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Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 3.djvu/287

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Les 20 % attribués aux bénéfices commerciaux et industriels se divisent naturellement en deux sections :

La première comprend les bénéfices provenant de l’initiative et de l’habileté dans la gestion des affaires ou entreprises de caractère commercial ou industriel, c’est ce que C.-L. Swartz appelle Profit of Enterprise. Il pense que sur ces 20 %, il lui revient 6 %.

La seconde section comprend les bénéfices provenant des droits de douane, des exemptions de taxe, des privilèges spéciaux. 1o Prenons les droits de douane : en examinant les divers tarifs de douane en vigueur aux États-Unis depuis 50 ans, on s’aperçoit qu’ils ont eu pour effet de faire hausser d’un tiers le prix général des objets de consommation ; on peut sans exagérer évaluer au tiers de cette surcharge ou 11 % le bénéfice personnel des fabricants, manufacturiers, intermédiaires ; 2o Des documents officiels montrent que 1/8 à 1/10 des taux payés pour les utilités publiques le sont à titre de franchises, d’exonérations, de dégrèvements, de privilèges, de primes diverses. La même chose peut se dire des frais de transport ; 3o Il y a enfin les bénéfices résultant d’exemption et de privilèges légaux concédés aux industries de l’agriculture, du bâtiment, des mines. Tout cela, C.-L. Swartz l’appelle Profit of Privilege.

En estimant à 10 % le bénéfice des opérations effectuées sur la fabrication, le négoce, les transports et les utilités publiques privilégiées, c’est rester au-dessous de la vérité. En 1922, le revenu brut de ce groupe s’élevait à 90 milliards de dollars, dont le 10 % est 9 milliards de dollars, soit, du revenu national total : 14 %.

Rétablissons ainsi le tableau du revenu national des États-Unis (moyenne 1918-1923), qui s’élève à 64 milliards de dollars.

Répartition :

% milliards
de doll.
Gages et salaires. 50% 32
Bénéfices initiative ou entreprise particulière. 6% 3,8
Bénéfice du Privilège. 14% 9
Profit du capital, ventes de terrains, garanties et nantissements, ventes d’actifs divers. 4% 2,6
Loyers, redevances, intérêts et dividendes. 26% 16,6
____ ____
Soit 100% 64,0
Revenu de l’effort et du travail. 56% 35.8
Revenu du privilège. 44% 28,2
____ ____
100% 64,0

Mais ce n’est pas tout, les dépenses gouvernementales, aux États-Unis, s’élèvent à 11 milliards de dollars, soit 8 à 10 % du revenu national annuel. Comme la plus grande partie des impôts est finalement payée par les salariés en tant que consommateurs, il est très modéré d’en déduire que 10 % de ce qui est attribué à l’effort et au travail lui est enlevé pour subvenir à l’improductive activité gouvernementale. Il faut donc ramener à 46 % la part du revenu de l’effort et du travail.

Il ressort de tout cela que 50 % au moins du revenu total annuel des États-Unis est versé ou extorqué à titre de tribut ou de taxe au profit du monopole ou pour l’entretien de l’improductif appareil gouvernemental ; de sorte que si les femmes et les hommes employés, aux États-Unis, à un effort productif, recevaient le salaire intégral de leur travail, ils toucheraient le double de ce qu’ils reçoivent actuellement. Il est à présumer qu’il en est à peu près de même dans les autres pays. – E. Armand.

À consulter. – A. Fourgeaud : La rationalisation. – Liefmann : Cartels et trusts. – G. de Nouvion : Le Monopole des assurances. – Marchis : Le monopole de l’alcool. – etc.


MONOTHÉISME n. m. (de monos, seul, et thêos, dieu). D’instinct, l’homme projette hors de lui-même ses idées, ses sentiments, son activité ; il les prête aux animaux, aux plantes, aux objets inanimés, peuplant ainsi le monde d’esprits plus ou moins semblables au sien. L’enfant invectivera la table contre laquelle il s’est heurté, la menacera, la frappera, croyant lui rendre le mal par lui éprouvé. Dans la fable, l’homme continue de prêter aux choses, aux plantes, aux animaux surtout, des vices et des qualités qui sont le propre de son espèce. Nous voyons le sauvage fétichiste entretenir, comme l’enfant, des relations amicales ou hostiles avec les esprits logés dans les objets qui l’entourent. Et l’histoire montre que l’animisme inspira les formes primitives du sentiment religieux : totémisme, magie en découlent en droite ligne. Par suite du besoin de simplifier, d’unifier, inhérent à l’esprit humain, une réduction du nombre des dieux devait s’opérer au cours des siècles ; le monothéisme en fut le résultat final. Mais chrétiens, juifs ou musulmans conçoivent toujours Dieu d’une façon essentiellement anthropomorphique ; et nos pires tendances sont bénévolement attribuées à ce prétendu roi du monde. Orgueilleux jusqu’à la folie, il n’est satisfait que si l’on marmotte à son adresse d’interminables compliments ; son nez a besoin d’un continuel encens ; du genre humain il fait l’escabeau de ses pieds ; ses yeux se repaissent du spectacle des peuples prosternés. Son mépris de la justice est tel que pour punir Adam et Ève, il se venge sur leurs malheureux descendants ; il condamne à mort tous les premiers-nés des Égyptiens, en haine du pharaon ; Il frappe Huza qui, mû par une excellente intention, retient l’arche d’alliance prête à tomber. Après avoir fait tuer les madianites mâles, Moïse ajoutera au nom de Jahveh : « Tuez donc maintenant les mâles d’entre les petits enfants et tuez toute femme qui aura eu compagnie d’homme ». Jésus, dieu pourtant plus pitoyable, continue de tourmenter en enfer quiconque transgresse les innombrables lois promulguées au profit des puissants. Il ordonne de pardonner, mais se venge avec une cruauté qui dépasse de loin celle de Néron ou de Caligula : digne fils du Père Éternel qui n’hésita pas à le sacrifier lui-même et à le faire mourir sur une croix, tant il était altéré de sang, au dire des théologiens. Le rite essentiel de catholicisme reste de nos jours, la manducation du corps de Jésus, « bien que dévorer cette chair, déclare saint Augustin, paraisse plus affreux que de tuer un homme ». La messe est le renouvellement des angoisses du Calvaire ; la cène, de l’aveu de saint Cyrille, est un banquet de cannibales. Par bonheur, cette anthropophagie, devenue symbolique, se borne présentement à manger un bout de pain où Jésus demeure invisible. Ajoutons que Dieu s améliore avec le temps ; simple reflet des tendances humaines, il change et se transforme comme ces dernières. Le développement du cordicolisme, les transports d’amour prêtés par Marie Alacoque au successeur de Jahveh, en fournissent un exemple frappant. Après de longues hésitations, l’Église a fait siennes les élucubrations de cette hystérique, n’osant pas s’attarder à la conception, passée de mode, d’un dieu éternellement grincheux. Déjà la thèse du petit nombre des élus, admise par tous au moyen-âge, est répudiée par des théologiens très orthodoxes ; ne désespérons pas de voir le pape éteindre le feu de l’enfer ou presque et mettre a sa place un brasier d’amour. Loin d’être devancés par Dieu, les hommes le traînent péniblement à la remorque du progrès.

Ceux qui considèrent la Bible comme un livre ins-