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chap. 11) et le juriste Pothier sont du même avis, avis qu’a confirmé le Code Civil en son article 1895, qui énonce que « l’obligation qui résulte d’un prêt en argent, n’est toujours que de la somme numérique énoncée au contrat. S’il y a eu augmentation ou diminution d’espèces avant l’époque du payement, le débiteur doit rendre la somme numérique prêtée, et ne doit rendre que cette somme dans les espèces ayant cours au moment du payement. » Au fond, c’est la thèse de Philippe-le-Bel qui a prévalu, mais, comparé aux stabilisations d’après-guerre, son faux monnayage apparaît comme lamentable : les ministres des finances de ce roi fameux n’étaient que des apprentis au regard de nos conseillers ès-finances contemporains.

L’or et l’argent ayant été trouvés trop incommodes on a fini par remplacer, pour les grosses transactions, la monnaie métallique par la « monnaie fiduciaire » – billets de banque d’État, bons du Trésor – dont l’emploi repose sur la confiance et le crédit, c’est-à-dire sur l’assurance qu’elle peut être à volonté échangeable ou remboursable contre de la monnaie métallique. Il est évident que l’emploi de la monnaie fiduciaire saine évite non seulement l’usure et les ennuis du transport, mais des frais d’assurance, etc.

Quand l’État ne se trouve plus en mesure de rembourser par de la monnaie métallique la monnaie fiduciaire, il décrète que cette dernière aura cours forcé et le papier-monnaie devient l’unique instrument d’échange des habitants du territoire où son emploi est devenu obligatoire. Que nous voilà loin du lingot primitif, monnaie réelle ! Quelle évolution de cette barre de métal qu’on pesait et qu’on essayait de façon à ne point être trompé ni sur la qualité ni sur la quantité, au billet de banque dont la circulation est imposée et dont la valeur est fictive, puisque non remboursable.

Dans ses Premières Notions d’Économie politique, M. Charles Gide écrit que la monnaie « est un des plus admirables instruments inventés par l’homme, tout comme l’alphabet ou le système décimal et qui, tout comme ceux-ci, peut servir indifféremment au mal ou au bien ». Citant l’exemple de certains pays d’Afrique où, en partie, à cause du manque de monnaie, les Noirs sont victimes de l’exploitation la plus éhontée, il constate que « l’avènement de la monnaie est pour eux une libération ».

Si la plupart des communistes-anarchistes prévoient – un peu trop hâtivement – la suppression de toute monnaie dans les transactions que les humains peuvent conclure entre eux – un grand nombre d’individualistes anarchistes (spécialement ceux rattachés à la tendance B. Tucker — J.-H. Mackay – E. Armand) revendiquent le droit d’user d’une valeur d’échange-monnaie au cours des transactions qu’ils peuvent avoir à réaliser soit avec les autres humains, soit plus simplement avec leurs camarades. La frappe libre de la monnaie métallique et la libre émission de la monnaie fiduciaire figurent en bonne place dans la liste de leurs revendications.

Du moment qu’on se refuse à admettre le communisme général de la production et de la consommation, cette attitude est compréhensible et évidemment justifiable. Les individualistes anarchistes n’acceptent point qu’il suffise à un être quelconque de se présenter à un comptoir ou à un magasin – sans justification du travail intellectuel ou manuel qu’il a accompli – pour se procurer tout ce dont il a besoin. Il n’admettent pas la suppression de l’échange entre individus pris personnellement ni son remplacement par un centre privilégié, imposant son intervention. Ils veulent pouvoir jouir personnellement du produit intégral de leur labeur obtenu sans l’exploitation du travail d’autrui et cela grâce à leur possession, à titre individuel et inaliénable, du moyen de production (sol, outils, engins divers). L’échange direct entre producteurs-consomma-

teurs, isolés ou associations, sous-entend une valeur et peu importe sa base : peine que l’objet ou la transformation de la parcelle de matière a coûté ou rareté de l’utilité. La monnaie apparaît comme la représentation ou le signe représentatif par excellence de cette valeur ou affirmation de l’effort personnel.

Peu importe, d’ailleurs, au point de vue anarchiste, la forme et la base de la monnaie servant aux échanges ou trocs entre isolés, associations ou fédérations d’associations. Dans un milieu individualiste où n’existeraient ni domination, ni exploitation ou interventionnisme d’un genre quelconque, les étalons, les mesures de la valeur, les instruments d’échange pourraient varier à l’infini. Ils se concurrenceraient et cette concurrence-émulation assurerait leur perfectionnement. Chaque personne, chaque association se rallierait au système cadrant avec : son déterminisme, s’il s’agit d’individualités – avec le but qu’elle se propose, s’il s’agit d’associations. Par conséquent, de l’individu ou de l’association frappant ou émettant par ses propres moyens sa valeur d’échange-monnaie à l’association créée spécialement pour frapper de la monnaie métallique ou de la monnaie fiduciaire, il y a de la marge. Comme il y a de la marge du bon-heure de travail ou du bon de consommation à la pièce de monnaie-instrument d’échange. Or, il n’est aucune de ces conceptions qui ne puisse trouver place en une économie individualiste anarchiste. D’où s’ensuit que les individualistes considèrent comme relevant de l’ordre archiste tout milieu social, toute organisation qui les empêcherait de se servir de monnaie ou valeur d’échange, ou encore d’en préconiser l’emploi. – E. Armand.

Ouvrages à consulter. – A. Arnauné : La monnaie, le crédit et le change. – L. Bamberger : Le métal argent à la fin du xixe siècle. – J. Decamps : Les changes étrangers. – P. Decharrne : Les petites coupures de billets. – Delmar : La valeur des métaux précieux. – Yves Guyot : Le probl. de la déflation monétaire. – Irving Fischer : L’illusion de la monnaie stable. – Stanley Jevons : Économie politique. – G. Lachapelle : Les batailles du franc. – G. Boris : Probl, de l’or…, etc.


MONOANDRIE, MONOGAMIE n. f. Monoandrie (du grec monos, seul, et andros, homme), état d’une femme mariée à un seul homme, se rapporte exclusivement au sexe féminin ; Monogamie (du grec gamos, mariage), état de la femme mariée ou unie à un seul homme ou de l’homme marié ou uni à une seule femme s’applique à l’un comme à l’autre sexe. Monogame s’entend également de l’état d’une personne qui n’a été mariée qu’une seule fois.

La Grèce et Rome, polythéistes, n’ont jamais attribué qu’une importance relative à la monogamie et toujours dans un sens favorable à l’élément masculin du couple.

À Rome, le concubinat, admis en dehors du mariage, jouissait d’un statut légal.

Les dieux de l’Olympe donnaient de si fréquents coups de canif dans le contrat matrimonial qu’il aurait fallu à leurs sectateurs une dose de naïveté peu commune pour prendre la monogamie au sérieux.

On trouve dans notre code une allusion à cette légalisation du concubinat, puisque le fait d’entretenir une concubine hors du domicile conjugal ne constitue pas un délit. D’ailleurs, alors que la femme convaincue d’adultère est passible d’emprisonnement de trois mois à deux ans (C. pén. § 337), le mari qui aura entretenu une concubine dans la maison conjugale s’en tire avec une amende de 100 à 2.000 francs (C. pén. § 339).

Il fallut le christianisme – monothéiste – pour faire apparaître la monogamie comme un idéal religieux et social. Selon la thèse chrétienne, le mari est censé aimer son épouse comme le Seigneur aime l’Église – c’est la définition paulinienne des rapports entre conjoints ;