédés, l’on parvient à isoler une espèce de bactéries de toutes les autres qui coexistent avec elle dans le milieu ambiant et l’on arrive à des cultures pures permettant de démontrer, par inoculation, que tel ou tel microbe est l’agent d’une maladie donnée. Le même milieu ne convient pas à toutes les espèces indifféremment ; le bacille tuberculeux qui prospère dans le sang gélosé ou glycériné, ne pourra vivre dans la gélose pure. Ajoutons que la virulence d’un microbe pathogène peut s’accroître ou diminuer, selon les conditions de culture ; elle s’aggrave, pour le microcoque rabique, en passant par l’organisme du lapin ; elle s’atténue à 42° 5, pour le bacille charbonneux qui, inoculé impunément aux animaux, constitue alors un vaccin.

Fermentations et maladies sont deux manifestations particulièrement étudiées de l’activité microbienne. La fermentation alcoolique est provoquée par des champignons, les levures, dont la multiplication s’opère par bourgeonnement et qui vivent, soit au contact de l’air

en se comportant comme une plante ordinaire, soit dans un milieu privé d’oxygène libre où elles doivent résister à l’asphyxie. Dans ce dernier cas, la levure de bière secrète l’invertine et la zymase, deux diastases dont la première transforme la saccharose en glucose et la seconde détermine la fermentation du glucose. Levure ellipsoïde et levure apiculée secrètent seulement la zymase. C’est sous l’influence du mycoderma aceti que s’accomplit la fermentation acétique ou transformation de l’alcool éthylique en acide acétique. La bactérie lactique, essentiellement aérobie, utilise les lactoses et les glucoses pour donner l’acide lactique. Quant au ferment butyrique, le bacille amylobacter, très l’épandu dans la nature, il est l’agent habituel de décomposition des tissus végétaux, mais reste sans action sur les tissus lignifiés ou subréfiés, ainsi que sur certaines variétés de cellulose. Il se substitue souvent à la bactérie lactique, quand l’oxygène est épuisé ; à l’état libre, ce dernier gaz le tue rapidement.

La science chirurgicale fit aussi une heureuse application des principes de Pasteur. Peut-être lui procura-t-elle son plus grand triomphe dans l’ordre médical, car on a reconnu que l’obscur travail des infiniment petits n’entre pour aucune part dans l’origine de nombreuses maladies. L’infection des plaies rendait souvent mortelles des opérations considérées présentement comme anodines. On ignorait la cause de cette infection, et les microbes les plus virulents, introduits par l’opérateur, pullulaient bientôt, provoquant des complications fatales. Elles ont à peu près disparu et, avec elles, le principal danger des interventions chirurgicales : septicémie, érysipèle, tétanos, infection purulente sont de lointains souvenirs. Les plaies faites au cours des opérations guérissent seules, maintenant, en quelques jours. Dès 1830, un humble médecin de campagne, Jean Hameau, avait eu l’intuition géniale des méthodes qu’il fallait employer ; Hœberlé, Le Fort et d’autres attribuaient une énorme importance aux soins de propreté ; Alphonse Guérin, vers la fin de 1870, songeait à préserver les membres amputés du contact de l’air. Mais c’est un chirurgien d’Edimbourg, Lister, qui, s’inspirant des travaux de Pasteur, créa vraiment la méthode antiseptique. Aujourd’hui, nouveau perfectionnement, tous les objets mis en contact avec la plaie sont, au préalable, stérilisés par la chaleur : instruments, aiguilles, agrafes passent dans des étuves sèches ; ouate, fil, objets de pansement dans des autoclaves. L’opérateur porte des gants, un masque, une blouse stérilisés ; malheureusement, malgré les lavages et brossages de la peau à l’endroit que le bistouri doit attaquer, malgré la teinture d’iode dont on la recouvre, des germes peuvent subsister, et l’air des salles d’opération n’est, lui aussi, que bien difficilement purifié des poussières qui voltigent partout. Ces derniers progrès se sont accomplis sous l’impulsion de Terrier qui, à la méthode antiseptique de Lister, substitua la méthode aseptique ; la première luttait contre l’infection des plaies par des moyens chimiques ; la seconde vise à l’éviter par l’emploi généralisé de la stérilisation préalable. On voit quelles prodigieuses répercussions les recherches microbiennes ont eu sur la chirurgie.

En médecine pure, après avoir voulu tout expliquer par les bactéries, on a constaté que bien des maladies étaient d’ordre biologique et soulevaient des difficultés qui ressortissent tant de la haute physique que de la chimie transcendante. Néanmoins, lorsqu’il s’agit de maladies transmissibles, c’est à la microbiologie qu’il faut recourir pour en connaître et les causes et les remèdes. Tuberculose, syphilis, diphtérie, fièvre typhoïde, choléra, charbon, rage, peste, fièvre jaune, fièvres paludéennes, tétanos, dysenterie, teignes, fièvre récurrente, maladie du sommeil, variole sont du nombre ; et l’on sait que plusieurs de ces affections comp-