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Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 3.djvu/281

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MON
1625

Diomède ne coûte que 9 bœufs, celle de Glaucus en coûte 100. On a employé comme monnaie : les coquilles dans l’Amérique du Nord, les cauris en Guinée, le sel à Sumatra et au Mexique, des bouts de paille au Congo, le thé en Tartarie chinoise, le sel et la poudre en Abyssinie, des fourrures dans le territoire de la Baie d’Hudson et ces instruments d’échange ne sont pas encore complètement tombés en désuétude.

Jusqu’à Pierre le Grand, on employait le cuir comme monnaie en Moscovie. Dans les Massachusetts, en 1641, le blé était légalement accepté comme paiement des dettes. En 1669, le tabac servait de monnaie en Virginie. En, 1812, selon ce qu’écrit Adam Smith, dans sa « Richesse des Nations », des tenanciers de cabarets écossais acceptaient encore des clous comme paiement de l’ale qu’ils débitaient. Enfin, jusqu’à la révolution de 1868, les marchandises et les traitements des fonctionnaires étaient, au Japon, évalués en riz.

L’emploi des bestiaux comme monnaie, chez les peuples habitant les rives de la Méditerranée, a laissé de tels souvenirs qu’il a formé le mot pecunia, pécune.

On s’est servi, à l’origine de l’apparition de la monnaie métallique, de barres ou lingots. Dans son Histoire Naturelle, Pline raconte que jusqu’au temps de Servius Tellius, les Romains se servaient, pour leurs échanges, de barres de cuivre grossières. Mais le système des lingots d’or et d’argent, quand ces métaux précieux furent utilisés, présentaient de graves inconvénients : il fallait les peser et les « essayer ». Quand Abraham achète un champ à un personnage du nom d’Ephron pour y ensevelir sa femme Sara, il pèse les 400 sicles d’argent qu’il lui a coûté « en présence des fils de Heth » et probablement de tous ceux qui entraient par la porte de la ville. (Genèse, XXIII.) Plus tard, pour éviter tant de complications – poids, présence de témoins – on trouva plus commode de frapper les lingots d’un sceau officiel, garantissant d’abord la qualité ou l’aloi du métal, puis son poids. Le commerce prenant de grandes proportions, on finit vers le viie siècle avant l’ère vulgaire par avoir recours aux pièces de monnaie, c’est-à-dire à des lingots généralement cylindriques de très petite épaisseur, dont des empreintes, sur la face comme sur le revers, garantiraient l’aloi et la valeur d’échange, lui conféreraient droit de circulation. La pesée ne devenait nécessaire que dans le cas où l’on craignait la fraude.

Jusqu’à une époque récente, les marchands chinois étaient invariablement munis d’une petite balance destinée à peser les lingots, la poudre ou les fils d’or ou d’argent.

L’Égypte des Pharaons ne connut pas les pièces de monnaie. On se servit comme instrument de troc : d’or, d’argent, d’electrum, de cuivre, de plomb, de fer qu’on manipulait sous la forme de pépites, de bourses (contenant paillettes ou poudre), de briques (tuiles, barres, plaques), d’anneaux – forme la plus fréquente – appelée tabnous, divisés en dix kites.

En Grèce, dans les colonies grecques ou les pays influencés par la civilisation hellénique, on a employé plusieurs systèmes monétaires qui dépendaient des circonstances politiques et des conditions commerciales des villes ou pays de frappe, mais quel que fut le système, la drachme (sicle des orientaux) ou la double drachme ou statère, constituait la pièce principale ou étalon.

Dans le système eginétique la drachme d’argent pèse · · · · · · · · · · 6 gr. 28

Dans le système lydien le statère d’électrum · · · · · · · · · · 15 gr.90

La drachme d’argent attique · · · · · · · · · · 4 gr. 36

Le sicle médique ou drachme perse · · · · · · · · · · 5 gr. 60

Le double-drachme ou statère d’argent phénicien · · · · · · · · · · 11 gr. 20

Le Statère ou double-drachme d’or d’Alexandre · · · · · · · · · · 8 gr. 60

Le sicle ou drachme d’argent juif, à l’époque des Macchabées · · · · · · · · · · 14 gr. 25

Le statère ou double-drachme d’argent corinthien · · · · · · · · · · 8 gr. 22

À comparer avec l’ancienne pièce française de 1 franc (5 francs de notre monnaie actuelle) en argent pesant 5 grammes et la pièce d’or de 10 francs d’avant-guerre pesant 3 gr. 226.

Le denier ou drachme d’argent romain pèse 4 gr. 30, le denier d’argent carolingien, puis féodal, n’atteint plus que 2 à 3 grammes.

Les Grecs avaient une monnaie de compte qu’ils appelaient talent (talenton équivaut à plateau de balance, poids) et qui représentait la valeur d’une somme d’or ou d’argent pesant le poids d’un talent (poids variable, mais qu’on peut évaluer en moyenne à 19 kg 500). La drachme grecque se subdivisait en hémidrachme ou triobole, diobole ou 1/3 de drachme, l’obole ou 1/6 de drachme, l’hémi-obole. C’était le système duodécimal.

Nous le retrouvons d’ailleurs chez les Romains. L’as de cuivre de Servius Tellius qui pesait une livre romaine (327 gr.) était divisé en 12 onces. Il fallut attendre jusqu’en 269 avant l’ère vulgaire pour frapper de la monnaie d’argent à Rome et comme l’atelier de monnayage était situé dans une dépendance du temple de Junon Moneta (l’avertisseuse), on donna le nom de moneta (d’où, provient notre mot « monnaie » ) aux espèces qui y étaient frappées. L’or ne fut frappé à Rome qu’au temps de Sylla. L’antique denier romain était divisé en deux quinaires, eux-mêmes divisés en deux sesterces. Sous l’empire romain, la pièce étalon d’or est l’aureus. Constantin établit une nouvelle pièce étalon, le solidus d’or, qui devient, en nos contrées, le sol ou sou.

En France, à partir du moment où le pouvoir central s’affirma, on compta en livres tournois (de Tours, où existait un atelier de monnayage). La Livre tournois se divisait en 20 sols, le sol en 12 deniers, le denier en 2 oboles, l’obole en 2 pite, la pite en 2 semi-pites. Il va sans dire qu’on n’a jamais frappé de livres tournois.

La livre tournois a constamment tendu à diminuer de valeur. En la comparant au franc-or d’avant guerre, elle a valu : de 1258 à 1278 : 20 fr. 26 – de 1278 à 1295 : 20,11 – de 1330 à 1337 : 18,32 – de 1360 à 1369 : 10,82. En 1400, elle ne valait plus que 9 fr. 81 ; en 1450 : 7,12 ; en 1500 : 5,47 ; en 1559 : 4,06 ; en 1600 : 3,15 ; en, 1650 : 2,02 ; en 1700 : 1,52 ; en 1750 : 1,02 ; en 1800 : 0,99. Le prix du métal baissait, mais l’unité monétaire perdait, parallèlement, de son pouvoir d’achat. Il suffit de multiplier par 5 pour convertir les chiffres ci-dessus en francs stabilisés.

Au moyen-âge et dans les temps modernes, pour faire face à leurs embarras financiers les souverains altéraient la monnaie, en modifiaient la valeur à leur gré, ce qui n’était qu’un expédient tout passager, d’ailleurs, les utilités de consommation ne subissant de fluctuations de valeur que dans une limite assez restreinte. L’altération du poids ou du titre des monnaies, les modifications imposées à leur valeur n’avaient d’effet que dans les paiements que l’État avait à effectuer à ses créanciers sur le moment. Après quelques années de chaos, les prix des marchandises et les salaires finissaient par s’harmoniser avec la nouvelle monnaie.

On a discuté très sérieusement sur le droit du Prince (ou de l’État) d’altérer la monnaie ou de faire varier sa valeur. Nicolas Onesme conseiller de Charles V (comme Bodin au xvie siècle) ne lui reconnaissaient pas cette puissance. Le conseiller d’État Lebret. (xviie siècle) reconnaît au Prince, au contraire, le droit de hausser ou de baisser, le prix de la monnaie quand ses affaires l’exigent. Montesquieu (Esprit des Lois, XXII,