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dèrent que cette loi est relative et peut être modifiée… Nous avons là les deux sortes de respect : l’un qui est unilatéral et n’a aucune part dans la conscience morale des enfants, l’autre qui est mutuel et fait partie de leur personnalité. C’est ici que nous trouvons la véritable obéissance, le vrai sentiment du bien… Le respect unilatéral engendre le sentiment du devoir, mais il reste extérieur à l’enfant. D’autre part, le respect mutuel crée l’autonomie morale, le sentiment du bien. » ; il mène à la coopération, à l’indépendance et à une compréhension de la vie morale meilleure que l’autre.

Cette distinction du respect unilatéral, qui résulte d’un rapport de contrainte, et du respect mutuel qui caractérise un rapport de coopération est d’une grosse importance pour le choix des techniques propres à l’éducation morale. Par suite du développement mental du jeune enfant, au caractère égocentrique, il faut tout d’abord savoir se contenter du respect unilatéral, et user de la contrainte en imposant jusque vers sept ou huit ans des règles aussi peu nombreuses que possible et qui n’admettent pas d’exception. Ces règles seront d’autant mieux respectées que nous saurons prêcher d’exemple. Mais il faut aussi que nous comprenions que le respect mutuel ne peut s’acquérir que par des relations entre égaux. C’est par l’école active — et non pas seulement les méthodes actives — que l’on peut le mieux permettre aux enfants de dégager des règles et des habitudes morales, de leurs jeux, de leurs travaux collectifs, de l’entr’aide qui devrait prendre dans nos écoles la place qu’y tenait autrefois la concurrence.

Mais l’école active est une exception et la plupart des maîtres songent bien plus à enseigner et imposer des règles morales qu’à faire naître de telles règles de la vie scolaire mieux organisée. « La sagesse, la docilité, l’attention, dit Baucomont, sont pour le maître les vertus capitales de l’écolier modèle. Ce ne sont pas celles de l’enfant. Qu’à cela ne tienne : il adoptera, six heures par jour, respectera et pratiquera une morale de façade pour l’école et pour le maître. Nous avons la paix. Cela nous suffit si nous n’avons cure de ce qui se passe au fond.

« Au fond, cependant, chaque enfant a édifié peu à peu, à l’insu des adultes, parents et maîtres, une conception de la morale, une somme plus ou moins riche des règles de la vie collective. Et cette morale, pratiquée par tous les enfants, dans leurs occupations et leurs jeux, hors de la présence des adultes, n’est pas tout à fait la nôtre. Elle n’accorde pas la primauté aux vertus qui nous semblent les plus importantes : elle en révèle d’autres que nous laissons, à l’école du moins, au second plan, souvent parce que la pratique de ces vertus troublerait notre tranquillité ou atteindrait au vif notre orgueilleuse assurance.

« Nous ne possédons actuellement, en France, que des esquisses de l’étude sociologique des groupes enfantins qui nous permettrait de connaître quels sont les caractères, les modalités, les constantes de la moralité de fait, pratiquée spontanément par les enfants et que nous pourrions considérer comme les solides fondements sur quoi édifier leur moralité future : la morale des société adultes.

On trouvera une amorce de cette sociologie enfantine dans les travaux de G. Varendonck : Recherches sur les sociétés d’enfants (Misch et Thron, Bruxelles. 1914) ; R. Cousinet : La Solidarité enfantine (Revue philosophique, 1908) ; Ad. Ferrière : L’Autonomie des Ecoliers (Delachaux et Niestlé) ; F.-W. Foerster : L’École et le Caractère (Delachaux et Niestlé). » (Baucomont oublie de citer : Rouma : Pédagogie sociologique (Delachaux et Niestlé) et M. Lejeune : L’observation du caractère dans les associations d’adolescents. (Document 9 de l’Union Belge d’Éducation morale.)

« Si peu avancées que soient les recherches en ce sens, elles permettent néanmoins déjà de déceler quelques-

unes des tendances morales dominantes parmi les groupes d’enfants : 1° L’esprit de camaraderie et d’entr’aide (aider les autres, au travail et au jeu, leur prêter les objets dont ils ont besoin) ; 2° L’esprit de justice (donner raison à celui qui le mérite) ; 3° L’esprit de solidarité (prendre le parti de son groupe, ne pas le trahir) ; 4° L’esprit de conformisme (ne pas se distinguer des autres ; ne pas poser) ; 5° L’esprit d’initiative (savoir se débrouiller, se tirer d’affaire dans les circonstances difficiles) ; 6° La confiance en soi, l’énergie morale, la volonté (oser, ne rien craindre) ; 7° L’esprit de conciliation (chercher à accorder ses désirs à ceux des autres) ; 8° L’enthousiasme (communiquer passionnément ses idées et ses sentiments aux autres). »

On pourrait ajouter :

Le respect de la parole donnée ; 10° L’amour de l’approbation, etc… »

« Ces vertus, ajoute Baucomont, sont celles que l’enfant apprécie entre toutes, puisque ce sont celles que l’on trouve le plus souvent réunies chez les meneurs, les leaders et chefs de clans, et ce sont elles qui assurent leur prestige et établissent leur autorité.

« Or, si ce ne sont pas là des vertus spécifiquement scolaires, de celles qui conquièrent à l’élève les louanges, les récompenses et les faveurs du maître, on accordera qu’elles constituent pourtant les éléments non négligeables d’une morale susceptible d’orienter d’une façon très élevée et très féconde la conduite de la vie.

« Le rôle de l’éducation morale scolaire peut donc être nettement tracé : pour qu’il n’y ait pas antagonisme entre la morale du maître et celle des enfants, l’éducateur, non seulement ne doit pas ignorer ou méconnaître les sentiments, opinions et jugements moraux des enfants, mais il doit, au contraire, les utiliser, les laisser pratiquer et les pratiquer pour son propre compte dans ses rapports avec les enfants.

Cette conciliation de la morale des adultes (celle que nous voulons enseigner aux enfants et leur faire adopter avant l’heure) et de la morale enfantine ne peut évidemment pas s’opérer par le moyen d’un enseignement didactique, de prêches et de leçons. Ce ne peut être qu’une pratique, un mode d’agir et de vivre. »

XIV. Les défauts des enfants. — L’enfant, dit le Docteur Gilbert Robin, « n’a pas de défauts : il est mal élevé ou malade ». (Dr G. Robin : L’enfant sans défauts, Flammarion, édit,). Pour corriger les enfants de leurs prétendus défauts, il faut d’abord faire l’éducation des parents et c’est ce que nous allons tenter de faire, aussi brièvement que possible. Tout d’abord il faut que chacun soit bien convaincu que l’intervention d’un médecin compétent est souvent utile, qu’elle est même indispensable dans les cas graves, où il est bon que le médecin soit aussi psychologue. C’est donc au psychiâtre qu’il faut, si besoin est, demander conseil.

Paresse. — Causes : a) d’origine physiologique : soit le fonctionnement morbide du cerveau, soit un ralentissement de la nutrition provenant, le plus souvent d’une mauvaise hygiène alimentaire, soit maladie du système nerveux (neurasthénie infantile) ; dans tous ces cas, l’enfant ne peut fournir l’effort qu’on lui demande ; b) d’origine mentale : l’enfant, bien portant, se refuse à un travail contraire à ses goûts. Remèdes : Suivant les cas : meilleure hygiène alimentaire (choisir de préférence des aliments qui se digèrent facilement) ; exercice physique modéré (la fatigue physique s’ajoute à la fatigue mentale) ; emploi du temps bien régulier ; emploi de toniques, après avis du médecin, massages, douches, etc. ; enseignement intéressant, motivé, aussi peu abstrait que possible, réservant une place aux activités manuelles.

Peur. Timidité. Bouderie. — Causes : a) Constituent souvent des réactions de défense passive. Parmi